Baromètre des levées de fonds In Extenso Innovation Croissance (une publication signée de son espace collaboratif In Lab), ESSEC Business School et France Angels – Bilan de l’année 2024.
En 2024, la contraction du marché du capital-risque s’est poursuivie pour la deuxième année consécutive par rapport à l’année record 2022 (13,6 Md€), impactant les start-ups de la Tech française. Les 822 opérations réalisées ont permis aux start-ups tricolores de collecter 8,1 Md€, des levées en baisse de 10% en valeur et de 18% en volume par rapport à 2023, où les montants financés avaient atteint 9 Md€. Les montants captés par la French Tech restent cependant à un niveau largement supérieur à celui enregistré avant la pandémie (4,7 Md€), reflétant la résilience et le dynamisme de l’écosystème entrepreneurial français, dans un contexte politique et économique très incertain. Malgré ce recul, le ticket moyen en France a progressé de 14%, s’établissant à 11,4 M€, en raison d’une poignée de méga-levées remarquables. Les fonds américains et asiatiques demeurent actifs dans le financement de la French Tech, en quête de nouvelles pépites.
Les trois secteurs les plus financés en 2024 sont le logiciel/software, avec une hausse de 34% de montants captés par rapport à 2023 notamment grâce à un engouement pour l’intelligence artificielle (IA) ; l’énergie/Cleantech, malgré une baisse de 40% en valeur dans un contexte de ralentissement plus prononcé au second semestre 2024 ; et la fintech, qui revient sur le devant de la scène avec une augmentation de 57% des financements. Comme en 2023, les financements à destination des entreprises en stade d’amorçage (<2 M€) ont drainé plus de 40% des opérations totales de l’année, soulignant la confiance des investisseurs dans les projets innovants portés par les jeunes pousses.
En Europe, le ralentissement du marché en valeur entre dans sa troisième année consécutive. Cependant, la diminution de 8% enregistrée en 2024 par rapport à 2023 est moins prononcée que la tendance baissière observée depuis 2021. La France conserve sa deuxième place dans le classement européen des pays ayant levé le plus de fonds, après la Grande Bretagne, mais toujours devant l’Allemagne.
Chiffres clés et faits marquants en France en 2024
La French Tech a enregistré un total de 12 méga-levées dépassant 100 M€ en 2024 (un nombre stable par rapport aux 13 méga-levées de 2023, mais très inférieur aux 28 méga-levées de 2022), représentant 35% des montants captés sur l’année. Ces opérations majeures reflètent une concentration d’investissements significatifs, notamment dans les domaines très prometteurs comme l’IA, la Cleantech et la Spacetech.
15 opérations d’un montant entre 50 et 100 M€ complètent le paysage des méga-levées (soit 10% des montants captés en 2024), dans des secteurs plus diversifiés tels que la cybersécurité, le marketing, la finance ou encore la santé.
Dans le détail des stades les plus financés, l’amorçage (levées inférieures à 2 M€) continue à afficher une belle dynamique. En effet, un léger rebond de 7 points entre le premier et le second semestre 2024 a été constaté, permettant aux jeunes pousses de capter une part de 42% du flux d’opérations sur l’année. A noter par ailleurs, que les start-ups ayant moins de 2 ans d’existence sont parvenues à capter 18% des montants totaux levés en France, un chiffre en progression de 5 points comparativement à l’année 2023.
Chiffres clés en Europe et comparatif des pays en 2024
Podium sectoriel : le retour en force des secteurs historiques
Les secteurs privilégiés, à savoir les logiciels avec notamment l’IA, ainsi que la transition écologique, témoignent de la très forte sélectivité des investisseurs pour projets stratégiques pour l’avenir et porteurs de sens.
2024 a confirmé la robustesse de la Deeptech française, grâce à la montée en puissance de nouvelles pépites en IA. Le volume d’opérations progresse de près de 6% au global, et l’IA représente plus de 45% du nombre d’opérations de la Deeptech. Les start-ups Deeptech ont ainsi capté plus de 42% des montants levés en France, malgré une diminution de 24% des montants levés par rapport à 2023. Bpifrance soutient largement la Deeptech française, apportant sa contribution dans près de 17% des opérations. Un engouement confirmé pour l’Intelligence Artificielle
Les opérations à destination de start-ups développant ou utilisant des technologies d’IA affichent une réelle effervescence cette année, avec plus de 133 deals recensés, représentant une hausse de 58% comparativement à l’année 2023. Les montants totaux levés ont quant à eux doublé (+113%), atteignant plus de 2 Md€, soit un quart du financement global annuel en France. Une telle performance témoigne de l’attractivité croissante pour l’IA tant à l’échelle française qu’européenne (+ 95% d’opérations en volume et 81% en valeur comparativement à 2023) et la volonté de miser sur des technologies avancées pour renforcer la compétitivité à l’échelle internationale.
