mar. Déc 3rd, 2024

Par Syrtals Cards

A l’évidence, il se passe toujours quelque chose dans les paiements, si ce n’est un rachat ou une alliance, un changement réglementaire, un nouvel entrant, un buzz word, une technologie prétendument ou véritablement révolutionnaire, un cri d’alarme ou un plaidoyer, une initiative des banques centrales, des soupçons d’hégémonie, des risques de fraude accrus…
Bref, on ne s’ennuie guère, charge à chaque intervenant de s’adapter ou de décliner.

A propos de disparition, depuis quand nous promet-on une société « cash less », la mort du chèque, la fin probable de la carte, l’avènement de l’Open Banking… ?

QUELLE PURÉE DE LOIS/POIS !

Côté réglementations,, nous sommes on ne peut plus gâtés, les textes se succèdent à grand pas, particulièrement en Europe, et il s’agit d’y voir clair et de ne pas perdre son latin.

Jugez-en en ce qui concerne l’Union Européenne et la zone euro : PSD3, PSR (Payment Service Regulation), FiDA (Financial Data Access), MiCA (Markets in Crypto-Assets), DMA (Digital Markets Act), DSA (Digital Services Act), AI (Artificial Intelligence), IP (Instant Payments), DORA (Digital Operational Resilience Act), DATA, EUDI (European Digital Identity), CCD (Consumer Credit Directive), Digital €…

 

Nous n’allons pas ici détailler les ressorts de ces directives ou
règlements, ni même leurs conséquences immédiates ou plus
lointaines, d’autant plus que, dans certains cas, des travaux sont
en cours ou des transpositions à venir et que les dates d’entrée
en vigueur ne sont pas toutes révolues. De surcroît, les résultats
des dernières élections européennes pourraient – qui sait – im-
pacter l’agenda réglementaire…

En substance, avec l’une ou l’autre de ces mesures qu’il faut dans l’ensemble saluer, il s’agit/s’agira de continuer à maîtriser la fraude, défendre les intérêts des consommateurs européens, augmenter le jeu concurrentiel tout en limitant le poids des big techs ou gate keepers, favoriser la généralisation de l’identité numérique ainsi que l’accès aux données bancaires ou aux systèmes de règlement, démocratiser la diffusion de nouveaux modes de paiement comme l’instant payment, promouvoir la souveraineté de l’Europe, mieux veiller aux répercussions de certaines innovations technologiques, garantir la résilience opérationnelle, harmoniser des pratiques et en assurer une meilleure transparence…
D’autres nations ne sont pas en reste et « pondent » leurs textes avec plus ou moins de diligence. Les avocats des différents camps ont assurément du grain à moudre.

Relevons en particulier que les positions par trop dominantes
sont légitimement mises à mal et que les ténors trop gou-
lus doivent/devront descendre de leur piédestal sous peine
d’amendes salées.

 

Un des effets fous du MAD (pardon du DMA) : Apple a dû lâcher
du lest sur son système de paiement mobile en Europe (et ac-
cessoirement sur son app store). Mais on peut se demander si
les initiatives qui pourront éclore au travers de cette ouverture
seront légion, si le mal n’est pas déjà fait et si l’avance prise par
Apple Pay n’est pas irrattrapable.
Démarches ou réflexions similaires aux Etats-Unis et en Australie
où les régulateurs locaux songent à requalifier la nature des ser-
vices de paiement fournis par Apple, Google and co, et à exiger
qu’ils se conforment aux mêmes normes suivies par les entités
régulées.
Dans son pays d’origine, la firme à la pomme est non seulement
dans le viseur du CFPB mais aussi du Ministère de la Justice qui
lui reproche de restreindre le développement de portefeuilles
numériques concurrents, a fortiori quand sa posture lui permet
de « ponctionner » des frais de 0,15% pour chaque transaction
par carte de crédit sur Apple Pay.
Rappelons ici que les établissements bancaires ont bénéficié du
succès d’Apple Pay puisque cela promeut le sous-jacent carte
dont ils sont les premiers émetteurs.
Néanmoins, chemin faisant, Apple Pay s’est fait un nom dans
l’arène des paiements à leur grand DAM et a apposé une espèce
d’écran (c’est le cas de le dire) entre les banques et leurs clients.

