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La France enregistre l’un des pires 4e trimestres sur 30 ans, mais 2023 reste encore loin des référentiels de crises historiques

« Bien au-delà des « rattrapages » post Covid, les défaillances liées à la conjoncture ultra tendue s’accélèrent »

Paris, le 18 janvier 2024 | Le groupe Altares – expert historique et référent de l’information sur les entreprises – dévoile aujourd’hui les chiffres des défaillances d’entreprises en France pour le 4ème trimestre et l’ensemble de l’année 2023. Avec 57 729 procédures ouvertes en 2023, le nombre de défaillances est en augmentation de près de 36 % par rapport à 2022. Un taux encore très élevé après la hausse historique (+49 %) de 2022.

Le seul dernier trimestre 2023 illustre encore davantage les difficultés actuelles des acteurs économiques avec 16 800 entreprises en défaut, au plus haut depuis 2012 – 2013. Précédemment, seule la période de récession de 1992-1993 avait amené la France à des seuils comparables pour un dernier trimestre. Le pays passait alors pour la première fois de son histoire le cap des 60 000 faillites.

Au regard du contexte inédit de « permacrise » dans lequel les entreprises naviguent depuis 4 ans, les seuils de défaillances, s’ils sont élevés, ne sont pas une surprise.

Thierry Millon, directeur des études de la société Altares : « Après une phase de rattrapage d’une partie des entreprises tenues à flot grâce aux mesures d’accompagnement mises en place depuis la crise Covid, nous amorçons désormais une nouvelle phase, plus structurelle, davantage liée aux insuffisances financières des entreprises qui doivent naviguer dans un environnement économique extraordinairement tendu. Le mauvais chiffre du dernier trimestre de l’année, un des pires sur trente ans, ne saurait s’expliquer par le seul retour d’une action de recouvrement plus habituelle des URSSAF après une longue période accommodante. Certes les assignations ont repris fortement sur cette fin d’année mais toutes les procédures ne sont pas ouvertes à l’initiative des URSSAF. Activité en berne, niveau d’inflation encore élevé, taux d’intérêt toujours hauts, consommation qui flanche, forment un dangereux cocktail pour des entreprises aux trésoreries épuisées après une succession de crises. Même les plus grands acteurs ne sont pas épargnés, transférant ainsi potentiellement le risque vers leurs fournisseurs et sous-traitants. 171 entreprises d’au moins 100 salariés ont défailli en 2023, c’est 80% de plus qu’en 2022 et un nombre au plus haut depuis 2014 (185 défauts). »

REPERE – Où se situe 2023 par rapport aux niveaux historiques de défauts ? La période de la crise sanitaire et le gel historique des procédures collectives a créé un avant/après dans la courbe des défaillances en France. Alors que 2023 se conclut sur des seuils de défauts très importants, la France avait déjà connu des niveaux dépassant les 55 000 voire les 60 000 depuis ces 30 dernières années.

1992 – 1993 : le choc pétrolier et la récession historique que connaît la France provoque une déflagration dans le tissu d’entreprises. Le pays connaît pour la première fois plus de 60 000 défauts par an

2010- 2015 : la crise des subprimes et le contrecoup de la crise des dettes publiques en Europe (Grèce…) avaient porté le niveau de défaillances à plus de 62 000 en moyenne sur plusieurs années.

2023, et ses 57 700 défauts, se situe donc bien au-delà de la période des années pré-Covid mais loin encore des années post crise financière… entre deux eaux.

Un volume des défaillances conforme aux prévisions

Avec 57 729 procédures enregistrées, le volume des défaillances renoue avec les niveaux observés en janvier 2017 (57 900). Une situation conforme aux prévisions d’Altares. La hausse sur un an (+35,8%) est moins forte que celle exceptionnelle de 2022 (+ 49 %), mais reste toutefois la deuxième plus rapide de l’histoire.

La tendance a été encore un peu plus sévère sur le dernier trimestre (+37,2 %) avec 16 820 procédures ouvertes. Il s’agit cette fois d’un des pires chiffres sur trente ans, comparable à ceux de 1992-1993 mais inférieurs à ceux de 2012-2013 au-delà de 17 000.