En complément des méga-tours réalisés par Poolside AI, Mistral AI, Akur8, H Company, ChapsVision, Zama, Photoroom et Flexai ; OpenAirlines, Aqemia, Quantev et Jus Mundi attirent également les investisseurs ce semestre :
Le décollage de la Spacetech
La Spacetech explose, passant de 0 levée en 2020 et 2021 à une petite vingtaine en 2024. Ce secteur dynamise ainsi la Deeptech, avec plus 325 M€ de montants levés en 2024, en progression significative de 182% par rapport à 2023. A noter que le financement de la Spacetech sur les 5 dernières années totalise 465 M€, démontrant une récente montée en puissance des acteurs du New Space français. Les opérations majeures sont réalisées par :
L’écosystème français est solide et structuré, autour d’industriels donneurs d’ordre (Airbus, Thalès…), organismes de recherche (CNES), constituant un terreau favorable au développement de la filière sur des projets orientés optimisation de coûts, nanosatellites ou encore data (avec des projets en convergence avec la Tech et l’IA). Les financements publics structurants contribuent à rendre ce secteur attractif. A noter que la Spacetech a le potentiel de transformer certaines industries clés comme la défense (avec la montée en puissance d’un secteur DefenseTech), l’agriculture et les télécommunications.
Les fonds nord-américains renforcent leur présence dans l’écosystème français de l’innovation. Malgré un ralentissement en 2023 lié à une conjoncture macroéconomique tendue, ils montrent une reprise progressive et conservent un fort intérêt pour des investissements stratégiques. En effet, en 2024, ils ont été impliqués dans 17% des opérations réalisées, un chiffre presque doublé par rapport aux 9% de 2020, témoignant d’un engouement renforcé pour les pépites de la French Tech par les investisseurs outre-Atlantique. Cette montée en puissance s’est matérialisée par des participations dans des méga-levées emblématiques, telles que celles de Mistral AI, Poolside AI, Alan et The Exploration Company. En parallèle, les fonds asiatiques continuent de se positionner stratégiquement sur le marché français. Leurs interventions ont progressé de 50% ces 5 dernières années, traduisant une ambition croissante en faveur des start-ups françaises. Ils ont alterné entre des stratégies très offensives (2021-2022) et une phase de prudence en 2023. Cependant, la remontée des tickets moyens en 2024 laisse entrevoir une nouvelle phase d’expansion sélective, potentiellement guidée par des levées ciblées dans l’IA et l’espace.
Eclairages d’experts Sur le contexte français et international « La contraction globale du secteur du capital risque se poursuit sur 2024, dans la continuité de l’année précédente, aussi bien en montants levés qu’en nombre d’opérations, illustrant clairement une tendance de fond depuis deux ans. Pour autant la France conserve sa deuxième place sur le podium européen, témoignant d’une certaine résilience de la French Tech avec 8,1 Md€ (bien au-dessus des 4 Md€ avant la pandémie), portée par des secteurs spécifiques comme les logiciels (dopés par l’IA) et l’énergie/Cleantech, représentant à eux deux la moitié des investissements réalisés sur la période. Malgré une conjoncture politico-économique toujours aussi incertaine, le maintien de la dynamique des opérations d’amorçage ainsi que la constitution de nouveaux fonds de capital-risque sur la période apportent des perspectives positives pour 2025. » Nicolas FOREY, Président – Associé, In Extenso Innovation Croissance « Dans un contexte géopolitique tendu et face à une concurrence mondiale accrue, les enjeux de souveraineté technologique et économique de la France et de l’Europe ont pris une ampleur inédite. Les Deeptech, en particulier l’intelligence artificielle, et le secteur de la Cleantech sont au cœur de cette concurrence mondiale féroce. Dans le même temps, l’écosystème français de l’entrepreneuriat et de l’innovation subit une pression intense. Après une période d’euphorie, l’activité d’investissement est entrée dans une phase de ralentissement naturel, ce dont témoigne à nouveau le baromètre des levées de fonds. Il est donc impératif de revitaliser vigoureusement la chaîne de valeur de création et de financement des start-ups ainsi que de renforcer leur compétitivité afin d’éviter que ce trou d’air ne compromette les capacités d’innovation de l’économie française. » Nicolas LANDRIN, Executive Director, Center for Entrepreneurship & Innovation, ESSEC Business School « Le premier semestre était encourageant avec un maintien du niveau d’investissements de l’année précédente dans nos start-ups. En