Alors qu’un « buy the dip » agressif s’est mis en place depuis des semaines sur les marchés, la trajectoire incertaine de l’économie américaine pourrait tempérer les ardeurs dans les mois qui viennent.
Il semble important de rappeler la contraction du PIB américain au premier trimestre. Même si elle est très largement due aux déséquilibres de la balance commerciale, avec des importations massives en anticipations de la mise en place des taxes douanières, elle ouvre tout de même un volet d’incertitude pour les mois à venir. Car les importations ne sont pas les seules responsables de cette contraction, les coupes budgétaires menées par l’administration Trump ont également contribué à ce repli du PIB. Un repli de la croissance au premier trimestre qui a été limité grâce aux investissements et à la consommation. Et c’est justement ces deux derniers éléments du PIB qui seront difficiles à anticiper dans un contexte où l’incertitude sur le niveau final des tarifs reste forte malgré la désescalade observée il y a quelques jours avec la Chine. Sachant également que les coupes budgétaires devraient se poursuivre aux Etats-Unis dans les mois qui viennent. L’attitude des consommateurs, comme souvent, sera déterminante pour la croissance. Mais les indices de confiance se sont affaissés ces derniers mois avec comme motif principal les craintes sur l’évolution des prix, dans ce contexte de fortes tensions commerciales. Il s’agit même d’une situation générale aux Etats-Unis qui est assez inhabituelle : la plupart des indicateurs « soft » (enquêtes auprès des ménages, des entreprises, etc…) sont en net repli alors que les indicateurs « hard » (données économiques réelles) se sont globalement bien maintenus ces derniers mois, malgré le repli du PIB. Avec la question qui vaut cher : est-ce que les données économiques vont se dégrader et rejoindre les données « soft », ou est-ce que les enquêtes vont montrer une amélioration dans les mois qui viennent ? Il est tout à fait possible que le choc de confiance généré par l’annonce des tarifs ait des implications économiques aux Etats-Unis pendant quelques mois, aussi bien chez les consommateurs que chez les entreprises. Car malgré la « détente » des tarifs intervenue après le week-end de négociation à Genève, le taux effectif des taxes douanières aux Etats-Unis évolue toujours aux alentours de 15%, c’est-à-dire un taux 4 à 5 fois plus élevé qu’avant les annonces de Donald Trump. L’impôt indirect que représentent ces taxes douanières se montent actuellement à plusieurs centaines de milliards de dollars par an, soit plusieurs milliers de dollars supplémentaires par foyer américain. Difficile de concevoir que cela puisse favoriser la consommation dans les mois à venir, alors que les coupes budgétaires se poursuivent et que les taux restent élevés aux Etats-Unis. Les éventuelles baisses d’impôt et la dérégulation n’arriveront que plus tard. Les taux des obligations gouvernementales qui restent élevés, cela signifie des coûts de crédit immobilier et consommation qui restent élevés… Il est évidemment impossible de prévoir une récession économique, mais un coup de frein économique semble plus que probable aux Etats-Unis cette année. Et pour l’instant la Réserve Fédérale ne peut rien faire, Jerome Powell a expliqué à plusieurs reprise ces derniers mois le risque de « tension » sur le double mandat de l’institution qui se traduirait par une hausse du chômage en même temps qu’un rebond de l’inflation. La Fed n’a d’autres choix pour l’instant que d’attendre pour mesurer les effets des politiques commerciales sur l’inflation. Le niveau élevé des taux américains est le résultat de la guerre commerciale lancée par Trump, provoquant une forme de méfiance de la part de investisseurs sur les obligations américaines et le dollar, mais également le résultat du statu quo de la Fed qui ne dispose pas de la visibilité suffisante pour ajuster le niveau des taux. Dans cet environnement, on peut légitimement s’étonner de la forte rechute du VIX, indice de volatilité du SP500, qui est passé de 60 à 17 en quelques semaines seulement. Alors que, par exemple, Walmart a indiqué cette semaine que « la magnitude et la rapidité avec lesquelles ces prix nous parviennent sont sans précédent dans l’histoire » et que les hausses de prix pourraient être répercutées en magasin dès la fin du mois… Dans cet environnement, les marchés actions européens pourraient continuer à tirer leur épingle du jeu, ils surperforment de 9% les marchés américains depuis le début de l’année. Les nombreuses baisses de taux de la BCE, les taux souverains moins élevés, le bazooka budgétaire allemand, et la stabilité perçue de la zone euro par rapport aux changements brutaux de politiques (budgétaire et commerciale) aux Etats-Unis devraient entretenir la rotation observées ces derniers mois des actifs américains vers les actifs européens. Les marchés actions japonais et chinois devraient aussi profiter de l’imprévisibilité de la politique américaine. Même si cette rotation devrait se poursuivre, difficile d’imaginer que la volatilité sur les marchés actions mondiaux soit définitivement retombée dans un tel contexte. |
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Alexandre Baradez, responsable de l’analyse marchés chez IG France |