Par qui ces derniers sont-ils épatés dans leurs expériences ? Se
souviennent-ils tous les jours de qui gère leurs comptes ?
Si de surcroît, Apple lance d’autres produits (cartes, BNPL,
épargne), la coupe est pleine ! Pire, à quand une Apple Bank qui
ferait trembler le landerneau des services financiers ?
Cela ressemble d’ailleurs à l’histoire de PayPal (soit dit en pas-
sant, agréé établissement de crédit au Luxembourg) démarrée
dans les années 1990. Nous savons où cela a conduit l’un des
pionniers du wallet qui a enveloppé à merveille les modes de
paiement d’autrui (cartes d’abord puis comptes) pour mettre au
point une offre premium qui a conquis plusieurs centaines de
millions de fans.
Pour conclure sur le volet réglementaire (nous pourrions y consa-
crer des dizaines de pages), il faut immanquablement espérer
que cela profite in fine aux PSP européens au sens large, quelle
que soit leur profession.

OPEN DATA / BANKING / FINANCE

L’Open Banking / Finance va assurément changer la donne au
long cours car on y retrouve a priori tous les ingrédients clé
d’une alchimie réussie : réglementation ad hoc (dont DSP3/FiDA
en Europe), « apéisation » et temps réel, accès à un vaste réservoir
de données fiables et personnalisées (comptes, crédit, épargne,
investissement…), bénéfices consommateurs patents, dévelop-
pement de services plus performants et économiques qu’avec le
recours aux méthodes employées jusqu’alors.

Parmi ceux-ci : agrégation d’informations, initiation de virement,
gestion automatisée des dépenses et PFM, scoring, octroi de cré-
dit ou de facilités de paiement, programmes de fidélité et cash-
back, validation des bénéficiaires, optimisation de la réconcilia-
tion et de la lutte contre la fraude…
C’est ainsi que l’agitation a démarré depuis 10 ans sous de nom-
breuses latitudes avec l’apparition de sociétés spécialisées telles
que Powens, Bridge, Linxo, Fintecture, Banked, Volume, Truelayer,
Nuapay, Yapily, Plaid, Finicity, Zepto, Stitch, Kevin, Nordigen, Iaia,
Tink, Trustly, Yolt, Salt Edge, Fabrick, Token…, dont certaines ont
fusionné ou changé de propriétaires à la faveur de l’appétit et de
la clairvoyance des fonds d’investissements, banques ou sche-
mes internationaux.
En ce qui concerne les services d’initiation de paiement, nous
n’en sommes qu’aux balbutiements bien que tout un chacun
s’accorde à croire qu’il serait possible de faire beaucoup plus et
mieux.
Si des améliorations et des résultats tangibles ont été obtenus
dans la cinématique des services boostés à l’Open Banking et
si le potentiel pourrait être facilité par les futures règles en Eu-
rope ou ailleurs, l’heure de la révolution n’a pas encore sonné,
la faute à la persistance de plusieurs grains de sable : APIs non
standardisées ; performances inégales de la part des détenteurs
de comptes et d’informations ; accessibilité imparfaite ; désali-
gnement des intérêts entre parties prenantes ; poids des habitudes ;
délais de réponse, méthodes d’authentification et plafonds
distincts chez les différents ASPSP…
Peut-être ou sans doute la mise en place d’un mécanisme de ré-
munération pourrait-elle changer la donne.
Et les faits sont têtus, en témoignent à nouveau les statistiques
que l’on peut glaner de-ci de-là, notamment au Royaume-Uni
qui est plutôt bien loti en la matière.

Ci-dessous les chiffres communiqués par l’organe officiel de
l’Open Banking outre-Manche qui donne la répartition entre les
appels AIS et PIS et le nombre de paiements mensuels.

 

