jeu. Déc 19th, 2024

Par Barbara Casu, professeur de finance à la Bayes Business School et directrice du Centre de recherche bancaire :

« Bien qu’elle ait été décrite dans la presse comme “l’un des outils les plus puissants utilisés par les autorités occidentales pour punir la Russie”, la déconnexion des banques russes du système de messagerie SWIFT pourrait envoyer un message politique clair, mais son impact économique resterait modéré.

 Il y a plusieurs raisons pour cela. Tout d’abord, SWIFT est un système de messagerie et ne joue aucun rôle dans l’exécution des paiements. La messagerie concernant les transferts de fonds peut être effectuée en utilisant plusieurs autres réseaux, bien que potentiellement moins sécurisés, y compris la messagerie instantanée ou le bon vieux fax. Deuxièmement, l’exclusion de SWIFT n’a pas d’incidence sur le secteur bancaire national ; les volumes d’affaires internationales de la plupart des banques russes sanctionnées sont limités. Troisièmement, elle n’empêche pas les banques russes d’effectuer ou de recevoir des transferts internationaux de la part de tiers. Enfin, les paiements interentreprises ne sont pas non plus affectés pour le moment. Cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas d’impact, il y aura des perturbations et des retards dans les paiements internationaux.

 Deux banques, Sberbank, la plus grande banque de crédit en Russie, et Gazprombank, ont échappé aux sanctions, car elles sont les principaux débouchés des paiements pour le pétrole et le gaz russes, que les pays de l’UE continuent d’acheter malgré le conflit en Ukraine.

 La décision d’inclure certaines banques et d’en exclure d’autres est également politique. Plus les liens économiques d’un pays avec la Russie sont étroits – comme c’est le cas des économies qui dépendent des exportations russes, par exemple en termes d’approvisionnement énergétique – plus le poids des paiements altérés ou retardés sur leur économie nationale est important. La vérité désagréable n’est que les sanctions économiques, bien que puissantes et nécessaires, imposent des coûts aux deux parties. Il existe d’autres moyens, économiquement plus puissants, d’imposer des sanctions que de déconnecter les banques du réseau SWIFT.”

Les monnaies numériques en temps de guerre

 

Par Andrea Baronchelli, Maître de conférences à la City University of London et chercheur de l’institut Alain Turing  : 

« C’est la première fois que les monnaies numériques entrent sur la scène géopolitique. Il a été rapporté que l’Ukraine a déjà reçu environ 33 millions de dollars en bitcoins et autres cryptomonnaies après avoir lancé un appel au cours du week-end via les médias sociaux.

D’une part, le bitcoin et les autres cryptomonnaies permettent aux Ukrainiens de recevoir des fonds « sous le nez » de leurs envahisseurs, car personne ne peut arrêter les transactions dans les blockchains sans permission.

D’autre part, les monnaies numériques, telles que celles des banques centrales ou CBDC, rendent viables, pour la première fois dans l’histoire, les systèmes de paiement numérique mondiaux alternatifs à SWIFT. 

Puisque la dépendance à l’égard de l’ordre financier centré sur les États-Unis est stratégiquement insoutenable pour les ambitions de la Chine, de la Russie et d’autres pays souhaitant occuper un rôle de premier plan dans le futur ordre mondial, il semble évident qu’ils cherchent à mettre en œuvre des systèmes de paiement alternatifs dès que possible. »

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