mar. Oct 7th, 2025

Antoine Fraysse-Soulier, analyste de marché pour eToro

Bien que les marchés américains aient été fortement ébranlés en avril par les projets de tarifs douaniers du président Donald Trump, ils ont depuis lors connu un redressement spectaculaire, le S&P 500 affichant un rebond impressionnant de 40% par rapport à ses niveaux les plus bas du 8 avril. Il enchaîne les records historiques alors que les données économiques ne sont pas reluisantes et surtout les créations d’emplois sont au point mort.

Bad news is good news

Les récents records des indices à Wall Street reposent essentiellement sur la conviction des investisseurs qu’un assouplissement monétaire de la Fed viendra soutenir les marchés. Cette dépendance à la Réserve Fédérale a engendré un phénomène dont Wall Street est coutumier : le fameux “Bad news is good news” c’est-à-dire que toute mauvaise nouvelle est perçue comme une bonne nouvelle. Dans les faits, ça veut dire que tout signe de ralentissement économique est interprété comme une promesse d’argent moins cher. Les marchés sont devenus hypersensibles à la moindre intervention de Jerome Powell ou d’un gouverneur de la Fed.

Par exemple, le fait que les sociétés privées américaines aient détruit 32.000 emplois en septembre, une situation inédite depuis mars 2023, a suffi à transformer une faiblesse économique en motif de célébration avec de nouveaux records à Wall Street, une inversion de logique qui ne passe pas inaperçue.

Par ailleurs, le shutdown qui a lieu depuis le 1er octobre, signifiant une paralysie budgétaire, n’a pas enrayé la machine, bien au contraire, cela conforte les investisseurs que la Fed sera obligée de baisser ses taux. Wall Street peut donc enchaîner ses records.

La saga Donald Trump se poursuit

Sur le plan politique, la stratégie de Donald Trump continue de porter ses fruits : l’industrie pharmaceutique a accepté de prendre en charge une partie des droits de douane et de réduire les prix de ses médicaments aux États-Unis. En contrepartie, l’administration Trump va abandonner ses menaces les plus radicales. En conséquence, la prime de risque, qui avait fait du secteur “Healthcare” (Santé) l’un des plus touchés de l’année, a considérablement diminué, entraînant un net rebond des valeurs du secteur. Sur la semaine des titres comme Pfizer, Moderna ou Johnson & Johnson ont gagné respectivement +15%, +16% et +5%.

Trump arrive souvent à ses fins, mais pas dans tous les domaines. En effet, la Cour suprême vient de rejeter la demande de Trump de démettre immédiatement la gouverneure de la Fed, Lisa Cook, la saga continue. Concernant le shutdown, le vice-président JD Vance estime qu’un accord à court terme est possible, ce qui éviterait des licenciements dans la fonction publique.

Les investissements accélèrent alors que la créations d’emplois calent, c’est inédit depuis 60 ans 

Les économistes de JPMorgan ont récemment mis en avant la croissance annualisée de 11% des investissements des entreprises au premier semestre 2025, notant que cette dynamique restait forte au troisième trimestre, alors même que la demande de main-d’œuvre semblait s’évaporer.

Inversement, la croissance de l’emploi aux États-Unis a subi un ralentissement marqué. Sur les trois derniers mois jusqu’en août, la moyenne mensuelle de créations d’emplois n’a été que de 29 000, un chiffre bien inférieur aux 82 000 enregistrés sur la même période en 2024.

Pris à la lettre, certains indicateurs du marché du travail suggèrent une récession. C’est un signal que les marchés des actions et du crédit semblent ignorer, malgré l’inquiétude affichée par les responsables de la Fed.

La saison des résultats du T4 va s’ouvrir

La prochaine saison des résultats sera particulièrement révélatrice. Elle fournira des informations détaillées sur les dépenses en IA des géants technologiques tels que Microsoft, Alphabet et Amazon. De plus, elle montrera comment le secteur industriel tire parti de l’expansion rapide des centres de données et autres infrastructures physiques.

L’équipe en charge des actions américaines chez HSBC prévoit que la saison des résultats du troisième trimestre validera et renforcera probablement la stratégie d’investissement dans le secteur technologique. Sur le total de 1000 milliard de dollars de trésorerie détenu par les « Mag 7 », elle estime que 414 milliards seront consacrés aux investissements, Apple ayant encore une marge de croissance significative dans ce domaine.

Cependant, cela n’apporte pas de solution satisfaisante à l’énigme économique actuelle. Étant donné les investissements massifs déjà réalisés dans l’IA, il est peu probable que ce rythme puisse se maintenir. La contradiction apparente entre la prudence en matière d’emploi et la confiance dans l’investissement des entreprises peut-elle se maintenir longtemps ? Cette question restera probablement prédominante jusqu’à la fin de l’année.

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