Ces données confirment indéniablement la progression vigou-
reuse des paiements Open Banking et leur intérêt croissant.
Cependant, cela n’empêche pas les Britanniques de recourir
abondamment à leurs cartes à raison de 2,4 milliards de tran-
sactions mensuelles et a priori, de maintenir ce réflexe comme
le laisse supposer la projection de UK Finance à 10 ans que nous
avons décrite plus haut.
Chacun admettra néanmoins que, si les formes de paiement
bien établies ne seront pas désarçonnées de sitôt, il est des
contextes où d’autres modalités peuvent leur être préférées,
en particulier dans les cas suivants : paiement des impôts, taxes,
factures ; collecte de dons ; achats BtoB ; paniers élevés ; top-
up ; opérations récurrentes ; nécessité d’une approbation immédiate ; solution de repli…
Un booster pourrait lui prêter main forte, incarné par la formule
« IPPI », rien à voir avec « Pay & Love » mais plutôt l’alliance
« Initiation de Paiement + Paiement Instantané », d’autant plus si
le virement instantané devient partout gratuit et si des processus
de sécurisation de type Confirmation of Payee se généralisent.
L’Open Banking gagne du terrain dans une trentaine de pays à
l’initiative des régulateurs ou des industriels. Aux Etats-Unis, le
CFPB mène des consultations et cherche à établir des règles
saines sur l’Open Banking de sorte que chaque partie puisse en
bénéficier équitablement et qu’aucune position dominante ne
s’infiltre plus ou moins subrepticement aujourd’hui ou demain.

 

MNBC / CBDC

Pour avoir un aperçu de l’état des monnaies numériques de
banque centrale, nous pouvons nous référer au tracker d’At-
lantic Council qui révèle les éléments principaux suivants :
• Plus de 130 pays songent à initier de tels programmes (contre
35 en 2020) et à date, 68 nations sont dans une phase avancée
d’exploration
• 19 membres du G20 sont aujourd’hui à des stades de déve-
loppement et 11 d’entre eux sont en phase pilote dont Brésil,
Japon, Inde, Australie, Corée du Sud, Afrique du Sud, Russie et
Turquie
• Trois nations ont pleinement mis en œuvre leurs e-devises :
Bahamas, Jamaïque et Nigeria

S’il semble se dégager un consensus clair sur les intérêts et avan-
tages des MNBC de gros (wholesale) avec pléthore de projets
transfrontaliers, il en est autrement pour les MNBC de détail
qui suscitent encore des interrogations et exigeraient des pré-
cautions ou garde-fous : quels problèmes résoudre et quels use
cases différenciants ? modèles de distribution ? plafonds de dé-
penses ? garantie de confidentialité ? fonctionnement off-line ?
risques de cannibalisation d’autres initiatives ? impacts sur les ac-
tivités de dépôt des banques ?…
sans oublier les coûts très élevés de tels projets face à des re-
tombées difficiles à estimer.
Manifestement, les supporters des MNBC y voient moult vertus
selon les territoires concernés : maintien de la sacro-sainte sou-
veraineté, inclusion financière, réduction des coûts, programma-
bilité, cas d’usage a priori non couverts…
Si l’euro numérique devrait voir le jour avant 2030, rien n’est moins
sûr dans des nations telles que Etats-Unis, Canada, Angleterre.
Et pourtant, il importe de ne pas se laisser distancer par d’autres
e-monnaies issues de banques centrales concurrentes et par
tous les acteurs qui s’agitent depuis des années pour profiter de
l’aubaine.

 

CRYPTO-MONNAIES

Pendant ce temps, l’épopée des crypto-actifs continue son
bonhomme de chemin malgré quelques trous d’air (baisse des
cours, scandales, amendes…). Les supporters et fans de la pre-
mière heure ont repris des couleurs et ne jurent que par leurs
atouts présumés ou avérés, nous vous laissons en juger.

D’après Crypto.com, il y aurait dans le monde plus de 580 mil-
lions de possesseurs, en hausse de 34% en 2023.
Dans les faits, si leurs détenteurs investissent sur ces actifs, à
date rares sont ceux qui les utilisent abondamment comme
moyens de paiement.
Il y a beau y avoir des commerçants qui les acceptent, des cryp-
to-cartes en circulation et des paytechs/fintechs spécialisées qui
facilitent l’emploi de ces « monnaies » pour payer, la mayonnaise
semble ne pas beaucoup prendre pour l’instant.

Les stablecoins pourraient réduire certaines imperfections (in-
dexation 1:1 sur les monnaies fiat ou des matières premières) et
autoriser un décollage plus rapide d’autant plus que de nouveaux
venus (ex : PayPal, Ripple…) ne manquent pas d’ambition.
Quant à eux, les schemes internationaux sont également à la
manœuvre et ne rêvent que de s’immiscer d’une façon ou d’une
autre dans ce nouvel univers de connexions à construire, à sé-
curiser et à gérer, comme ils l’ont fait brillamment dans la monétique
et s’attellent à le répéter dans l’Open Banking (ex : rachats
de Tink, Finicity, Vocalink ou Aiia).

