Dans un contexte fortement inflationniste en Europe, l’Allemagne prévoit un plan de soutien pour ses entreprises améliorant fortement leur compétitivité-coût. Sans mesures de soutien, les prix de production de l’industrie allemande resteraient dans la moyenne européenne, mais le plan de soutien allemand permettra à l’industrie allemande d’être bien plus compétitive, même davantage que la France dans le scénario le plus extrême. |
La présente note est le fruit d’une collaboration entre le cabinet Asterès et le Centre de Politique Europénne de Paris, et a été rédigée conjointement par les deux structures.
Les prix de production augmentent relativement moins vite en France
L’industrie française a gagné en compétitivité-coût vis-à-vis des autres pays européens depuis environ un an. Alors que les prix à la production dans l’industrie augmentaient de manière globalement équivalente en Europe ces dernières années, le contexte inflationniste actuel a amélioré la situation relative de la France. Entre août 2021 et août 2022, les prix de production dans l’industrie ont bondi de 28 % en France mais dans le même temps ils s’envolaient de 33 % dans l’Union Européenne et de 40 % en Italie par exemple1. En posant comme hypothèse que la dynamique des prix de production observée jusqu’alors cette année va se poursuivre jusqu’en mars 2023, la France garderait un avantage en termes de compétitivité-coût par rapport à ses voisins.
Le plan de soutien allemand change la donne
L’Allemagne a prévu un plan de soutien massif à son industrie. Avec les premières mesures annoncées le 10 octobre dernier par le Chancelier Scholz, le gouvernement allemand veut réduire drastiquement la facture de gaz pour l’intégralité de l’industrie allemande – alors que les plus gros consommateurs de gaz, environ 25 000 entreprises bénéficiaient déjà de plans d’aide. Le plan doit dédommager les entreprises industrielles jusqu’alors exlues des aides à hauteur de 25 Md €. Cette somme fait partie du plan de 200 Md € annoncés le 4 octobre dernier.
Ces 25 Md € devraient être distribués très simplement : entre janvier 2023 et avril 2024, 70 % du gaz consommé par les entreprises industrielles concernées sera plafonnée à 7 centimes du KWh – le prix du KWh d’octobre 2021 -, les 30 % de la consommation restante étant payé par les entreprises au prix de marché, afin de conserver des incitations à consommer le moins possible. Ces 25 Md € sont donc essentiellement indicatifs, puisque la somme réelle déboursée par l’État allemand dépendra en réalité du prix du marché au moment où le fournisseur de gaz – ensuite remboursé par le plan – délivre son gaz à l’entreprise.
Néanmoins, il est attendu que la facture de gaz pour l’industrie allemande passe d’environ 7 à 8 Md € en 2021 à plus de 30 Md €, voire 40 Md € en 2022, en fonction des prix de marché du gaz d’ici la fin de l’année – soit une hausse allant de 20 à plus de 30 Md € environ, ce qui explique probablement le montant de 25 Md € de dédomagement prévu par le gouvernement allemand.
Par ailleurs, l’impact total de cette mesure sur les prix de production est incertain, notamment parce-qu’il est difficile de connaître avec précision la part des prix du gaz dans l’indice des prix de production, et parce que les prix du gaz affectent aussi indirectement l’indice des prix de production par le biais d’autres prix sous-jacents.
1 Eurostat, Prix à la production dans l’industrie (sauf construction, assainissement, gestion des déchets et dépollution)
Quatre Scénarios d’évolution de la compétitivité-coût allemande
C’est pouquoi quatre scénarios ont été retenus, en plus de celui où l’Allemagne ne prendrait aucune mesure de soutien à son industrie. Parmi tous ces scénarios, ceux où les prix du gaz représentent 10 % ou 20 % de la hausse nous semblent les plus crédibles, soit une réduction de l’écart avec la France de 6,2 à 12,3 points en termes de prix de production (base 100 en 2015).
Ils ne donnent pas un avantage hors-du-commun à l’industrie allemande en termes de compétitivité-coût, mais seront sans doute suffisants pour garantir la rentabilité manufacturière outre-Rhin – alors que l’arrêt des approvisionnements de gaz russe la menaçait. Car le succès de l’industrie allemande se fonde d’abord sur sa compétitivité hors-prix : la « Deutsche Qualität ».
L’ensemble des comparaisons sont effectuées dans la situation où seule l’Allemagne soutiendrait davantage son industrie :
– Dans le scenario où l’Allemagne ne soutiendrait pas son industrie, ses coûts de production resteraient dans la moyenne européenne. Dans ce cas, en mars 2023 les prix de production de l’industrie allemande seraient supérieurs de 20,2 points de prix de production à ceux de la France, et inférieurs de -7,8 points à ceux de l’Italie.
– En posant comme hypothèse que le gaz représente 10 % de la hausse des prix de production de l’industrie allemande entre octobre 2021 et 2022, celle-ci resterait encore loin de la France en termes de compétitivité-coût. Dans ce cas, l’écart resterait en mars 2023 de 14 points avec le France, mais l’Allemagne devancerait désormais l’Italie de 14 points.
– Dans le scenario où le gaz représente 20 % de la hausse des prix de production de l’industrie allemande entre octobre 2021 et 2022, elle s’approcherait davantage encore de la France en termes de compétitivité-coût. Dans ce cas, en mars 2023 les prix de production de l’industrie allemande seraient supérieurs de 7,9 points à ceux de la France, et inférieurs de -20,1 points à ceux de l’Italie.
– En partant du principe que le gaz représente 30 % de la hausse des prix de production de l’industrie allemande entre octobre 2021 et 2022, elle talonnerait la France. Dans ce cas, en mars 2023 les prix de production de l’industrie allemande seraient de 1,8 point supérieurs à ceux de la France, et de 26,2 points inférieurs à ceux de l’Italie.
– Si l’on considère que le gaz représente 50 % de la hausse des prix de production de l’industrie allemande entre octobre 2021 et 2022, cette dernière passerait largement devant l’industrie française en termes de compétitivité-coût. Dans ce cas, en mars 2023 les prix de production de l’industrie allemande seraient inférieurs de -10,5 points à ceux de la France, de -38,5 point à ceux de l’Italie.