Etude du Comité Colbert et Bain & Company Pour la deuxième édition de leur rapport conjoint sur le thème « Luxe et Technologie », le Comité Colbert et Bain & Company ont choisi de s’intéresser à la boutique de demain. Comment la boutique intègre-t-elle les nouvelles technologies ? Pour qui, comment, et pour quels bénéfices ? Les résultats de l’étude montrent que, post Covid, la boutique a retrouvé son statut de pierre angulaire de l’expression des Maisons mais que son rôle a évolué. Au-delà d’un simple lieu où se concluent des transactions d’achat, elle est perçue comme le lieu de l’expérience et de l’immersion dans l’univers d’une marque. Intégrée dans un parcours client qui commence avant la visite et se poursuit au-delà des murs, la boutique est connectée. La technologie y est omniprésente avec trois objectifs distincts : magnifier la relation entre le client et le vendeur, enrichir la découverte des collections et fluidifier le parcours client et les opérations. Les outils aujourd’hui à disposition des Maisons dessinent les contours de la relation client de demain : plus pratique, plus expérientielle, plus personnalisée, plus émotionnelle et aussi, plus engagée. Si un grand pas a été franchi après la Covid, les nouvelles technologies dans les boutiques de luxe ont encore le champ libre pour se développer.
L’accélération des nouvelles technologies dans le secteur du luxe se confirme
Le secteur du luxe accélère son adoption des nouvelles technologies et présente des cas d’usages de plus en plus sophistiqués. Les technologies les plus mûres (notamment RFID, intelligence artificielle) sont expérimentées à un rythme soutenu. Elles servent à enrichir l’engagement du client (réalité augmentée ou virtuelle, NFT). La vague du métavers a laissé place à l’intelligence artificielle générative avec des cas d’usage très prometteurs pour le secteur. Par ailleurs, le lien entre les nouvelles technologies et le développement durable est aujourd’hui beaucoup plus évident pour les Maisons.
Post Covid, la boutique a retrouvé son statut de pierre angulaire de l’expression des Maisons, mais son rôle a évolué
Pour Mathilde Haemmerlé, Associée, en charge du pôle Luxe chez Bain & Company France : « Les confinements et les restrictions liés à la crise de la Covid ont, un temps, éloigné les clients des boutiques. Le retour sur les points de vente physiques s’accompagne d’un besoin accru d’échange et de contacts. Plus encore qu’avant, la boutique est devenue un lieu de plaisir, celui de la découverte et de l’enchantement. » Pour 43% des clients du luxe, la découverte du produit et de la marque constitue la première raison de leur visite en boutique. Rien ne rivalise avec le plaisir qu’ils ressentent lorsqu’ils découvrent, touchent et essayent des pièces uniques, saisissant ainsi leur véritable sophistication. En se promenant dans la boutique, ils entrent dans un univers privilégié et se donnent l’opportunité d’approfondir leur connaissance des collections mais aussi des valeurs et de l’histoire des Maisons.
Importance de la relation avec le vendeur
Pour 34% des clients du luxe, c’est le sentiment d’un traitement VIP qui est la première raison de leur visite. Expert dans son domaine, le vendeur offre un service sur mesure, conseille et guide le client tout au long de son expérience. Les clients se sentent privilégiés et appréciés lorsqu’ils sont pris en charge avec soin et professionnalisme, renforçant le caractère exclusif de leur expérience. Premier champ d’application des nouvelles technologies en boutique, l’enrichissement de la relation avec le vendeur est une priorité pour les Maisons interrogées et un facteur clé pour 61% des clients. Les outils de clienteling favorisent l’intimité entre client et vendeur et permettent des recommandations plus justes et personnalisées, fondées sur les données client, produit et logistique.