Leurs crypto-cards lancées en collaboration avec des cryp-
to-companies (ex : Coinbase, Crypto.com, Binance, Bybit, Nexo,
Gemini…) en sont une illustration parmi d’autres. Ils ne vont pas
s’arrêter en si bon chemin dès lors qu’il y aura des volumes de
transactions considérables à échanger et convertir entre parties
prenantes.
Pour conclure sur ce chapitre, voici quelques extraits de l’étude
ADAN de 2024 qui donne un excellent aperçu de la notoriété et
de la détention de crypto-actifs dans 5 pays européens et de la
propension des usagers à les employer en tant que modes de
paiement.

 

Développement des paiements en crypto-actifs

26% des Français sont favorables au paiement par crypto-actifs.
Parmi les anciens détenteurs et les détenteurs actifs, cette pro-
portion est en augmentation de 5 points par rapport à 2023, soit
respectivement 75% et 82%.
En revanche, seuls 7% des réfractaires y sont favorables et leur
grande représentativité au sein de la population française conduit
à ce que plus de la moitié des Français demeurent méfiants vis-
à-vis du développement des paiements en crypto-actifs.

 

L’étude conclut que cette méfiance reflète une prudence ou une
réticence qui peuvent être attribuées à divers facteurs, tels que
la volatilité des crypto-actifs, les préoccupations réglementaires
ou la compréhension encore limitée de l’intérêt de cette nou-
velle forme de paiement.

REAL TIME PAYMENTS

D’après le dernier rapport d’ACI, les systèmes temps réel sur la
planète ont, en 2023, engendré 266 milliards de transactions
(+ 42%) et pourraient en générer 575 milliards en 2028, soit une
progression annuelle moyenne de 16,7%.
Quelques pays dont nous avons l’habitude de narrer les exploits
se distinguent, tels que l’Inde, le Brésil, la Thaïlande. A eux trois,
ils trustent les 2/3 des volumes globaux.
Au-delà des nations qui ont pris une longueur d’avance, il est lé-
gitime de s’interroger sur la vitesse de propagation en Europe et
aux Etats-Unis.
On peut escompter que le développement du SCTinst sera in-
déniablement boosté grâce à plusieurs facteurs : gratuité, ré-
glementation volontariste, sécurisation accrue, succès durable
des solutions qui l’ont choisi comme sous-jacent majeur (ex :
Bizum, Swish, Blik…) et bien entendu, décollage réussi de Wero
by EPI en 2024 qui en sera un contributeur supplémentaire.
Contrairement à certaines croyances, les Américains ne sont pas
toujours les champions toute catégorie et ce n’est pas pleine-
ment le cas des paiements « real time ».
Malgré l’existence depuis 2017 du système RTP opéré par les
grandes banques, la FED a lancé le sien dénommé FedNow en
2023 afin de favoriser une concurrence plus juste entre les pres-
tataires de paiement et garantir que toutes les banques en auront
un accès identique.
Même s’il lui reste beaucoup de chemin à parcourir, FedNow
a déjà attiré plus de 700 partenaires/participants. Ces derniers
espèrent séduire leurs clients (particuliers / entreprises) avides
de tirer parti de l’instantanéité des paiements dans plusieurs contextes
comme en témoignent les résultats d’un sondage de
la FED mené fin 2023

 

SOFTPOS

Nous écrivions dans l’Opus n°5 que le TPE classique n’était pas
en phase terminale, tant s’en faut. C’est toujours le cas bien que
de plus en plus de monde s’emploie à le ringardiser.
Si les versions Android n’y parviennent pas seules, Apple leur ap-
porte du renfort depuis 2023 avec son Tap to Pay on iPhone
pour lequel les principaux PSP et acquéreurs jouent des coudes
afin de figurer parmi les premiers à le proposer.

