Depuis une vingtaine d’années et surtout depuis la crise financière, la zone euro a une croissance inférieure aux Etats-Unis. De 2002 à 2022, le PIB a augmenté de 50 % aux Etats-Unis, contre 28 % au sein de la zone euro. De multiples facteurs cumulatifs expliquent cet écart. L’Europe n’est pas à l’origine de la révolution digitale et en paie durement les conséquences. Malgré les progrès de la coopération économique, l’Europe reste fragmentée et ne peut pas compter sur un marché financier unifié. Sa dépendance énergétique ainsi qu’un rapport compliqué de la population au progrès la pénalisent.
Le déficit d’investissement
L’écart de croissance en défaveur de l’Europe s’explique par un déficit persistant en matière d’investissement public comme privé. De 2002 à 2022, selon les années, l’investissement public est supérieur de 0,2 à 0,8 point de PIB, sachant que l’Europe se caractérise par un niveau plus élevé de dépenses publiques et par un interventionnisme réputé plus important. De même l’investissement total des entreprises a été sur la même période toujours plus élevé aux Etats-Unis qu’au sein de la zone euro. Depuis quatre ans, l’Europe privilégie la consommation à travers une politique de soutien quand les Etats-Unis pratiquent une politique d’offre. De 2019 à 2022, la consommation est stable à 68 % du PIB aux Etats-Unis quand elle est passée de 52 à 54 % du PIB en zone euro.
Le déficit de recherche
Le déficit est encore plus marqué en matière de recherche et développement. De 2002 à 2021, les dépenses totales de R&D passent de 2,5 à 3,5 % du PIB aux Etats-Unis et de 1,8 à 2,4 % pour la zone euro. Cette dernière consacre une part moins importante de son PIB aux dépenses d’éducation : 5,5 %, contre 7 % aux Etats-Unis. En ajoutant le déficit des dépenses d’investissement, de recherche et développement et d’éducation, l’écart entre les Etats-Unis et la zone euro atteint entre 4 et 5 points annuellement lors de ces trois dernières décennies.
Le déficit de gains de productivité
La croissance plus importante outre-Atlantique est également la conséquence de gains de productivité plus élevés. En zone euro, ces derniers sont orientés à la baisse en raison de la baisse de la durée du travail. L’écart en matière de productivité par tête atteint 8 points de 2019 à 2022. Sur cette période, le temps de travail s’est contractée de plus de 5 % en Europe quand il est resté étal aux Etats-Unis. Depuis quelques années, la zone euro a fait le choix collectif d’utiliser les gains de productivité horaire pour réduire la durée effective du travail. La production stagne en Europe quand le nombre d’emplois augmente. Le déclin de l’industrie et l’essor des services domestiques expliquent cette évolution, des emplois à forte productivité sont remplacés par des emplois à faible productivité.
Par ailleurs, même si ce phénomène est constaté aux Etats-Unis, de plus en plus d’actifs en Europe refusent les emplois pénibles ou à horaires décalés. Les entreprises sont bien souvent contraintes de recruter deux personnes sur un poste quand avant 2019, une seule suffisait. A la différence des Etats-Unis, la zone euro ne peut guère compter sur l’immigration pour compenser le déficit de main d’œuvre. Par ailleurs, l’automatisation prend plus de temps sur le Vieux continent qu’en Amérique pour des raisons sociologiques.
Le déficit énergétique
L’Europe est dépendante de l’extérieur pour les hydrocarbures quand les Etats-Unis sont exportateurs nets. L’Europe avec la guerre en Ukraine subit un prélèvement de deux points de PIB que ne connaissent pas les Etats-Unis.
Le déficit démographique
Le déclin démographique de l’Europe obère sa croissance. Moins d’actifs et moins d’heures de travail, avec des gains de productivité faibles voire nulles, ne peuvent qu’amener à une décroissance. Cette combinaison intervient dans une période marquée par un fort besoin d’investissement en lien avec la transition énergétique.
Cette dernière exige logiquement une augmentation des capacités de production. Le comblement de l’écart de croissance avec les Etats-Unis suppose pour l’Europe des changements importants au niveau économique avec la nécessité d’accroître la taille de la population et d’augmenter l’effort d’investissement. La mise en place d’un vaste marché financier et de politiques communautaires structurantes concernant par exemple l’innovation et la transition énergétique, constitue également une priorité.