revanche le second semestre marque un tassement très net sans aller au « décrochage ». Nos investisseurs Business Angels se sont montrés plus prudents et plus sélectifs sur les premiers tours. Ils maintiennent leur soutien pour leurs participations lors des refinancements. Un signe plus préoccupant est la recrudescence des défaillances. » Jacques MELER, Co-Président de France Angels « Comme pour beaucoup, 2024 a été très contrastée avec un très bon premier semestre, et un second en retrait, malgré un fort nombre d’adhésions de nouveaux Business Angels, qui conduit à un nombre de 80 membres jamais atteint depuis la création de Capitole Angels. Au total une année en retrait sur les investissements, pour deux raisons principales :
2025 devrait donc démarrer avec une base solide… ! » Pierre CARLI, Président, Capitole Angels
« Après un premier semestre 2024 encourageant, le contexte de ce second semestre 2024 plutôt morose du financement a pour conséquence la recherche de la sécurisation du portefeuille pour les Business Angels investisseurs de proximité en AURA comme ailleurs. Ces derniers ont besoin de se projeter de façon claire et pragmatique, tant sur le développement de la société que dans les perspectives de sortie du capital proposées. Concrètement, cela se traduit par moins d’investissement dans des projets avec des visions de développement longues (ex : Medtech, Biotech) et des attentes plus fortes en termes de traction marché et donc de chiffre d’affaires mais également de gestion de la trésorerie par la société demandant à être accompagnée. » Philippe Rase, Président, Grenoble Angels
« Une année 2024 à deux visages. Un premier semestre complexe avec des start-ups rencontrant des difficultés à boucler leur opération de levée de fonds. Nous avons vu pas mal d’opérations qui ont dû effectuer plusieurs tranches d’investissement. Au second semestre, les levées de fond se bouclent enfin. On observe néanmoins une baisse de la qualité du deal flow et de nombreux porteurs de projet se tournent vers les Business Angels pour du financement en pre-seed ce qui est parfois délicat compte tenu de l’incertitude économique que nous traversons. Le réseau, ses membres et les partenaires restent plus que jamais soudés et présents pour soutenir les futurs pépites qui feront face aux enjeux de demain. » Christophe Baralotto, Président, Provence Angels
« Chez Epopée Gestion, acteur régional de l’Arc Atlantique, nous ressentons aussi les difficultés de l’investissement VC en ce moment : dealflow moindre en quantité et en qualité, difficulté à refinancer les entreprises en portefeuille, cession poussives. La machine semble s’être grippée. Aussi, nous nous recentrons sur nos fondamentaux : faire le dos rond sur les entreprises qui prennent plus de temps que prévu, mettre l’accent sur les entreprises qui marchent, passer encore plus de temps à aider chacune d’elles à se développer à son rythme grâce à notre équipe « Accélération ». Il est vrai que le fait d’être un acteur régional nous aide aussi : valorisations d’entrée moindres, plans de développement plus réalistes. » Laurent Dumas, Président, Epopée Gestion.* |
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« Les années 2021-2022 marquaient une période exceptionnelle, mais anormale en termes de deals et de valorisations, suivie d’une baisse significative en 2022. Le marché est désormais plus prudent et sélectif, avec des liquidités plus limitées, favorisant les entreprises de premier plan ou évoluant dans des thématiques très attractives, telles que l’IA ou la santé digitale, avec un recentrage sur le growth. » Rémi Spagnol, Directeur d’investissement, Supernova Invest |
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À propos d’In Extenso Innovation CroissanceIn Extenso Innovation Croissance conseille les organisations innovantes sur les grands défis de demain en apportant aux entreprises et aux acteurs publics la vision stratégique d’un partenaire capable de proposer et mettre en œuvre des recommandations scientifique, technique, stratégique, financière et fiscale en matière d’innovation durable. Le cabinet est spécialisé dans l’accompagnement des start-ups et des scale-ups pour les aider dans leur dynamique de croissance : levées de fonds, financement et transformation par l’innovation. Avec 120 consultants maitrisant les enjeux entrepreneuriaux et sectoriels de leurs clients, In Extenso Innovation Croissance bénéficie d’un maillage territorial fort, grâce à 6 implantations en région, assurant à la fois réactivité & connaissance parfaite des écosystèmes et réseaux de décideurs. |