ven. Août 1st, 2025
Par Hani Abuagla, Analyste Principal chez XTB MENA   Il n’y a pas si longtemps, le monde de l’investissement attendait de voir quelle entreprise franchirait en premier le seuil symbolique des 1 000 milliards de dollars. En 2018, c’est Apple (ligne blanche) qui a ouvert la voie. Elle fut également la première à atteindre les 2 000 milliards en 2020, avant de dépasser brièvement les 3 000 milliards en 2022, puis de les franchir de manière durable en 2023. Durant toute cette période, Microsoft (ligne bleue) est restée en embuscade, toujours légèrement derrière.   Aujourd’hui, une autre entreprise vient bouleverser cet ordre établi. Nvidia (ligne verte) est devenue, le temps d’une journée, la première société à dépasser les 4 000 milliards de dollars de capitalisation boursière, avant de clôturer légèrement en dessous de ce seuil. Son ascension est fulgurante : 1 000 milliards atteints en juin 2023, 2 000 milliards en février 2024, puis 3 000 milliards en juin de la même année. Un parcours inégalé en termes de vitesse.  
  Depuis plusieurs années, Nvidia enchaîne les succès. L’entreprise affichait déjà de solides performances avant l’explosion de la demande en intelligence artificielle. Mais c’est bien cette dernière qui a propulsé ses bénéfices et sa capitalisation vers de nouveaux sommets. Depuis 2019, l’action Nvidia a enregistré des hausses à deux voire trois chiffres chaque année — à l’exception de 2022, année de correction généralisée sur les marchés.   Nvidia détient également une place à part dans l’indice S&P 500. Elle est la seule valeur à avoir surpassé Bitcoin sur le long terme, ou du moins à avoir suivi une trajectoire similaire selon la période d’observation. Selon Finviz, elle figure même en tête des meilleures performances sur dix ans, avec une progression impressionnante de 32 298 %, contre 5 667 % pour AMD.   Comment expliquer une telle explosion pour une entreprise longtemps associée à la fabrication de cartes graphiques ? La réponse tient en deux mots : intelligence artificielle. Nvidia a pris très tôt le virage des puces destinées aux usages IA, avec pour principaux clients Microsoft, Meta, Alphabet et Amazon. Lorsque l’IA a connu son grand essor il y a trois ans, Nvidia s’est retrouvée en position de force, étant la seule entreprise capable de produire en masse des puces aussi avancées — et ce, malgré une demande toujours supérieure à l’offre.   AMD, son principal concurrent, reste très loin derrière en volume, livrant environ 90 à 95 % de puces en moins. Cette position quasi-monopolistique permet à Nvidia d’imposer ses prix. Pour ses clients, rater le coche de l’IA représente un risque stratégique majeur. Plusieurs géants de la tech ont d’ailleurs déclaré qu’ils préféraient surinvestir plutôt que de prendre du retard.   Les chiffres sont à la hauteur de cette dynamique : ventes, bénéfices et marges s’envolent. La marge nette de Nvidia avoisine aujourd’hui les 50 %, un niveau exceptionnel quand on sait que la plupart des entreprises technologiques évoluent entre 20 et 30 %.   Mais pourquoi Nvidia, et non Apple, Alphabet ou Microsoft — pourtant plus rentables actuellement —, a-t-elle franchi la barre des 4 000 milliards en premier ? Sur les douze derniers mois, Apple a généré 108 milliards de dollars de bénéfices, Alphabet 103 milliards, Microsoft 97 milliards, et Nvidia 77 milliards. Alphabet est d’ailleurs attendu à 125 milliards cette année. On aurait donc pu s’attendre à ce qu’une autre entreprise atteigne ce seuil en premier.   En réalité, la capitalisation boursière reflète autant les performances présentes que les perspectives futures. Et celles de Nvidia sont particulièrement prometteuses. Si les prévisions se confirment, elle pourrait devenir dans quelques années l’entreprise la plus rentable du monde, dépassant largement les 100 milliards de dollars de bénéfices annuels.   Naturellement, ce scénario repose sur plusieurs conditions : la demande en IA doit rester soutenue, les concurrents comme AMD ne doivent pas réussir à rattraper leur retard, l’environnement économique doit rester favorable, et l’ensemble du secteur doit continuer à croire dans la capacité de l’IA à transformer la productivité mondiale. À cela s’ajoutent des enjeux géopolitiques, comme les restrictions à l’exportation vers la Chine, un marché encore significatif pour Nvidia.   Avec une valorisation aussi élevée, toute incertitude peut se traduire par une chute brutale du cours en bourse. Les risques existent donc bel et bien. Mais c’est précisément ce qui constitue le cœur de toute stratégie d’investissement : évaluer le bon équilibre entre potentiel et risque. Ce ratio, dans le cas de Nvidia, semble aujourd’hui jugé favorable par le marché — à chacun cependant de se faire sa propre opinion.   La course aux 4 000 milliards est désormais terminée. Reste à savoir quelle entreprise atteindra la prochaine étape : les 5 000 milliards. Apple, si elle parvient à résoudre ses difficultés dans le domaine de l’IA ? Microsoft, dont la croissance dans le cloud reste soutenue ? Amazon, dont les marges s’améliorent enfin ? Google, performant mais confronté à des menaces multiples ? Ou peut-être un acteur inattendu, comme Tesla ? Ou encore Nvidia elle-même, si sa dynamique reste intacte ?   Une chose est certaine : le succès de Nvidia est spectaculaire. Félicitations à elle pour cette performance hors du commun.    

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