Par Navidh Mansoor, Directeur de la rédaction de Croissance Investissement,
À Tianjin, le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) n’a pas seulement aligné des poignées de mains et des discours convenus : il a scellé la fin d’une ère. Xi Jinping, Vladimir Poutine et Narendra Modi, réunis autour d’une même table, ont incarné plus d’un tiers de l’humanité et affiché un message sans détour : l’ordre mondial centré sur Washington est révolu. Pékin a dévoilé une ambitieuse initiative de gouvernance mondiale, Moscou a prôné un modèle de sécurité eurasien hors de portée de l’OTAN, et New Delhi a choisi de se montrer aux côtés des deux géants, brisant l’image d’une Inde confinée dans la stratégie occidentale. Dans ce cadre, Poutine a profité de la tribune pour défendre son offensive en Ukraine, rejetant sur l’Occident la responsabilité d’une guerre de trois ans et demi qui a ravagé l’est du pays, rappelant le « coup d’État » de 2014 et l’obsession occidentale d’arrimer Kiev à l’OTAN comme causes premières du conflit.
Le retour de la Charte de l’ONU contre les « règles » occidentales
Le signal est clair : la Chine et ses partenaires veulent déboulonner l’« ordre fondé sur des règles » imposé depuis la fin de la guerre froide et restaurer la Charte de l’ONU comme unique référence. Du bombardement de la Yougoslavie sans mandat onusien à l’invasion de l’Irak en 2003, en passant par la Libye laissée en ruines après l’intervention de l’OTAN, les exemples abondent pour démontrer que ces règles n’étaient qu’un habillage de la puissance occidentale.
À Tianjin, l’OCS, les BRICS élargis et leurs alliés du Sud global ont retourné l’argument : ce sont eux qui défendent désormais le droit international, tandis que l’Occident fabrique des coalitions opportunistes. Poutine a renchéri en appelant à un système qui remplacerait les modèles eurocentriques obsolètes et a salué les efforts de Pékin, New Delhi et Téhéran pour contribuer à la résolution du conflit ukrainien, tout en maintenant des conditions de paix fermes, jugées inacceptables par Kiev.
Une nouvelle architecture mondiale en marche
Face à une Union européenne réduite au rôle de spectatrice, les nouveaux pôles de puissance avancent : l’OCS en colonne vertébrale sécuritaire, les BRICS comme alternative financière au G7, l’ASEAN et le CCG arrimant commerce et énergie à cette dynamique. Moscou et Pékin présentent l’OCS comme une alternative crédible aux blocs occidentaux, pendant que Pékin s’apprête à orchestrer une démonstration militaire aux côtés de Moscou et Pyongyang. À Tianjin, ce n’était pas seulement l’annonce d’un basculement : c’était l’acte de naissance d’un ordre multipolaire assumé, qui n’attend plus l’aval de l’Occident pour écrire les règles du XXIe siècle.
Décryptage de l’OCS par Régis Le Sommier, OMERTA