Par Sébastien OUM, CEO d’Yseulis, plateforme universelle de gestion des risques de change.
Après le renouvellement du Parlement européen qui a vu la progression des populistes, comment gouverner l’Europe et impulser une dynamique économique et monétaire. La nouvelle mandature ne s’annonce pas simple pour les eurodéputés et les institutions : Brexit, guerre commerciale entre les USA et la Chine, stabilisation de la monnaie unique, situation des établissements bancaires… L’enjeu est de taille.
La mandature 2019-2024 ne s’annonce pas de tout repos pour le Parlement européen dont le renouvellement vient d’avoir lieu fin mai. Il en va de même pour l’ensemble des institutions européennes. Tout d’abord, les partis populistes et eurosceptiques ont progressé en nombre de sièges et les partis démocratiques europhiles ont reculé. Pour gouverner l’Europe, le Parlement européen aura besoin au minimum de quatre groupes pour bâtir une majorité, qui doit être connue pour le 24 juin. Le jeu des alliances va donc commencer. Une fois les tractations partisanes passées, il s’agira d’élire le Président du Parlement qui était issu jusqu’ici, pour une moitié du mandat du groupe PPE et pour l’autre, du groupe PSE, ou inversement. Les formations paneuropéennes en décideront le 2 juillet prochain. Viendra enfin la Présidence de la Commission. Durant l’été, chaque gouvernement appartenant à l’UE, proposera un membre de son pays pour entrer à la Commission européenne aux côtés du nouveau président. 26 commissaires animeront à ses côtés, la politique européenne, selon des portefeuilles attribués pour les 6 ans à venir.
Avenir de la zone euro
Dès l’automne, l’ensemble des acteurs pourra donc conduire et déterminer les orientations monétaires et économiques. Comment avancer ? L’Euro qui vient de fêter son 2Oème anniversaire connaît actuellement quelques difficultés. Les marchés ont bien entendu anticiper la poussée des extrémistes hostiles à la monnaie unique avant les élections européennes. Mais cela n’empêche pas la devise commune de faire fluctuer les places boursières. La raison ? La guerre commerciale qui perdure entre les Etat-Unis et la Chine et qui n’en termine pas. Les deux parties en sont à une escalade verbale et à des mesures douanières et de rétentions économiques respectives qui font osciller les actions. C’est pourquoi, l’Europe connaît un net affaiblissement face au “billet vert”. Outre ces tensions commerciales, les perspectives de l’OCDE concernant la monnaie unique ne sont pas pour rassurer le marché des changes. Pour le moment, les investisseurs restent attentifs mais ne sont pas inquiets pour autant. A ce stade, seul un pays pourrait jouer les trouble-fête : l’Italie. En effet, son Premier ministre s’est insurgé face à la demande la Commission qui réfléchit à une sanction pour non respect du pays membre en matière de dette et de déficit. Un bras de fer pourrait s’envisager entre Rome et Bruxelles. Mais il ne sera pas de nature à remettre en question l’avenir de l’euro.
La BCE agira
Après la crise mondiale financière qui avait déstabilisé les établissements bancaires il y a une dizaine d’années, la Banque centrale européenne a solidifié le processus bancaire. Elle se dit confiante face aux tensions d’une toute autre nature qui traversent l’Europe en ce moment. Elle est même prête à prendre de nouvelles mesures de soutien monétaire dont nous devrions connaître les pistes cette semaine. Elle étudie le ralentissement économique ressenti ces dernières semaines et dira s’il sera durable ou non. Plus particulièrement si la guerre commerciale USA/Chine impactera réellement les ménages et les entreprises dont la consommation et la production reposent sur la confiance. Si la récession n’est pas à l’ordre du jour, de nouvelles opérations de prêts ciblés aux banques à très faible taux, les TLTRO devraient être confirmées. L’Allemagne et la France qui se disputent la Présidence de la Commission Européenne auront leur mot à dire.
Le Brexit, cet inconnu
L’interminable feuilleton du Brexit va lui aussi influencer la politique monétaire et économique européenne. Mais surtout rebattre les cartes des places financières. En effet, une étude publiée par le cabinet de conseil Duff & Phelps France estime que Londres perdrait sa place centrale en raison des incertitudes liées à la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Puis, il y aussi les effets de la démission de Theresa May. La Première ministre britannique quittera son poste le 7 juin prochain, renforçant l’hypothèse d’un départ sans accord du Royaume-Uni. Quelles seront les conséquences de cette sortie de la sixième puissance économique mondiale pour l’ensemble de l’écosystème européen. Nul ne le sait pour le moment si ce n’est qu’en matière de politique intérieure, elle risque de fragiliser les citoyens britanniques qui subissent déjà la vie chère. Ils risquent de peu goûter à la dépréciation très certaine de la Livre Sterling. Quelles en seront les conséquences sur les cours des monnaies et du commerce ? Il est trop tôt pour faire des prévisions. Favori pour succéder à Theresa May, Boris Johnson devra assumer un potentiel « no deal ». Mais il s’est bien gardé, comme Nigel Farage, victorieux aux européennes sur une ligne de sortie immédiate sans contreparties, de communiquer le moindre calendrier.
Dans ce contexte parsemé d’incertitudes, quelques pistes pourraient être envisagées par les 27, d’ailleurs préconisées dans le “livre blanc pour l’avenir de l’Europe” publié par la Commission : achever une véritable union financière, consolider la responsabilité démocratique, renforcer les institutions de la zone euro. Cela pourrait être une première étape pour les trois premières années de la mandature, si l’Europe veut amortir les effets de la guerre commerciale USA/Chine. Mais aussi incarner une véritable puissance face à ces deux forces.