« Fed : les incertitudes sur l’environnement économique plaident pour une politique monétaire prudente »
L’audition de J. Powell devant le Sénat est sans ambiguïté sur le diagnostic de l’économie américaine. Les progrès sur l’inflation ont été « considérables » depuis un an : l’inflation a décéléré, les tensions sur le marché du travail ont diminué et les risques inflationnistes sont plus équilibrés. La question de remonter les taux directeurs ne se pose plus. J. Powell confirme qu’il serait « approprié de commencer à assouplir les conditions monétaires à un moment donné dans l’année ». Dès lors, les seules questions qui se posent sur la conduite de la politique monétaire sont : quand ? à quel rythme ? et quelle enveloppe ?
Lors de cette audition, J. Powell n’y répond pas volontairement pour se laisser des marges de manœuvre. Toutefois, les récentes interventions des membres de la Fed donnent des éléments de réponse. Les banquiers centraux américains s’interrogent de plus en plus sur la productivité, sur le niveau du taux directeur neutre ou encore, sur le taux de chômage d’équilibre. Pour notre part, nous nous sommes prononcés sur l’équilibre monétaire depuis longtemps. Nous pensons que les transitions économiques (géopolitique, environnementale et digitale) justifient un nouveau cycle d’investissement qui provoque un choc positif de productivité et une remontée du taux d’intérêt d’équilibre. Les banquiers centraux ne se prononcent pas clairement sur la valeur de ces paramètres. Toutefois, en reconnaissant qu’ils s’interrogent sur la valeur du taux neutre (r* dit r-star) et du taux de chômage d’équilibre (appelé NAIRU), cela comporte en soi des implications très importantes sur la conduite de la politique monétaire.
Justement, J. Powell avait évoqué ce sujet dans un discours de 2018 (« Monetary Policy in a Changing Economy », https://www.federalreserve.gov/newsevents/speech/powell20180824a.htm). Plus l’incertitude est élevée, plus la banque centrale doit retenir une approche prudente, en « gestion des risques » (risk management). En nous appuyant sur ce discours et sur les travaux académiques cités (notamment ceux de Taylor & Williams, 2011), nous en déduisons 3 leçons pour la conduite de la politique monétaire : 1) ne pas agir trop rapidement, 2) ne pas ajuster trop souvent et 3) privilégier une politique de « petits pas ». Ces principes doivent permettre de ne pas ajouter de la volatilité quand il y a déjà de l’incertitude.
Cette approche de la politique monétaire en gestion des risques nous conforte dans notre scénario prudent : seulement 50pdb de baisse du taux directeur en 2024, et seulement 50pdb de baisses en 2025, ce qui conduit à un atterrissage des Fed Funds à 4.5% à fin 2025 (cf. graphique).
Source : Groupama AM
Christophe Morel, Chef économiste de Groupama Asset Management