Le gouvernement a présenté lundi 26 septembre le Projet de loi de finances 2023. S’il n’est plus question de « quoi qu’il en coûte », l’Etat continuera néanmoins à utiliser le levier budgétaire pour atténuer les effets de la crise énergétique. La France se montre en tout cas moins dépensière que le Royaume-Uni, où les mesures annoncées sont tellement coûteuses qu’elles ont entraîné une petite panique des marchés financiers.
■ Avec un ratio de déficit/PIB de 5 % en 2023, le gouvernement fait le choix de ne pas resserrer trop vite la dépense publique, sans pour autant laisser filer les déficits. Les prévisions faites sont cependant plutôt optimistes, et le déficit pourrait s’avérer plus élevé qu’anticipé.
🢩 Le Projet de loi de finances pour 2023 est un numéro d’équilibriste : d’un côté des dépenses sont nécessaires pour contrer les effets de la crise énergétique sur le pouvoir d’achat des ménages, de l’autre l’Etat ne peut pas se permettre de constamment anesthésier les effets de chaque crise par la dépense publique, comme cela a été fait pendant la crise sanitaire, au risque d’entraîner une explosion de l’endettement public.
🢩 Les prévisions du gouvernement sont plutôt optimistes. Le déficit public serait de 5 % du PIB en 2022 et en 2023. La dette publique refluerait légèrement, pour atteindre 111,2 % du PIB l’an prochain1. Ce scénario est basé sur une croissance économique de 2,6 % en 2022 et de 1,0 % en 2023. Quoique réalistes, ces prévisions sont néanmoins optimistes d’après Asterès, qui anticipe plutôt 2,5 % de croissance cette année et 0,5 % en 2023, dans un contexte il est vrai de grande incertitude énergétique et géopolitique. En conséquence, il est possible que le déficit soit supérieur à 5 % du PIB, et que la dette publique rapportée au PIB stagne au lieu de diminuer.
■ En comparaison de la stratégie britannique, le gouvernement français se montre prudent. Liz Truss, arrivée au pouvoir début septembre, a annoncé de nouvelles mesures budgétaires qui ont suscité une certaine panique sur les marchés financiers. Etonnamment, les marchés ont réagi comme ils le font d’ordinaire pour les pays émergents, preuve du malaise provoqué par les récentes annonces.
🢩 Vendredi 23 septembre, le nouveau gouvernement de Liz Truss a dévoilé une série de mesures budgétaires face à une inflation aux alentours de 10 % qui pénalise notamment le pouvoir d’achat des ménages. Ces mesures, qui ne sont pas un budget en tant que tel et dont le coût total et les répercussions ne sont pas clairement estimées, tournent principalement autour d’un allègement de la facture énergétique et de baisses d’impôts. D’une part, les factures d’énergie seront gelées pour deux ans, à 2 500 livres pour un ménage en moyenne, soit une baisse d’au moins 1 000 livres financée par le gouvernement. D’autre part, le gouvernement s’engage dans une série de baisse d’impôts, qui ciblent notamment les ménages les plus aisés, comme la suppression de la tranche maximale d’impôt sur le revenu. Le coût total de ces mesures pourrait dépasser les 100 milliards de livres (dont 45 milliards de livres sur cinq ans pour les seules baisses d’impôts2).
1 https://www.economie.gouv.fr/projet-loi-de-finances-2023-plf#
2 The New York Times, « U.K. Government Goes Full Tilt on Tax Cuts and Free-Market Economics », 23 septembre 2022
🢩 Les marchés financiers ont mal réagi à cette annonce. La livre sterling a plongé à un plus bas historique, et les taux souverains ont brutalement augmenté. Qu’ils aient raison ou tort, les marchés indiquent qu’ils commencent désormais à douter de la solidité des finances publiques britanniques. Premièrement, des baisses d’impôts sont plutôt de nature à attirer des capitaux, donc à soutenir le change. Deuxièmement, des déficits publics élevés laissent plutôt anticiper une hausse des taux d’intérêt de la banque centrale pour freiner l’inflation résultant de l’impulsion budgétaire ce qui, normalement, doit également soutenir la monnaie3. La réaction des marchés est celle qui accompagne d’ordinaire les annonces de creusement du déficit public dans les pays en développement aux finances publiques fragiles, comme l’Argentine. Dans ces pays, un déficit plus élevé est synonyme de risque de défaut souverain, incitant les investisseurs à retirer leurs capitaux du pays, provoquant une dépréciation de la monnaie nationale. Les baisses d’impôts décidées par Liz Truss, qui ne semblent pas répondre aux priorités du moment (inflation, crise énergétique), semblent donc avoir écorné la crédibilité du Trésor britannique.