Non sans s‘acquitter comme à l’accoutumée avec la firme à la
pomme d’un « fee » pour bénéficier d’un service – il est vrai – de
grande qualité.
A date, la solution d’acceptation mobile est disponible dans 11
pays (Australie, Brésil, Canada, France, Italie, Japon, Pays-Bas,
Taiwan, Ukraine, Royaume-Uni, Etats-Unis) et déployée par des
dizaines de PSP et acquéreurs. Dans l’hexagone, il s’agit notam-
ment de BPCE, BNP Paribas, myPOS, PayPlug, Revolut, SumUp,
Viva Wallet et Worldline.
Selon une étude de Juniper Research publiée en janvier 2024,
ces offres sont promises à un bel avenir :
• Nombre de smartphones utilisant ces applications : 61 millions
d’unités en 2028 (+683% par rapport à 2023)
• Valeur des transactions : 12 milliards us$ en 2028 contre 1 mil-
liard us$ en 2023
Une autre analyse de TSG prévoit que le nombre de marchands
équipés de SoftPOS passera de 6 millions en 2022 à 34,5 millions
en 2027.
Un énorme potentiel en vue compte tenu de la diversité des
commerçants, petits ou grands qui auront intérêt à recourir à
de telles solutions en substitution ou en complément des équi-
pements habituels.

 

 

BNPL
Nous en avons parlé à plusieurs reprises dans nos Opus et c’est
tout à fait normal puisque c’est aujourd’hui une méthode de
paiement incontournable qui convainc les clients et marchands,
quelle que soit la météo économique.
Les acteurs non issus du monde traditionnel de la finance l’ont
bien compris en s’invitant parmi la cohorte de fournisseurs à l’ins-
tar de PayPal, Apple, Google et de fintechs qui en font leur cœur
de métier : Klarna, Affirm, Sezzle, Zip, Afterpay (Block), Scalapay,
Alma, Splitit, Sequra, Tamara, Tabby, Akulaku, Mondu, Addi, Zilch…,
non sans avoir parfois quelques sueurs froides ou pivoter.
C’est le néo-zélandais Laybuy qui vient d’en faire les frais et
c’est le dieu Apple qui se résout à remplacer son offre propre
par des partenariats avec des tiers.
Les investisseurs continuent néanmoins d’y croire en misant
des sommes rondelettes sur des protagonistes ayant le vent en
poupe, tels Tabby et Tamara qui ont levé chacun des centaines
de millions us$ en 2023.
Afin d’appréhender la dynamique de certains d’entre eux, re-
prenons quelques faits et chiffres de l’année écoulée.

 

Enfin, un tour de vis réglementaire est sur le point de survenir aux
Etats-Unis et en Europe et va impacter les pratiques actuelles.
Idem en Australie qui a décidé tout récemment de faire évoluer
les règles de son « National Consumer Credit Act », en introdui-
sant des principes de précaution applicables aux prestataires de
BNPL.
De quoi, en fonction de leurs positionnements, faire frémir ou
laisser de marbre certains des « incumbents » ou « new comers »
en lice, à suivre.

 

Impossible d’être exhaustif pour décrire les impulsions qui pul-
lulent afin de faire mieux ou différemment par rapport à ce qui se
fait aujourd’hui.

Bien entendu, on ne peut pas ne pas aborder le sujet de l’In-
telligence Artificielle (IA) qui nous promet monts et merveilles
dans moult domaines !
A date, pour les paiements, c’est surtout dans la lutte contre la
fraude qu’elle a fait ses preuves ou monte en puissance.
À n’en pas douter, les PSP de tout bord pourront mettre simulta-
nément à profit IA et exploitation des données dont ils manient
des quantités importantes, dans de nombreux registres : credit
scoring, maîtrise des risques, relations clients, moteurs de re-
commandations personnalisées, simulation de comportements,
aide à la décision, génération de contenus, analyse et résumé de
documents, process KYC et AML, modèles prédictifs…
Ce qui autorisera vraisemblablement l’obtention de gains de pro-
ductivité significatifs et favorisera la genèse de services de paie-
ment inédits.
Faudra-t-il bientôt s’accoutumer au slogan Paiement « AI Inside »
ou « Nvidia Inside » comme ce fut le cas il y a plus de 30 ans dans
un autre registre avec « Intel Inside », formule prémonitoire, bien
que la firme la plus âgée regarde désormais son concurrent avec
envie ?

