ven. Avr 19th, 2024

Par David El Nouchi, cofondateur de ClubFunding,

et Emilie Avot, Directrice Conseil Immobilier chez Deloitte France

Alors que les promoteurs immobiliers connaissent une période d’érosion de leurs marges, le crowdfunding est de plus en plus perçu comme une solution de financement viable pour compléter leurs fonds propres.

La particularité du financement d’une opération immobilière réside dans ses trois sources : les fonds propres, les lignes de crédits bancaires et le produit des ventes en état futur d’achèvement. En vue d’obtenir un accord d’une banque pour un financement, les fonds propres du promoteur, issus souvent des marges réalisées sur de précédentes opérations, doivent représenter 20 % du montant de l’opération en question. L’obtention du prêt bancaire est également conditionnée par un certain niveau de pré-commercialisation des lots : 40 % de l’opération pour un grand acteur du secteur, et jusqu’à 60 % pour un promoteur qui débute. Cette phase implique donc un travail important de marketing et de communication en amont, pour convaincre les futurs acquéreurs de réserver des lots et ainsi réunir les conditions favorables pour demander un financement. C’est seulement à ce moment-là que les banques examinent le dossier, et présentent une offre de prêt adapté au rythme de l’opération.

Pour ensuite convaincre l’établissement bancaire, le promoteur se doit d’avoir un business plan bien ficelé, contenant toutes les informations destinées à rassurer la banque : rythme des ventes, durée et coût de la construction, etc. La règle dans la promotion immobilière ? Un financement = un programme. Et à chaque nouveau programme, en fonction de la taille du promoteur, sa nouvelle demande de financement auprès de la banque. Cette dernière fournit certes une ligne de crédit mais surtout une garantie financière d’achèvement des travaux, qui certifie auprès des futurs acquéreurs qu’en cas de défaillance du promoteur, son immeuble sera achevé.

 

Le crowdfunding à la rescousse

C’est là que le crowdfunding devient intéressant, surtout dans une situation de croissance et de besoin de fonds propres pour financer en parallèle le lancement de plusieurs opérations. S’il ne remplace pas la banque, le financement participatif peut compléter des fonds propres insuffisants, surtout pour les petits et moyens promoteurs, ou pour ceux qui souhaitent accélérer leur croissance. Et même si le crowdfunding a des taux d’intérêt supérieurs à ceux de la banque, il permet aux professionnels de garder leur indépendance. Généralement, un promoteur avec des fonds propres insuffisants se tourne vers un autre promoteur, ayant une surface financière plus importante, pour réaliser ensemble l’opération : on parle alors de co-promotion. Or collecter des fonds via le crowdfunding est une alternative bien plus rentable que de partager la marge avec le co-promoteur in fine.

 

A en croire le contexte actuel, cette solution alternative est aujourd’hui devenue plus que nécessaire : avec la hausse des coûts de la construction et du foncier (surtout en Île-de-France) et l’allongement de la durée de vie d’une opération, les marges des promoteurs s’amenuisent. En quelques années, ils ont perdu 4 points de marge, passant de 12 à 8 %, soit autant de fonds propres en moins pour accélérer le développement et lancer de nouvelles opérations. Par ailleurs, le contexte règlementaire bancaire, de plus en plus contraignant, incite les banques à être de plus en plus exigeantes vis à vis des futurs acquéreurs, rallongeant ainsi le délai de commercialisation et donc de l’opération. En parallèle, les bailleurs sociaux ont anticipé une baisse de leurs financements avec l’arrivée de la loi ELAN et ont donc limité leurs acquisitions auprès des promoteurs, ce qui a allongé le délai de commercialisation et rendu plus difficile l’atteinte des objectifs de pré-commercialisation pour les promoteurs.

 

Le financement participatif immobilier, une « niche » qui ne demande qu’à exploser

Si depuis 2012, date des débuts du crowdfunding en France, 600 opérations de promotion immobilière ont été financées par ce biais, le secteur a encore un énorme potentiel d’évolution. En 2016, sur les 39,2 milliards d’euros de chiffre d’affaires de la promotion immobilière, seuls 64 millions ont été collectés par crowdfunding, soit 0,2 % : les plateformes ont ainsi un vaste champ d’opportunités devant elles ! Depuis 2014, les réglementations successives ont incité les acteurs de la finance participative à « se professionnaliser », créant un cadre rassurant pour les investisseurs. Pour preuve, les plateformes mettent en place des process plus sélectifs et les taux de défaut de paiement baissent considérablement.

Par ailleurs, la France gagnerait à s’inspirer de l’Allemagne et du Royaume-Uni : deux marchés matures sur la finance participative qui ont su réguler le secteur. Nos voisins britanniques ont même ouvert le crowdfunding aux projets dans l’ancien, alors qu’en France la réglementation la limite aux projets dans le neuf. Si de nouveaux acteurs font leur apparition dans l’Hexagone, marchands de biens et aménageurs fonciers pour la plupart, les projets restent pour l’instant surtout cantonnés à l’immobilier résidentiel (70 %). Le résidentiel reste le segment où le crowdfunding serait plus à même de se développer dans les prochaines années. Avec des opérations comprises entre 5 et 10 millions d’euros, la partie fonds propres ne représente que 2 millions maximum, des sommes rapides à collecter en crowdfunding. Le particulier qui répond à cette collecte est plus confiant sur des opérations de logements car il a le sentiment de connaitre le sujet, contrairement à du bureau ou du centre commercial. Le crowdfunding lui permet aussi de diversifier ses placements sur des produits avec une rentabilité intéressante. C’est donc une situation gagnant-gagnant pour l’investisseur et le promoteur. L’avenir est là !

 

 

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