Par Jacques de Panisse, Gérant
Deux tendances affectent les principales économies mondiales. Le recul marqué de l’inflation et un ralentissement d’activité que vient de confirmer le coup de frein révélé par les dernières statistiques américaines. Les marchés financiers ont anticipé ce retournement de conjoncture au cours de l’été, sanctionnant les secteurs à forte croissance et se positionnant en faveur de sociétés aux modèles plus résilients, mieux adaptés à des vents moins porteurs.
La combinaison « essoufflement économique et réduction de l’inflation » conduit les marchés à espérer des interventions notables des banques centrales. La FED devrait annoncer prochainement une série de baisses des taux directeurs. La BCE (la banque centrale Européenne), pourrait dès lors faire de même, sans craindre une dépréciation de l’Euro. Jusqu’à maintenant, le niveau des taux d’intérêt était le plus souvent le reflet d’une activité économique plus ou moins soutenue. La hausse des taux courts venait freiner une tendance euphorique jugée excessive, tandis qu’une baisse s’efforçait de stimuler une activité économique qui semblait fléchir.
Un nouveau paramètre pourrait prochainement interférer dans l’équation : la dette L’endettement gigantesque qui s’accumule depuis des décennies, la pratique qui permet de se limiter au seul paiement des intérêts et de « rouler » la dette parvenue à échéance, l’inévitable accroissement des déficits budgétaires du fait du coût social d’une population vieillissante et des investissements colossaux exigés par la transition énergétique, en un mot, ce passif immense pourrait prochainement modifier l’équilibre entre les facteurs.
Dans ces conditions, les baisses de taux directeurs de la FED parviendront-elles à relancer l’activité ou seront-elles insuffisantes ?
Les banques centrales ne peuvent agir que sur les taux courts, or ce sont les taux longs, tributaires des marchés, qui ont un rôle prépondérant sur l’économie. Les deux catégories de taux ont des comportements souvent liés, mais rien ne les y oblige et lorsque les orientations divergent, la situation se complique et la visibilité se dégrade. Jusqu’à maintenant l’abondance d’épargne a toujours offert le beau rôle aux émetteurs de dette qui parvenaient, en raison de la concurrence chez les acheteurs, à faire baisser la rémunération du souscripteur. Cette position favorable pourrait être progressivement remise en cause, au bénéfice d’une épargne de plus en plus rare et au détriment d’émetteurs insatiables toujours plus nombreux.
Cette nouvelle règle du jeu favoriserait une tendance ascendante des taux longs qui viendrait dramatiquement compliquer l’équation des pays surendettés. Une tendance haussière des taux longs serait à la fois un handicap pour les entreprises qui veulent investir, pour les États qui doivent assumer la charge d’une dette pléthorique et pour les marchés d’actions qui se verront délaissés au profit de placements de taux plus rémunérateurs et moins risqués.
Bien sûr, les banques centrales s’efforceraient de contrebalancer ce déséquilibre structurel – notamment par une création monétaire plus ou moins visible – mais les marchés prendraient conscience des conséquences d’un endettement excessif – qui pour l’instant laisse indifférents presque tous les acteurs – et sanctionneraient les devises des pays fautifs. L’influence grandissante de l’endettement devrait nourrir l’analyse macro-économique. Sans doute faudra-t-il également l’intégrer à la réflexion micro-économique et la prendre en compte dans la sélection des titres.
Dans l’immédiat, la baisse des taux directeurs rétablira aux États-Unis une saine pentification de la courbe des taux mais il est probable que les marchés financiers ont anticipé l’essentiel des bienfaits de cette baisse sur la santé des entreprises. Après une réaction positive il est vraisemblable que les indices retrouveront des niveaux corrélés aux craintes d’une récession ; le traitement ne saurait remettre en cause le diagnostic !