Si la biométrie s’est invitée dans les paiements depuis plus de 15
ans, notamment en Chine avec Alibaba, elle s’est véritablement
vulgarisée au travers des smartphones avec le succès dont nous
sommes témoins et dans une moindre mesure, avec les cartes
biométriques.
L’innovation à laquelle s’attellent divers protagonistes (ex :
Tencent, JPMorgan, Amazon, card schemes…), c’est le paiement
palmaire qui disposerait d’avantages considérables puisqu’il suf-
firait simplement d’apposer sa main sur des capteurs dédiés pour
payer à la caisse.
Mais il est prématuré d’affirmer si cela fera in fine gagner ou pau-
mer de l’argent à ses promoteurs, surtout en absence de certi-
tude quant aux conditions qui seront réunies pour un déploie-
ment de masse : réglementations ad hoc, protection de la vie
privée, adhésion des citoyens, problèmes de fiabilité, retour sur
investissements…
Enfin, nous l’avions évoqué par le passé, identité et paiement
numériques devraient continuer à faire bon ménage dans l’ave-
nir. Ce n’est pas une révolution en soi dès lors que certains pays
essentiellement émergents proposent déjà des cartes multifonc-
tion de ce type (exemple du Nigeria en 2024).
Des instances planchent ou lancent de telles démarches comme
en Europe (EU Digital Identity) tandis que les big techs font plus
qu’y songer et ont déjà fait montre d’initiatives en la matière.

Ils aspirent (au-delà des données) à proposer des usages les
plus étendus possibles et à rassembler dans un seul contenant
(le leur) ce que nous avions coutume d’avoir jadis dans nos
portefeuilles en cuir (cartes de paiement, tickets, billets, badges,
documents d’identité, permis, SS, transport, fidélité, clés…) avec
pléthore de services additionnels. Vous avez dit Wallet ?
Cette propension et cette ambition sont confirmées par l’en-
quête publiée en juin 2024 par Pymnts et Google Wallet (12.299
personnes interviewées dans 5 pays : Etats-Unis, Brésil, France,
Royaume-Uni, Allemagne) qui révèle les faits et perspectives sui-
vants :

 

ET DEMAIN ?

 