La visite en boutique s’inscrit dans un parcours omnicanal
La visite du client commence bien avant et se poursuit au-delà de la présence en boutique. 66% des clients, toutes générations et toutes géographies confondues, assurent consulter le site e-commerce des Maisons avant leur visite et leur achat. Un dialogue continu s’instaure au-delà des murs, en amont comme en aval, pour attirer le client, déclencher l’acte d’achat et poursuivre la relation entre deux visites. Les applications de clienteling orchestrent les différents points de contact : boutique, site e-commerce, après-vente, relation continue avec le vendeur… La centralisation et l’analyse de l’ensemble de ces données permettent de considérer chaque client dans son unicité et de l’accompagner tout au long de son parcours, en boutique ou non. Susciter l’envie aux moments clés grâce à des messages personnalisés, préparer sa venue grâce aux whishlists, avoir à l’esprit son historique de visites et d’achats à travers tous les canaux pour mieux le conseiller…
Renforcer la fluidité du parcours client en boutique
Renforcer la fluidité du parcours client en boutique constitue le second champ d’application des nouvelles technologies, même si les clients n’en sont pas encore satisfaits (58% d’entre eux mentionnent les moments d’attente comme générateurs de frustration). Des expérimentations sont en cours pour améliorer l’étape du paiement, la localisation rapide de produits en boutique, minimiser les temps d’attente ou optimiser la gestion des stocks. Si 75% des clients plébiscitent les cas d’application technologiques, le niveau d’exigence reste propre au secteur du luxe : les clients ne veulent pas de « libre-service » d’applications technologiques, et la qualité d’exécution technologique doit être irréprochable.
Nourrir le storytelling : révéler la créativité et l’identité des Maisons
Au-delà de ces champs d’application, les Maisons testent des cas d’usage visant à enrichir leur storytelling par la réalité augmentée, la réalité virtuelle ou les miroirs connectés. Ces technologies permettent aux Maisons d’animer les collections et d’immerger les visiteurs dans l’univers et l’héritage de la marque. Les nouvelles technologies permettent de surprendre le client et de renforcer le lien émotionnel. Découvrir l’histoire et les valeurs d’une Maison est en soi un moment d’émerveillement pour 26% des clients du luxe. La technologie offre une caisse de résonnance aux Maisons de luxe, l’occasion de mettre en avant leur patrimoine et leurs savoir-faire, de créer en boutique un environnement unique et cohérent dont elles gardent la maîtrise complète.
Permettre aux Maisons de renforcer leur engagement environnemental
La croissance du marché du luxe et les engagements environnementaux qui l’accompagnent ont rendu pertinente l’adoption des nouvelles technologies en boutique : sélection de l’assortiment par boutique, amélioration de l’allocation des stocks, automatisation d’inventaires… Les nouvelles technologies permettent d’optimiser les flux et opérations au profit du temps offert au client. Pour Bénédicte Épinay, Déléguée générale du Comité Colbert : « L’attente de la clientèle sur la mise en conformité des valeurs des marques et leurs actions concrètes devient un impératif déterminant dans la relation entre le client et les Maisons. »
Un déploiement reste possible à plus grande échelle
Si elles ont franchi un grand pas après la Covid, les nouvelles technologies dans les boutiques de luxe ont encore du champ libre pour se développer. Ce déploiement à plus grande échelle requiert une transformation bien au-delà de la boutique : adhésion des équipes de ventes, refonte des architectures technologiques et évolution du lieu de vente dans son agencement et son organisation.
Méthodologie
L’étude a été conduite conjointement par Bain & Company et le Comité Colbert entre avril et juin 2023. Quatre sources de données principales ont été utilisées pour réaliser cette étude : 1. Un questionnaire quantitatif administré en ligne et ciblant les clients du luxe. L’échantillon est issu de trois pays, France, Etats-Unis, Chine et est représentatif de la clientèle du luxe en termes de genre, d’âge et de catégories de consommateurs. 2. Des entretiens qualitatifs avec des clients du luxe, réalisés par le Bain Consumer Lab. 3. Des entretiens avec des dirigeants de Maisons, de groupes et de partenaires technologiques pour préciser les applications technologiques dans les entreprises. 4. Diverses recherches documentaires et l’expérience de Bain & Company