Depuis 2009, en zone euro et notamment en France, la population en âge de travailler recule par rapport à la population totale. Cette attrition est amenée à se poursuivre jusqu’au milieu du siècle. La réduction de la population en âge de travailler conduit à une dégradation naturelle du solde public, dégradation qui ne peut être enrayée que par l’amélioration du taux d’emploi, l’augmentation du nombre d’immigrés ou la progression de la productivité.
La population en âge de travailler devrait baisser de 15 % dans la zone euro entre 2022 et 2050 quand la population totale ne baissera que de 4 %. En France, la population en âge de travailler diminuera de 6 % entre 2022 et 2050 quand la population totale augmentera de 3 %.
La dégradation des comptes publics est parallèle à la détérioration du ratio actifs/retraités. Depuis 2008 qui marque le début d’arrivée à l’âge de la retraite des premières générations du baby-boom, le taux d’endettement public tend à augmenter dans la zone euro et tout particulièrement en France. Certes la survenue de la crise financière de 2007/2009 explique la forte augmentation de la dette publique mais celleci est nourrie par la persistance d’un déficit élevé. Entre 2008 et 2022, la dette publique est passée de 70 à 90 % du PIB pour la zone euro et de 67 à 110 % du PIB pour la France.
Le vieillissement de la population se traduit par la progression des dépenses de retraite, de santé, de dépendance et de sécurité. Les dépenses publiques sont en augmentation constante en Europe depuis une vingtaine d’années. Elles sont passées de 53 à 58 % du PIB en France de 2007 à 2023 et de 46 à 50 % du PIB en zone euro. Avec la diminution du nombre de personnes en âge de travailler, la progression des recettes fiscales est plus lente. Les retraités ont des revenus inférieurs aux actifs et leur propension à consommer est moindre. Les prélèvements obligatoires augmentent ainsi moins vite que les dépenses. Ils sont passés, entre 2007 et 2023, de 38 à 40 % du PIB dans la zone euro et de 43 à 45 % du PIB en France. Les impôts ne compensent que la moitié des hausses de dépenses.
Dans les prochaines années, les déficits publics ne peuvent que progresser d’autant plus que la productivité tend à s’éroder. Le recours à l’immigration constitue un des moyens pour limiter la baisse de la population en âge de travailler. De même, l’augmentation du taux d’emploi en améliorant l’insertion des jeunes et en reculant l’âge de départ à la retraite constitue l’autre grande solution. Plusieurs États européens dont ceux du Nord ou l’Allemagne disposent de peu de marges de manœuvre en la matière compte tenu de leur taux d’emploi déjà élevé.
Comment réagir au vieillissement démographique en Europe ?
La population en âge de travailler diminue rapidement en Europe, induisant un manque à gagner au moment même où les besoins en matière de retraite, de santé, de dépendance augmentent. Les États européens ont choisi implicitement de placer à l’étranger leur épargne afin de pouvoir de bénéficier de revenus supplémentaires. Ce choix relativement tardif ne semble pas être en mesure de compenser les effets de la baisse de la croissance potentielle.
La baisse de la population âgée de 15 à 64 ans a commencé en 2008 au sein de la zone euro. En 2023, elle est de 0,4 % et atteindra 0,7 % en 2040. Cette contraction est la conséquence de la diminution du taux de fécondité ces trente dernières années et des départs massifs à la retraite des générations du baby-boom. Face à la baisse de la population en âge de travailler, deux stratégies sont possibles :
- une stratégie d’investissement dans les pays jeunes qui fera bénéficier l’Europe du revenu du capital sur ces investissements ;
- une stratégie de robotisation de l’Europe qui maintiendra la capacité de production et le revenu par tête, grâce aux gains de productivité induits, malgré le recul de la population en âge de travailler.
Ces dernières années, l’Union européenne a privilégié la première stratégie en ayant un excédent important de sa balance courante se traduisant par d’importants investissements à l’étranger. L’excédent est en moyenne de 2 % du PIB de 2010 à 2023 grâce notamment au solde positif de la balance commerciale des Pays-Bas et de l’Allemagne ainsi que du rétablissement de celle des pays d’Europe du Sud. Ces quinze dernières années, la France est un des rares pays à enregistrer, une dégradation son solde de la balance des paiements courants en lien avec la détérioration de son solde industriel. La zone euro dégage des avoirs extérieurs positifs de près de 5 points de PIB quand en 2008, elle avait une dette extérieure de plus de 10 points de PIB. En revanche, les entreprises européennes ont peu investi dans la robotisation de leurs équipements. Le nombre de robots industriels pour 100 emplois manufacturiers est, en 2023, de 2,5, contre 4 au Japon et 9 en Corée du Sud, deux pays fortement touchés par le vieillissement démographique.
Sur le long terme, la stratégie européenne est-elle contreproductive ? Les investissements étrangers sont censés générer des revenus permettant de financer les dépenses en faveur des retraités. Ces revenus vont dans les faits aux actionnaires et non aux retraités compte tenu de la faiblesse des fonds de pensions européens. Seuls les États d’Europe du Nord et les Pays-Bas ont des fonds de pension garantissant des suppléments de revenus aux retraités. Dans les autres pays, les revenus financiers sont concentrés sur un nombre réduit de bénéficiaires. En revanche, l’idée de capter une partie de la croissance extérieure qui est plus rapide que la sienne n’est pas en soi une mauvaise solution. Néanmoins, en jouant la carte de l’investissement à l’étranger, les entreprises ne permettent pas d’accroître leurs gains de productivité en zone euro, en raison de leur retard en matière de robotisation et de digitalisation. L’Europe a un potentiel de gains de productivité. De 2002 à 2023, la productivité par tête a progressé de 9 % en zone euro et de 45 % aux États-Unis. En 2023, les investissements dans les technologies de l’information et de la communication représentaient 2,6 % du PIB en zone euro, contre 3,8 % aux États-Unis. Une augmentation des investissements en Europe ne nuirait pas obligatoirement aux revenus du capital. Ceux en provenance de l’étranger n’ont pas un rendement exceptionnel. Ils représentent depuis une dizaine d’années à 1,5 point de PIB.
L’autre option pour compenser le recul de la population en âge de travailler est de jouer sur le facteur migratoire. Depuis deux ans, l’immigration nette en pourcentage de la population totale est en hausse assez marquée au sein de la zone euro, +1,1 % en 2022, contre +0,5 % en 2002 mais ce taux est variable selon les États. Avec les États d’Europe du Nord, l’Allemagne est l’un des pays qui a le plus favorisé l’arrivée de travailleurs étrangers. Dans plusieurs pays, l’hostilité de la population à l’immigration est de plus en plus forte. À défaut de recourir à l’immigration, l’autre voie mais avec des effets à long terme serait la relance des politique familiales. Dans les faits, il n’a jamais été prouvé que ces politiques avaient des effets tangibles sur la natalité. Les dernières expériences en la matière, que ce soit en Chine, en Russie ou en Allemagne, prouvent l’inverse. Dans le meilleur des cas, une amélioration temporaire est constatée avant d’être suivie du retour de la tendance précédente