En matière de paiement, il est toujours difficile d’imaginer avec
certitude la durée des cycles d’adoption, d’accélération ou de
déclin, comme l’ont démontré les épisodes successifs de ces
40 à 50 dernières années.
Je fais partie de ceux qui ont connu les facturettes et les « fers à
repasser » avant la généralisation des TPE, les résultats des ex-
périmentations entre les banques françaises bleues et vertes (ce
qui a ensuite donné lieu à la création de CB), les SSII spécialisées
dans la monétique SG2, Sodinforg, Segin et le leader d’alors Sli-
gos dont les établissements principaux étaient situés entre Or-
léans et Tours le long de la Loire, d’où le surnom de vallée de la
Monétique.
Epoque révolue évidemment même si de nombreux descendants
existent toujours sous des noms identiques ou différents, cf. plus
loin.
Ces décennies successives ont bien entendu été marquées par
de multiples innovations en termes de technologies et de ser-
vices autour de la carte, mais également par des habitudes qui
résistent à l’usure du temps dont celles consistant à insérer sa
carte dans un TPE et saisir son PIN, voire à utiliser des cartes à
piste magnétique dont les Américains sont toujours friands.
Certes, le sans contact carte est aujourd’hui incontournable (après
un démarrage poussif dans les années 2010) et il pourra demain
croître encore plus vite grâce au PIN online.
Le m-payment est devenu familier bien qu’il n’ait commencé à
générer, en tout cas dans les pays matures, des volumes substan-
tiels « que » depuis quelques années, sans pour autant « tuer » les
modes de paiement ancestraux dont le chèque et les espèces.
Le e-commerce a changé la donne avec l’apparition de nou-
velles méthodes appelées tantôt alternatives mais qui n’en sont
pas moins essentielles dans les contextes d’usage et les pays en question (carrier billing, paiement en espèces de type Boleto au
Brésil ou Oxxo au Mexique, titres prépayés, wallets, A2A, BNPL…).
Aujourd’hui, ce sont les partisans des cryptoactifs ou des MNBC
qui veulent s’inviter chez les marchands physiques et en ligne.
Les banquiers centraux devraient a priori disposer de moyens de
conviction autrement plus puissants que les premiers.
Malgré tout, à l’aune de ce que l’on perçoit aujourd’hui, cela ne
devrait pas bouleverser notre vie quotidienne à moins que quelque
chose de génial ne soit inventé d’ici là.
Du côté des industriels des paiements, nous faisons face à un
mélange persistant entre :
• Acteurs historiques : bien qu’ils se soient parfois délestés de
leurs assets Paiement, les établissements bancaires restent en-
core majoritairement des faiseurs importants au même titre
que les Fiserv, FIS, Global Payments, Nexi, Worldline, Worldpay,
ACI, Ingenico, Verifone, G&D, Idemia, Gemalto/Thalès, Monext
d’aujourd’hui résultent de compagnies ayant des décades d’an-
tériorité avec des fusions ou changements de propriétaires à
répétition
• Myriade de nouveaux venus qui se comptent par milliers et qui
ont réussi efficacement à surfer sur des vagues successives (in-
ternet, mobile, digital, réglementation, besoins changeants des
consommateurs et entreprises, cross-border, technologies in-
novantes, segments singuliers BtoC ou BtoB…) pour s’affirmer
Dans le lot, des entreprises nous sont devenues familières par
leur présence internationale, leur taille, leur performance et leur
valorisation en milliards us$/€ (cf. le tableau des chapitres pré-
cédents), telles que Stripe, Adyen, Checkout, Block, Klarna, Viva,
PhonePe, Wise, Alma…
Bien sûr, le cimetière des modes de paiement de toute espèce
(cartes, wallet, m-payment…) n’a cessé d’accueillir de nouveaux
défunts dont les projets n’ont guère rencontré leur audience pour
de nombreuses raisons : pas assez d’utilité, de différenciation, de
moyens, de cohérence, de volumes, d’interopérabilité…, de quoi
décourager les fondateurs, investisseurs ou actionnaires d’alors.
QUELLES PERSPECTIVES ?
Ceci étant dit, compte tenu de ce qui se trame en catimini ou
plus ouvertement, il est intéressant de se projeter vers de pos-
sibles futurs.
Nous n’avons guère de boule de cristal mais, allez, hasardons-nous
à esquisser 2 scenarios « extrêmes » à 10/15 ans ou plus :
L’un « linéaire », « réaliste », « classique »… ?
• Les facteurs de forme bien connus, à savoir cartes et smart-
phones vont demeurer essentiels dans maintes situations
– La carte parce qu’elle est historiquement installée dans nos
habitudes et qu’à moult reprises, elle a su faire preuve de
résilience du fait de ses multiples attributs
– Le smartphone parce qu’il sait embarquer tout ce dont nous
avons besoin pour travailler, communiquer, nous divertir et
nous instruire, acheter, et bien sûr payer, avec ce mix de
praticité et de sécurité pour l’instant inégalé
• S’il a été par endroit mis en concurrence par les partisans du
compte-à-compte comme nous avons pu l’évoquer dans les
colonnes précédentes, le sous-jacent carte dans les wallets et
apps mobiles devrait se maintenir dès lors qu’il bénéficie d’un
business model intrinsèquement favorable
• Les paiements initiés à l’Open Banking trouveront assurément
leur place mais leur adoption de masse prendra du temps, hor-
mis dans des domaines où leurs qualités seront reconnues et
légitimes
• Ceux à base de cryptomonnaies ne devraient pas décoller ra-
pidement et en cas de « risque » de propagation, les instances
de réglementation de certaines régions pourraient dégainer
des mesures appropriées pour protéger le pré-carré des ac-
teurs historiques et l’avènement des MNBC
• En Europe, quelques alternatives aux offres nord-américaines
vont poursuivre leur progression, voire s’imposer à l’échelle d’un
ou plusieurs pays, d’autant plus si la pression sur les acteurs do-
minants porte ses fruits
• Les grands réseaux conserveront leur leadership en exploitant
leurs formidables moyens, leur stature globale et les atouts is-
sus de leurs milliers de connexions et de partenaires.
L’autre « de rupture », « iconoclaste », « fantaisiste »… ?
S’il fallait craindre ou, pourquoi pas pour d’aucuns, espérer un
effet Kodak ou Titanic dans les paiements, cela pourrait – qui
sait – nous amener vers des destins variés.
Voyons quelles pourraient être les conditions pour que ce qui
nous semblerait impensable aujourd’hui puisse néanmoins sur-
venir demain, par excès de confiance ou par manque d’anticipa-
tion au regard de l’air du temps ou de puissants virages techno-
logiques.