Nombre de défaillances d’entreprises par type de procédure par année

Forte hausse des ouvertures de redressement judiciaire

Avec 1 529 (+ 35,9%) jugements prononcés en 2023, le nombre de procédures de sauvegarde retrouve son niveau de 2015 mais représente toujours moins de 3 % de l’ensemble des procédures. Depuis sa mise en œuvre en 2006, ce dispositif préventif réservé aux seules entreprises n’étant pas en cessation de paiement a séduit seulement 21 000 dirigeants pendant que 973 000 procédures étaient ouvertes, soit moins de 2,2 % en moyenne sur 18 ans.

Les procédures de redressement judiciaire (RJ) augmentent plus vite. 15 115 jugements ont été prononcés, soit 49,2 % de plus sur un an. Plus d’un jugement sur quatre (26,2 %) est une ouverture de RJ, le meilleur taux depuis la Covid mais encore très en-dessous des 30 % observés avant crise. Sur le dernier trimestre, le nombre de RJ (4811) est encore en hausse rapide, +59 %.

41 085 liquidations judiciaires (LJ) ont été ouvertes (+ 31,4%) en 2023 et 11 567 (+30%) au cours du quatrième trimestre.

L’augmentation des défauts de gros employeurs menace davantage d’emplois : 243 000 emplois ont été menacés en 2023, quasi 100 000 de plus sur un an

L’augmentation des défaillances est particulièrement forte chez les PME de plus de 100 salariés. 171 ont défailli en 2023 contre 95 en 2022 soit une envolée de + 80 % sur un an. Ce volume de défauts n’avait plus été approché depuis 2014 ; année qui comptait alors 185 grosses PME.

Les PME de 50 à 99 salariés présentent une évolution bien moindre (+30 %) mais avec 249 défaillances, nous nous rapprochons pour elles aussi du référentiel de 2014 (266).

Mais c’est pour les plus petites PME, de moins de 50 salariés, que la sinistralité est la plus lourde. 4 319 sociétés de 10 à 49 salariés ont défailli en 2023 (+43 %), soit un nombre qui approche les 4 400 de 2009.

Avec plus de 52 000 procédures ouvertes, les TPE concentrent l’essentiel (92 %) des jugements mais l’accélération des difficultés des PME pénalise excessivement le nombre des emplois susceptibles d’être impactés. 243 000 emplois directs sont ou ont été menacés en 2023.

Les défaillances d’entreprises accélèrent dans la construction

CONSTRUCTION

Le secteur de la construction concentre 24 % des faillites et compte désormais plus de 14 000 défauts dont près de 11 000 dans les seules activités du bâtiment. 14 112 entrepreneurs ont obtenu l’ouverture d’une procédure, c’est 40,7% de plus sur un an. 10 990 se situaient dans le gros œuvre (4 140 ; + 44,1%) et le second œuvre (6 850 ; + 38,9%). La maçonnerie générale (+2779 ; +50,5 %) et les travaux d’installation électrique (1161 ; +48,3 %) sont les plus impactés.

Les travaux publics affichent globalement une hausse un peu moins forte (720 ; +31,1%) mais les travaux de terrassement courants dérapent de 41,2 % (391 défauts).

Les agences immobilières enregistrent la pire tendance (910 ; 116,7%).

COMMERCE

Le commerce dépasse 12 400 défauts (12 408) mais contient la hausse (31,76 %) sous la moyenne générale (+35,8%).

Les tendances sont plus sévères dans le commerce de détail d’habillement (1130 ; 51,3%). Le bricolage & équipement du foyer semble mieux résister (928 ; +39,8%) en dépit des tensions relevées dans le meuble (278, +59,8%).

Le commerce de gros résiste un peu mieux (2 404 ; +28,4%) sauf dans le textile-habillement dont le nombre de défauts (188) explose de plus de 74%.

SERVICES

Dans les services aux entreprises (7 561), la hausse (+36,1%) est en ligne avec la tendance générale. Si le nettoyage de bâtiments (765 ; +52 ;1%) reste mal orienté, les activités de conseil en communication et gestion accusent des évolutions également sévères (1 269 ; +44,2%), notamment en relations publiques (213 ; +57,8%). Les agences de publicité ne sont pas mieux loties (311 défauts ; +58,7%).

