mar. Avr 23rd, 2024

Dans un contexte fortement inflationniste en Europe, l’Allemagne prévoit un plan de  soutien pour ses entreprises améliorant fortement leur compétitivité-coût. Sans mesures  de soutien, les prix de production de l’industrie allemande resteraient dans la moyenne  européenne, mais le plan de soutien allemand permettra à l’industrie allemande d’être bien plus  compétitive, même davantage que la France dans le scénario le plus extrême.

La présente note est le fruit d’une collaboration entre le cabinet Asterès et le Centre de  Politique Europénne de Paris, et a été rédigée conjointement par les deux structures. 

Les prix de production augmentent relativement  moins vite en France 

L’industrie française a gagné en compétitivité-coût vis-à-vis des autres pays européens  depuis environ un an. Alors que les prix à la production dans l’industrie augmentaient de  manière globalement équivalente en Europe ces dernières années, le contexte inflationniste  actuel a amélioré la situation relative de la France. Entre août 2021 et août 2022, les prix de  production dans l’industrie ont bondi de 28 % en France mais dans le même temps ils  s’envolaient de 33 % dans l’Union Européenne et de 40 % en Italie par exemple1. En posant  comme hypothèse que la dynamique des prix de production observée jusqu’alors cette année va se poursuivre jusqu’en mars 2023, la France garderait un avantage en termes de  compétitivité-coût par rapport à ses voisins. 

Le plan de soutien allemand change la donne 

L’Allemagne a prévu un plan de soutien massif à son industrie. Avec les premières mesures  annoncées le 10 octobre dernier par le Chancelier Scholz, le gouvernement allemand veut  réduire drastiquement la facture de gaz pour l’intégralité de l’industrie allemande – alors que  les plus gros consommateurs de gaz, environ 25 000 entreprises bénéficiaient déjà de plans  d’aide. Le plan doit dédommager les entreprises industrielles jusqu’alors exlues des aides à  hauteur de 25 Md €. Cette somme fait partie du plan de 200 Md € annoncés le 4 octobre dernier.  

Ces 25 Md € devraient être distribués très simplement : entre janvier 2023 et avril 2024, 70 %  du gaz consommé par les entreprises industrielles concernées sera plafonnée à 7 centimes du  KWh – le prix du KWh d’octobre 2021 -, les 30 % de la consommation restante étant payé par les entreprises au prix de marché, afin de conserver des incitations à consommer le moins  possible. Ces 25 Md € sont donc essentiellement indicatifs, puisque la somme réelle déboursée  par l’État allemand dépendra en réalité du prix du marché au moment où le fournisseur de gaz  – ensuite remboursé par le plan – délivre son gaz à l’entreprise. 

Néanmoins, il est attendu que la facture de gaz pour l’industrie allemande passe d’environ 7 à  8 Md € en 2021 à plus de 30 Md €, voire 40 Md € en 2022, en fonction des prix de marché du  gaz d’ici la fin de l’année – soit une hausse allant de 20 à plus de 30 Md € environ, ce qui  explique probablement le montant de 25 Md € de dédomagement prévu par le gouvernement  allemand. 

Par ailleurs, l’impact total de cette mesure sur les prix de production est incertain, notamment  parce-qu’il est difficile de connaître avec précision la part des prix du gaz dans l’indice des prix  de production, et parce que les prix du gaz affectent aussi indirectement l’indice des prix de  production par le biais d’autres prix sous-jacents. 

  

1 Eurostat, Prix à la production dans l’industrie (sauf construction, assainissement, gestion des déchets et  dépollution)

Quatre Scénarios d’évolution de la  compétitivité-coût allemande 

C’est pouquoi quatre scénarios ont été retenus, en plus de celui où l’Allemagne ne  prendrait aucune mesure de soutien à son industrie. Parmi tous ces scénarios, ceux où les  prix du gaz représentent 10 % ou 20 % de la hausse nous semblent les plus crédibles, soit une  réduction de l’écart avec la France de 6,2 à 12,3 points en termes de prix de production  (base 100 en 2015). 

Ils ne donnent pas un avantage hors-du-commun à l’industrie allemande en termes de  compétitivité-coût, mais seront sans doute suffisants pour garantir la rentabilité manufacturière  outre-Rhin – alors que l’arrêt des approvisionnements de gaz russe la menaçait. Car le succès  de l’industrie allemande se fonde d’abord sur sa compétitivité hors-prix : la « Deutsche  Qualität ». 

L’ensemble des comparaisons sont effectuées dans la situation où seule l’Allemagne  soutiendrait davantage son industrie : 

Dans le scenario où l’Allemagne ne soutiendrait pas son industrie, ses coûts de  production resteraient dans la moyenne européenne. Dans ce cas, en mars 2023 les  prix de production de l’industrie allemande seraient supérieurs de 20,2 points de prix  de production à ceux de la France, et inférieurs de -7,8 points à ceux de l’Italie. 

En posant comme hypothèse que le gaz représente 10 % de la hausse des prix de  production de l’industrie allemande entre octobre 2021 et 2022, celle-ci resterait  encore loin de la France en termes de compétitivité-coût. Dans ce cas, l’écart  resterait en mars 2023 de 14 points avec le France, mais l’Allemagne devancerait  désormais l’Italie de 14 points. 

Dans le scenario où le gaz représente 20 % de la hausse des prix de production  de l’industrie allemande entre octobre 2021 et 2022, elle s’approcherait  davantage encore de la France en termes de compétitivité-coût. Dans ce cas, en  mars 2023 les prix de production de l’industrie allemande seraient supérieurs de 7,9  points à ceux de la France, et inférieurs de -20,1 points à ceux de l’Italie. 

En partant du principe que le gaz représente 30 % de la hausse des prix de  production de l’industrie allemande entre octobre 2021 et 2022, elle talonnerait  la France. Dans ce cas, en mars 2023 les prix de production de l’industrie allemande  seraient de 1,8 point supérieurs à ceux de la France, et de 26,2 points inférieurs à ceux  de l’Italie.  

Si l’on considère que le gaz représente 50 % de la hausse des prix de production  de l’industrie allemande entre octobre 2021 et 2022, cette dernière passerait  largement devant l’industrie française en termes de compétitivité-coût. Dans ce  cas, en mars 2023 les prix de production de l’industrie allemande seraient inférieurs  de -10,5 points à ceux de la France, de -38,5 point à ceux de l’Italie.

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