lun. Déc 30th, 2024

Nous ne savons pas, à ce stade, si les Etats-Unis sont engagés sur la voie de la  réindustrialisation. Les chiffres de construction d’usines indiquent une explosion de  l’investissement industriel, porté par les programmes du président Biden (IRA, Inflation  Reduction Act). Mais les commandes de machines ne progressent plus et la production  industrielle stagne. Faut-il encore attendre avant que les usines en construction commencent  à produire ? Ou les entreprises ont elles surinvesti dans des projets coûteux parce que la  facture était largement à la charge du contribuable américain ? Il est encore trop tôt pour le  savoir, tant les signaux envoyés par l’industrie américaine sont contradictoires. 

1) Construction d’usines aux Etats-Unis : Une  hausse tirée par le secteur informatique électronique-électrique 

La politique de soutien à l’industrie du président Biden est, en termes de construction  d’usines, un succès.

En 2022 les Etats-Unis ont mis en place la loi sur la réduction de  l’inflation (Inflation Reduction Act, abrégée en « IRA ») qui, en dépit de son nom, vise  principalement à subventionner les entreprises qui investissent dans la transition énergétique  aux Etats-Unis, ainsi que le CHIPS1 Act dont l’objectif est de financer la recherche et la  fabrication de semi-conducteurs. Les montants engagés par le gouvernement américain  (subventions ou baisse de charges) atteindraient plusieurs centaines de milliards de dollars  sur les dix prochaines années, même si le coût exact n’est pas encore connu, puisqu’il  dépendra du nombre d’entreprises qui s’engageront dans des projets et donc qui auront droit  à des subventions2. D’après certaines estimations, le montant total des subventions pourrait  atteindre 1 200 milliards de dollars, soit près de trois fois le montant initialement prévu3. Le  succès semble en tout cas au rendez-vous, puisque les constructions industrielles aux Etats Unis ont triplé entre début 2021 et début 20244. Ce bond des constructions industrielles est  d’autant plus notable qu’il ne s’observe pas, ou dans des proportions nettement moindres,  dans les autres pays occidentaux5

La hausse des constructions industrielles s’explique uniquement par une envolée dans  le secteur informatique-électronique-électrique.

Les constructions industrielles sont  globalement stables dans l’ensemble des secteurs industriels aux Etats-Unis. L’exception est  le secteur informatique-électronique-électrique, qui a vu la valeur des constructions  industrielles multipliées par plus de dix en deux ans. Cette évolution est cohérente avec la  politique menée puisque l’IRA et le CHIPS Act ciblent les secteurs informatiques (semi conducteurs) et électriques (batteries ou éoliennes par exemple). 

  

1 CHIPS signifie « Creating Helpful Incentives to Produce Semiconductors » 

2 Paul Krumgan, The New York Times, « How to Think About Green Industrial Policy », 9 mai 2023 3 https://www.bloomberg.com/news/articles/2023-03-23/goldman-sees-biden-s-clean-energy-law-costing-us 1-2-trillion?sref=qzusa8bC#xj4y7vzkg 

4 Census bureau, https://www.census.gov/construction/c30/historical_data.html 

5 https://home.treasury.gov/news/featured-stories/unpacking-the-boom-in-us-construction-of-manufacturing facilities#:~:text=The%20United%20States%20has%20experienced,of%202021%20(Figure%201). 

 

2) Commandes de machines : une hausse poussive 

Les commandes de machines industrielles stagnent depuis 2022. Les commandes de  machines par les entreprises industrielles ont fortement augmenté en sortie de crise sanitaire  (même si une partie de cette hausse s’explique par l’inflation, les données étant en valeur),  mais stagnent depuis deux ans environ. Elles sont même très légèrement reparties à la baisse  fin 2023 et en janvier 2024. Cette évolution envoie un signal différent de l’explosion des  constructions d’usines constatée précédemment. Il semblerait que les investissements réalisés  se concentrent exclusivement sur le secteur très spécifique de l’électronique/informatique et  que ce type d’usines ne requiert pas d’investissements importants en machines. 

3) Production industrielle : Stagnation depuis  deux ans 

La production industrielle américaine est très poussive. Après un rebond en sortie de crise  sanitaire, l’indice de production industrielle américaine a atteint un point en octobre 2022,  puis a très légèrement baissé jusqu’en janvier 2024. A ce stade, l’envolée des constructions  industrielles ne se constate pas du tout dans les volumes produits. 

4) Réindustrialisation américaine : plusieurs  scénarios envisageables 

Il est difficile, à ce stade, de savoir si les Etats-Unis sont réellement sur une trajectoire  de réindustrialisation. Selon un scénario optimiste, il faut encore du temps pour que les  usines en construction démarrent leur production. Selon un scénario pessimiste, les  entreprises ont surinvesti dans des projets coûteux du fait de subventions généreuses. Il faudra  encore attendre quelques années pour savoir avec certitude si les Etats-Unis ont, ou non,  enclenché un processus de réindustrialisation.  

– Les investissements réalisés prennent du temps pour démarrer leur production. La  construction d’usines concerne principalement le secteur électrique/informatique  (gigafactories de batteries, usines de semi-conducteurs) qui prennent du temps à être  finalisées. C’est pourquoi la hausse de la valeur des constructions industrielles, démarrée il  y a environ deux ans (un peu avant le vote de l’IRA), ne se constaterait pas encore dans les  chiffres de la production industrielle. La réindustrialisation américaine serait en marche,  mais il serait trop tôt pour constater une hausse de la production. 

Les gigantesques aides publiques auraient conduit les entreprises à investir dans des  projets coûteux et surdimensionnés. Le panorama global des chiffres concernant  l’industrie américaine interpelle : les données sur l’investissement envoient des signaux  contradictoires et la production stagne. Il n’est pas exclu que les entreprises, du fait des  aides colossales de l’Etat américain, aient surinvesti dans des projets coûteux, puisque les  risques financiers sont très largement à la charge du contribuable. Dans ce cas, la  

réindustrialisation américaine se solderait par un échec et un creusement de la dette  publique. 

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