Dans les activités d’information et communication, les hausses sont voisines de 70% dans l’édition de livres ou la production de programmes pour la télévision. Mais c’est dans les télécommunications (installation de lignes et gestion de réseaux) que les chiffres s’affolent avec une hausse de 155 % pour 79 défauts d’entreprises.

Pour les services aux particuliers, les tendances sont moins lourdes que lors des trimestres précédents, toutefois, la hausse est encore rapide pour les coiffeurs (1161 ; 43 %) qui sont probablement à un plus haut historique et les salons de beauté (614 ; 42,5%). A noter la belle résistance des activités d’entretien corporel (saunas, bien-être, instituts d’amaigrissement …) dont le nombre de défauts diminue (159 ; -3,0%). Les pressings (109 ; -0,9%) sont également dans le vert.

INDUSTRIE

L’industrie juste sous les 4 000 défauts semble un peu mieux résister (+29,2%), portée par les activités de manufacture (2 187 ; + 23,6%) plus que par l’agroalimentaire (1 795 ; +36,6%). L’industrie manufacturière est toutefois fragilisée dans les activités de textile – habillement (225 ; +41,5%). Le secteur agroalimentaire est porté par la boulangerie qui à elle seule compte 1099 défauts mais en augmentation limitée à + 25,7%. En revanche, la transformation et conservation de la viande de boucherie dérape très vite. L’activité enregistre 81 défaillances, un nombre au plus haut sur au moins dix ans, en hausse de 125%.

TRANSPORTS

Plus de 2 300 transporteurs ont défailli en 2023 soit une hausse de 30,7% inférieure donc à la moyenne générale. La tendance est cependant moins favorable pour le transport routier de marchandises qui compte plus de 1 500 défaillances (+39,7%). La situation s’est fortement dégradée en fin d’année avec une augmentation de 63% tirée par l’interurbain (+71%) plus que par le fret de proximité (+59%).

RESTAURATION

6 449 établissements de restauration ont défailli en 2023, c’est beaucoup mais le rythme ralentit fortement sur un an. Alors que le nombre de défaillances avait doublé en 2022, la hausse est désormais ramenée à +45%. La tendance est même inférieure à la moyenne générale pour la restauration traditionnelle (+35,3%) qui compte 3 347 défauts alors que la restauration rapide accuse une dégradation de +58,5% pour 2 832 établissements. Les débits de boissons (1 138, + 41,7 %) présentent une tendance voisine de celle de la restauration. L’hébergement résiste mieux (380 ; +36,2 %).

AGRICULTURE

Le secteur se distingue très avantageusement avec une sinistralité contenue à « seulement » +7,1 % (1 288 défauts) en 2023 après une hausse déjà limitée à 12 % en 2022. Si les chiffres sont sévères pour la pêche en mer (35 ; + 94%) et la culture de la vigne (130 ; + 47,7%), la résistance agricole est observée dans de nombreuses activités, notamment dans l’élevage (461, -5,1%) en particulier de vaches laitières (54 ; -40 %), porcins (25 ; -3,8%) ou de chevaux et d’autres équidés (40, stable).

Après une année globalement homogène, de plus fortes disparités régionales apparaissent au cours du dernier trimestre.

Une défaillance sur trois se concentre en Auvergne-Rhône-Alpes et Ile-de-France. Dans ces deux régions, la hausse des procédures est voisine de 38 %.

En Ile-de-France, 12 653 procédures ont été ouvertes en 2023, concentrant ainsi 22% des défaillances d’entreprises du pays. La région se rapproche désormais de son niveau de défaillances de 2015. Le dernier trimestre a été plus compliqué, en hausse de 44 %.

Territoire d’accueil de nombreux sièges sociaux de gros employeurs, l’Ile de France, (et en particulier les Hauts de Seine) est fortement impactée. Le nombre de cessations de paiement de sociétés de plus de 50 salariés (115) est le plus lourd depuis dix ans.

L’Auvergne-Rhône-Alpes compte 6 834 défauts en hausse de 38 %, un nombre comparable à celui de 2016. La fin de l’année a été à peine moins tendue avec une dégradation ramenée à 36 %.

