L’inflation baisse mais il n’est ni souhaitable, ni envisageable que les prix chutent pour revenir à leurs niveaux moyens de 2021. Les prix ont augmenté fortement depuis trois ans, mais les salaires également. Pour que les prix retrouvent leur niveau de 2021 (avant le choc inflationniste), il serait nécessaire que les salaires baissent également, sans quoi les coûts salariaux des entreprises deviendraient excessifs. Or, il existe une rigidité des salaires à la baisse, le scénario d’un retour aux niveaux de prix et de salaires d’il y a trois ans est donc improbable. Cela n’est pas un problème en soi, le fonctionnement normal d’une économie est que les prix augmentent d’environ 2 % par an, et non qu’ils baissent, ce qui compliquerait (entre autres) la conduite de la politique monétaire.
Baisse de l’inflation : Ne pas confondre avec une baisse des prix
L’inflation a fortement baissé ces derniers mois, ce qui signifie que les prix augmentent toujours, mais moins vite. Après avoir atteint un pic à 6,3 % en février 2023 en glissement annuel, l’inflation a régulièrement baissé pour atteindre 3,0 % en février 2024. Les prix continuent donc d’augmenter, mais leur rythme de progression est moins rapide. Depuis janvier 2021, les prix moyens à la consommation en France ont augmenté de 12 %, et ils ne reviendront pas à leur niveau précédent.
Baisse des prix : un scénario improbable, qui devrait s’accompagner d’une baisse des salaires
Les prix ont augmenté rapidement au cours de ces deux dernières années, mais les salaires aussi. Entre le premier trimestre 2021 et le quatrième trimestre 2023, les prix ont augmenté de 12 % et les salaires 9 %. Pour l’instant, l’inflation a été plus dynamique que la hausse de salaires, mais la situation est en train de s’inverser, ce qui est fréquent lors d’un choc inflationniste
puisque les salaires s’ajustent avec retard aux variations de prix. Ainsi, au quatrième trimestre 2023, le salaire mensuel de base a progressé de 3,8 % et les prix de 3,6 %1. Il est donc probable que, au cours des prochains trimestres, le niveau des salaires de base rejoigne le niveau des prix (exprimé dans le graphique suivant en base 100 au premier trimestre 2021).
Une baisse des prix devrait s’accompagner d’une baisse des salaires, ce qui ne semble pas envisageable. Si les prix revenaient à leur niveau de début 2021, avant le choc inflationniste, il faudrait également que les salaires (qui sont eux aussi un prix, à savoir le prix du travail) retrouvent également leur niveau d’il y a trois ans. Il en résulterait une baisse des salaires d’environ 10 %. Si les prix baissaient à salaires inchangés, les charges salariales des entreprises s’envoleraient, il en résulterait des faillites et du chômage. Toute baisse sensible des prix devrait donc s’accompagner d’une baisse des salaires, ce qui serait extrêmement impopulaire. L’expérience prouve qu’il existe une forte rigidité à la baisse des salaires, même en période de chômage élevé, car les salariés refusent généralement d’accepter des salaires plus faibles. Par exemple, en Espagne, suite à l’éclatement de la bulle immobilière en 2008, le chômage avait dépassé 25 % mais les salaires n’avaient pas baissé, ils avaient simplement ralenti leur rythme de progression. Ainsi, comme les coûts salariaux des entreprises ont augmenté, tirés par le contexte inflationniste, il n’est pas possible que les prix baissent sensiblement.
Inflation optimale : Aux alentours de 2 %
Il est souhaitable que les prix ne baissent pas. La cible d’inflation de la Banques Centrale Européenne est de 2 %. Si le niveau de la cible fait débat, personne n’envisage de viser une inflation durablement négative, c’est-à-dire une déflation. Il est normal que les prix augmentent régulièrement dans une économie. En effet, cela permet également d’établir un niveau tendanciel des taux d’intérêt supérieur à zéro et donc, en cas de crise, la banque centrale dispose d’une marge de manœuvre pour baisser les taux d’intérêt et donc stimuler l’économie. Si l’inflation et les taux étaient régulièrement à 0 %, la banque centrale ne pourrait pas mener de politique monétaire en cas de besoin. Ainsi, l’objectif des banques centrales est actuellement de ramener l’inflation aux alentours de 2 %, mais nullement de faire baisser les prix. Une inflation durablement à 2 % ne signifie pas que les salariés perdraient irrémédiablement du pouvoir d’achat, si leur rémunération suit une progression identique (voire supérieure) à celle des prix.
Sylvain BERSINGER, chef économiste chez Asterès