jeu. Avr 24th, 2025

L’escalade des tarifs douaniers entre la Chine et les États-Unis, ravivant ainsi les tensions commerciales entre les deux plus grandes puissances mondiales, pourrait, dans une certaine mesure, créer des opportunités pour l’Union Européenne.

Tout d’abord, pour contourner les droits de douane, des entreprises chinoises ou américaines devraient choisir d’externaliser ou relocaliser une partie de leur production en Europe, ou y établir des filiales. Produire localement va constituer une stratégie non seulement économique, mais aussi politique.

L’Europe devrait pouvoir émerger comme une plateforme industrielle alternative, à la fois proche des grands marchés consommateurs (UE, Moyen-Orient, Afrique), politiquement plus stable, et dotée d’infrastructures industrielles et logistiques avancées.

Opportunités pour l’automobile européenne

Confrontés à des droits de douane plus élevés sur leurs véhicules aux États-Unis, certains constructeurs automobiles chinois cherchent actuellement d’autres débouchés dont l’Europe. Par exemple, le premier constructeur automobile chinois, BYD, vient de lancer un projet d’usine en Hongrie pour servir le marché européen sans passer par des droits d’importation. D’autres grands groupes chinois comme CATL ou Nio choisissent d’installer des usines ou centres logistiques en Europe avec comme objectif de contourner les droits de douane européens imposés aux produits « made in China » et se rapprocher des clients européens.

À l’inverse, les constructeurs américains pénalisés en Chine peuvent perdre des parts de marché, ouvrant ainsi une brèche pour les marques européennes, notamment allemandes (BMW, Mercedes, Audi), très populaires en Chine. Les marques européennes bénéficient de leur image de neutralité politique, un atout en Chine où les tensions géopolitiques influencent parfois les choix de consommation.

Les véhicules haut de gamme européens (Porsche, BMW, Audi) restent des références mondiales. L’essor de l’électrique, soutenu par des normes strictes en Europe, donne un avantage technologique à des groupes comme Volkswagen ou Renault, qui peuvent se positionner comme partenaires ou fournisseurs attractifs dans un contexte de chaînes d’approvisionnement redessinées.

Le luxe européen pourrait profiter de la rivalité sino-américaine

En période de tensions, les consommateurs chinois fortunés peuvent éviter les marques américaines (par patriotisme ou incitation politique). Par conséquent, les marques européennes, françaises, italiennes ou suisses bénéficient d’une image de “neutralité” géopolitique, qui pourrait jouer en leur faveur.

Des marques comme Hermès, Dior, Chanel, Rolex ou Ferrari sont perçues comme des symboles d’élégance sans enjeu politique. Si la Chine impose des droits de douane supplémentaires sur certains produits de luxe américains (Michael Kors, Coach, Tiffany…), cela les rendra moins compétitifs. Les marques européennes peuvent ainsi gagner des parts de marché sans avoir à baisser leurs prix ou changer leur positionnement.

Le recul potentiel des marques américaines ouvre un espace stratégique dans des villes de seconde et troisième zones en Chine, où le luxe européen est encore en phase de croissance.

Certaines maisons renforcent leurs investissements locaux en Chine (flagships, pop-ups, partenariats culturels).

Face à l’instabilité entre les deux superpuissances, l’Europe peut apparaître comme un pôle de stabilité culturelle et commerciale, ce qui rehausse son attractivité à l’international. Cela peut aussi booster la croissance des ventes dans les marchés émergents (Inde, Asie du Sud-Est, Moyen-Orient), qui observent avec attention les marques en vogue en Chine.

L’Europe peut se positionner comme une alternative de coopération commerciale plus stable, ce qui pourrait renforcer son attractivité pour les entreprises cherchant un environnement réglementaire plus prévisible.

Dans un contexte de guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, les consommateurs (notamment chinois ou américains) pourraient chercher des produits perçus comme neutres politiquement et de haute qualité.

Commentaire d’Antoine Fraysse-Soulier, responsable de l’analyse de marchés chez eToro

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