Parmi les autres régions, les Hauts de France qui avaient connu une lourde année 2022 (+77%), sont premiers de la classe en 2023 avec une hausse ramenée à 26% (4 542). Toutefois le dernier trimestre repasse dans le rouge sévère à +43 %.

A l’opposé, les collectivités d’Outre-mer ferment la marche avec une augmentation des défauts de 43,8 % en 2023, portée à + 66 % en fin d’année.

Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Occitanie et Nouvelle-Aquitaine comptent entre 5 000 et 6 000 défauts en 2023. En tête de celles-ci : PACA (5 947) où la hausse du nombre de défauts accélère sur le dernier trimestre (+40%) contre +32 % sur l’année. La Nouvelle-Aquitaine (5 139) fait le chemin inverse (+38 % en 2023 et +31% au T4). L’Occitanie (5 329) ne parvient pas à trouver un meilleur rythme en fin d’année : +38 % sur les trois derniers mois, contre +40 % sur l’année.

A l’Est, si le Grand-Est (4 125) parvient à redresser la barre en fin d’année (+ 26 % au T4 contre +34 % sur l’année), ce n’est pas le cas de sa voisine Bourgogne-Franche-Comté (2 059) où les défauts explosent de +46 % alors que la région se calait sur la moyenne nationale (+36 %) en année pleine.

Les régions du quart Nord-Ouest sont un peu mieux orientées. Si la Normandie (2 176 défauts) stabilise la tendance autour de +32 %, la Bretagne (2 165) ramène la hausse de 34 % sur l’année à 27 % en T4 tandis que le Centre-Val-de-Loire (2 067) offre la meilleure performance de fin d’année (+19 %) contre +34 % en année pleine.

2024 démarre sans dynamique…

Thierry Millon conclut : « En ce début d’année 2024 l’incertitude gagne du terrain. Dans un contexte de croissance poussive, le levier finance est un moteur qui risque de manquer encore à de nombreuses entreprises pour leur permettre de répondre aux enjeux de transition écologique, Ressources Humaines et bien évidemment business. En dépit des crises successives qui s’enchainent depuis le début de la décennie, l’économie réelle tient mais les trésoreries des entreprises sont mises à mal. Le dernier trimestre a été lourd sur le front des défaillances et nous ramène à une période (2012 – 2013) où notre économie comptait 63 000 défaillances d’entreprises. Cela nous installe donc sur une trajectoire délicate pour 2024. De plus, si la dynamique de création de sociétés commerciales est encore forte (SARL et SAS) avec plus de 270 000 en 2022 et probablement encore en 2023, ces structures constituent aussi l’essentiel des défaillances (49 000 des 57 000 de 2023). Le mur des faillites redouté depuis trois ans est naturellement moins que jamais envisagé, néanmoins, il est fondamental de se prémunir du risque de défaut de ses clients comme de ses fournisseurs stratégiques. Si les TPE sont les plus nombreuses à défaillir, 2023 a confirmé que les partenaires commerciaux PME et ETI sont, et devraient rester, également très exposés au risque. »

 

Méthodologie | Les statistiques Altares de défaillances d’entreprises comptabilisent l’ensemble des entités légales disposant d’un numéro SIREN (entreprises individuelles, professions libérales, sociétés, associations) et ayant fait l’objet d’un jugement d’ouverture de procédure prononcé par un Tribunal de Commerce ou Judiciaire (ex TGI – TI)

 

Glossaire | La défaillance d’entreprise correspond à l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, redressement judiciaire ou liquidation judiciaire directe auprès d’un Tribunal de Commerce ou Judiciaire. Cela concerne aussi les ouvertures après résolution du plan de redressement. En revanche, les statistiques de défaillances ne considèrent ni les procédures amiables (mandat adhoc ou conciliation) ni les suites d’ouverture (arrêt de plan ou conversion en liquidation).

 

À propos d’Altares – www.altares.com – http://blog.altares.com/

Altares est l’expert de la donnée d’entreprise, créateur de solutions de pilotage et d’indicateurs de la santé économique et extra-financière des entreprises et des organismes publics, au sein de leur écosystème.

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