2023, année du lapin pour les Chinois n’a pas été un grand cru. L’année dernière, la population du pays a diminué pour la deuxième année consécutive et le PIB a diminué en dollars. Ce mauvais résultat retarde l’avènement de la Chine comme première puissance économique mondiale. Il n’est pas toujours facile d’être un numéro 2.
La sortie de la politique du zéro covid a été calamiteuse tant sur le plan sanitaire qu’économique. De décembre 2022 à février 2023, le nombre de décès se serait accru de 1,4 million selon certains modèles. Les autorités chinoises ont admis une augmentation de 0,7 million, portant le nombre de décès à 11,1 millions en 2023. L’augmentation des décès s’est accompagnée d’une baisse du nombre des naissances de 500 000. La population du pays s’est ainsi réduite de plus de 2 millions d’habitants l’année dernière. Plus d’un cinquième de sa population est désormais âgée de 60 ans ou plus, soit près de 300 millions de personnes. En termes démographiques, les seniors chinois se placeraient en tant que pays au quatrième rang mondial derrière les États-Unis.
Malgré le vieillissement, et à la différence des pays occidentaux, le chômage tend à augmenter en raison de la faible croissance économique. Le taux de chômage des jeunes urbains a dépassé 21 % en juin amenant les pouvoirs à cesser de publier des chiffres à ce sujet. En janvier, le Bureau national des statistiques (NBS) a commencé à publier une mesure révisée excluant les étudiants susceptibles de chercher du travail. Selon cette nouvelle mesure, le chômage des jeunes dans les villes chinoises était de 14,9 % en décembre dernier. Ce changement de série aboutit à sous-évaluer le chômage des jeunes. En avril de l’année dernière, près de 39 % des jeunes demandeurs d’emploi chinois n’avaient pas encore obtenu leur diplôme. Les soustraire de la population active aurait réduit le taux de chômage des jeunes pour mars 2023 de 19,6 % à 13 %. Le chômage des jeunes serait ainsi, en ce début d’année, proche de 20 %.
En 2023, l’économie chinoise a connu sa plus faible croissance depuis 1990, +5,2 % en termes réels. Le gouvernement peut néanmoins se féliciter d’avoir dépassé l’objectif de 5 %. La consommation privée et publique a contribué à plus de 82 % à cette croissance, sa part la plus élevée depuis 1999, compensant en partie la chute de l’activité dans l’immobilier. Au-delà des chiffres macro-économiques officiels, la Chine est en déflation. Les prix baissent dans de nombreux secteurs comme dans l’alimentation ou l’énergie. Le prix des véhicules a diminué de 4 % en 2023. Le déflateur du PIB, une mesure générale des prix, a reculé en 2023. Cet indicateur n’a baissé qu’à cinq reprises en 40 ans. Dans leur ensemble les prix se sont contractés de 0,6 point ramenant la hausse réelle du PIB à 4,6 %.
À l’opposé de la pratique en cours au sein des pays de l’OCDE, la banque centrale chinoise est contrainte d’assouplir sa politique monétaire en baissant ses taux directeurs. Les investisseurs ont tendance à restreindre leurs investissements en raison de la déflation et des sanctions américaines. Cette défiance conduit à la dépréciation de la monnaie chinoise. De ce fait, le PIB de la Chine, converti en dollars aux taux de change du marché, a chuté en 2023, quand celui des États-Unis a augmenté d’environ 6 % en termes nominaux.
L’objectif de placer la Chine en tant que première puissance économique et militaire mondiale d’ici 2049, pour le centenaire de l’avènement du régime communiste, ne sera peut-être pas facile à atteindre. Le PIB de la Chine pourrait cesser d’augmenter par rapport à celui des États-Unis au cours de la prochaine décennie, puis perdre du terrain par la suite. La malédiction « Iznogoud » qui, dans les années 1990, a frappé le Japon semble se rééditer avec la Chine.
Par Philippe Crevel