 

• Les réglementations successives engendrent plus de dom-
mages collatéraux que de retombées heureuses, créant ain-
si plus de brèches que de remparts, ce qui profitera aux usual
suspects ou à de nouveaux larrons particulièrement astucieux
et inventifs (par exemple si l’Open Finance était habilement ex-
ploitée par d’aucuns et renforcerait leurs positions dominantes)
• A contrario, sous la contrainte accrue des autorités, il se pour-
rait que les méga-entreprises qui donnent le LA dans l’indus-
trie des paiements, doivent lâcher du lest et, limitées dans leur
rayon d’action, échouent à se transformer et se replient vers un
périmètre amoindri et plus contrôlé
• La finance décentralisée se répand, tel un virus et crée un ordre
mondial inédit, voire – ironie de l’histoire – enfante des dépen-
dances à l’égard de nouvelles plates-formes
• Les systèmes mis au point par quelques magnats (nous n’avons
pas dit maniaques) à base de reconnaissance biométrique
(paume, iris, empreinte) ou d’implants, le tout agrémenté d’une
IA surpuissante, nous métamorphosent en « homo-payens »
dotés de cette capacité exceptionnelle « je suis donc je paie ».
Dès lors, pour reprendre cette image d’Epinal, nous pourrons
laisser nos cartes, portefeuilles et tout objet communiquant
chez nous avant d’aller faire notre jogging matinal, et ouf, nous
pourrons nous arrêter à la boulangerie course faisant sans être
pris en flagrant dépit.
• En 2054, les espèces et autres instruments ont disparu ou
ont été bannis, et ne reste qu’une monnaie unique au travers
de laquelle nos transactions sont si scrutées et analysées par
une espèce de « big brother » que notre espace de liberté en
serait compromis.
Nous vous laissons volontiers imaginer d’autres perspectives
plus ou moins originales ou crédibles, mais revenons sur terre en
rappelant quelques principes immuables qui façonnent de nom-
breuses industries dont celle des paiements.
LE BAL ININTERROMPU DES PRÉTENDANTS
Dès lors que nous ne sommes pas démunis de solutions globa-
lement efficientes, tout lancement d’un nouveau service doit
idéalement rassembler une série d’atouts sans lesquels il peut
devenir une œuvre titanesque et périlleuse :
• Apport d’avantages évidents, a minima équivalents voire supé-
rieurs à ceux des services de paiement existants. A moins que
nous n’y soyons contraints, quelles bonnes raisons avons-nous
de changer d’habitudes et de souscrire à une nouvelle offre ?
– Prix, ergonomie, sécurité, universalité, image, comblement de
carences ou dysfonctionnements, apports connexes…
• Constitution d’un réseau d’acceptation suffisamment vaste pour
susciter l’envie et la répétition d’utilisation
• Fortes capacités d’enrôlement et de promotion pour massifier
les usages et obtenir des effets d’échelle

• Maintien d’un business model viable qui fédère l’ensemble des
parties prenantes et finance les investissements futurs et l’inno-
vation
• Elaboration d’une marque inspirant confiance et durabilité…
Et il y en aurait beaucoup d’autres.
C’est bien sûr tout le mal que l’on souhaite aux futurs préten-
dants et en particulier à EPI/Wero qui lance son service PtoP en
2024 (1er étage de la fusée) avant que ne soient propulsés les sui-
vants en 2025 et 2026 : e/m-commerce, proximité…. assortis au
fur et à mesure de fonctionnalités complémentaires qui pourront
contenter les usagers et les accepteurs (ex : débit à la livraison ou
expédition, pay by link, remboursement, abonnements, facilités
de paiement, assurances…).
La saga EPI ne fait que commencer et les épisodes successifs
ne manqueront pas de nous tenir en haleine au gré des actions
épiques menées dans les prochaines années.
En dépit de la force de frappe de l’attelage constitué autour d’EPI
et le soutien des autorités européennes, ce ne sera pas, à n’en pas
douter, un long fleuve tranquille tant sa réussite dépendra d’une
exécution parfaite dans la durée et des ripostes épidermiques de
nombreux concurrents.
L’atteinte rapide d’une taille critique lui permettra de consolider
l’unité de ses sponsors et d’en attirer de nouveaux.
Il ne s’agit pas d’une mission impossible pour autant car des coa-
litions similaires ont déjà réalisé ou sont en passe de réaliser cette
prouesse : Blik, Twint, Bizum, Swish, Vipps-Mobile Pay…
A ce propos, nous évoquions dans notre Opus N°5 la création
de plusieurs clusters à l’échelle de l’Europe en matière de wal-
lets (sud, nord, est).
Il faudra s’habituer à cette diversité et à cette coexistence avant
– qui sait – un rapprochement qui donnera vie à une solution vé-
ritablement pan-européenne qui fait défaut au vieux continent.

 

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