mar. Déc 3rd, 2024

Si les Etats-Unis augmentent les droits de douane sur les produits européens, la meilleure réaction  est de ne rien faire. Avec la réélection de Donald Trump, il est probable que les Etats-Unis augmentent  les droits de douane sur l’ensemble de leurs importations, y compris européennes. Cette politique est  certes une mauvaise nouvelle pour l’Europe, mais réagir par des droits de douanes équivalents sur les  importations depuis les Etats-Unis est certainement une mauvaise idée. En effet, il ne faut pas oublier que  le taux de change va s’adapter et éroder le gain de compétitivité-prix pour l’industrie américaine que les  droits de douane sont sensés lui conférer.  

1) Droits de douane : Inefficaces pour combler le  déficit commercial et dynamiser l’industrie 

La proposition de Donald Trump de combler le déficit commercial américain et de dynamiser  l’industrie en augmentant les droits de douane n’est pas pertinente. Donald Trump propose de taxer  l’ensemble des importations américaines à hauteur de 10 % (voire 20 % selon certaines déclarations1) et  de porter à 60 % les droits de douane sur les importations chinoises, ce qui serait contre-productif. En  effet, il en résulterait une appréciation du dollar qui viendrait compenser l’effet de ces droits de douane et  une hausse des coûts pour l’industrie américaine.  

– Une hausse des droits de douane conduirait à une appréciation du dollar. L’idée de Donald Trump  semble évidente : en taxant les importations il donne un avantage à l’industrie américaine ce qui  permettrait, via une baisse des importations, de combler le déficit commercial au profit d’usines  américaines. Pourtant, une telle mesure pousserait le dollar à la hausse pour deux raisons principales : la  baisse des importations (à court terme) diminuerait la demande de devises étrangères de la part des Etats 

Unis, donc pousserait le reste des devises à la baisse par rapport au dollar2. De plus, la hausse des droits  de douane entraînerait une hausse des prix à la consommation (achats de produits importés plus cher ou  de produits fabriqués dans le pays à un prix plus élevé que les importations) qui conduirait la Fed à  augmenter ses taux, donc à rendre les placements en dollar plus attractifs. Cette appréciation du dollar  rendrait l’économie américaine moins compétitive, annulant l’effet positif attendu des droits de douane.  Ainsi, les droits de douane américains conduiraient vraisemblablement à une baisse des importations  mais aussi à une baisse des exportations des Etats-Unis, ce qui devrait laisser le solde commercial des  Etats-Unis relativement inchangé. 

– Les droits de douane ne devraient pas stimuler la production manufacturière aux Etats-Unis. Les  droits de douane proposés par Donald Trump renchériraient l’ensemble des composants importés par les  usines américaines, augmentant les coûts de production. En appréciant le dollar, ils réduiraient également  la compétitivité à l’exportation de l’industrie américaine. Enfin, le risque de mesures de rétorsion (même  si nous pensons qu’elles ne sont pas une bonne idée dans ce cas) fait peser une incertitude supplémentaire  sur la compétitivité à l’exportation de l’industrie américaine. 

 1 https://www.pbs.org/newshour/economy/trump-favors-huge-new-tariffs-how-do-they-work 

2 https://www.nytimes.com/2024/10/17/opinion/trump-tariffs-economy.html 

2) Réaction de l’Europe : Le mieux serait de ne rien  faire 

Les droits de douane américains seraient clairement une mauvaise nouvelle pour l’Europe. Même  s’il est peu probable que les droits de douane américains affectent sensiblement le solde commercial entre  l’Europe et les Etats-Unis (puisque l’évolution du change devrait compenser l’écart de compétitivité  impliqué par les droits de douane), ils entraîneront une hausse de l’incertitude et auront des impacts  différents selon les secteurs. Par exemple, certains secteurs voir leurs exportations baisser vers les Etats 

Unis et d’autres bénéficier d’une moindre compétitivité des produits américains sur le sol européen. De  plus, une appréciation du dollar entraînerait une hausse du prix du pétrole importé par l’Europe (libellé en  dollar). 

La meilleure réaction pour l’Europe est de ne rien faire. La tentation sera grande, si les Etats-Unis  augmentent leurs droits de douane, de faire de même, ne serait-ce que d’un point de vue politique, pour  montrer que l’Europe se « protège » face à une « agression » américaine. Mais ce n’est pas parce que  Donald Trump ferait une erreur de politique économique qu’il faudrait s’empresser de faire la même. Au  XIXème siècle, Frédéric Bastiat disait déjà « Ce n’est pas parce que les étrangers ont des côtes rocheuses  que nous devons mettre des rochers dans nos ports ». 

– Le coût des droits de douane américains seraient limités pour l’Europe s’il n’y a pas de hausse  similaire des droits de douane européens. L’Union européenne présente un excèdent commercial avec  les Etats-Unis3qui ne devrait pas disparaître du fait des droits de douane que pourrait imposer Donald  Trump. En effet, l’évolution du taux de change compenserait vraisemblablement la perte de  compétitivité induite par les droits de douane pour l’économie européenne. Le coût de ces droits de  douane, pour l’Europe, serait donc limité à des évolutions de compétitivité-prix différentes selon les  secteurs selon qu’ils exportent aux Etats-Unis (perte de compétitivité-prix) ou qu’ils soient en  compétition sur le marché européen avec des productions américaines (gain de compétitivité-prix). 

– Le coût des droits de douane américains seraient accrus pour l’Europe s’il y a avait une hausse  similaire des droits de douane européens. Si l’Europe accroît ses droits de douane en rétorsion de ceux  instaurés aux Etats-Unis, le solde commercial entre les deux régions resterait stable. Le taux de change  ne varierait pas, les Américains importeraient moins de produits Européens et les Européens moins de  produits Américains, laissant l’équilibre offre-demande de dollars et d’euros inchangé. Le problème  pour l’Europe est qu’elle augmenterait le prix des intrants que son industrie achète aux Etats-Unis, ce  qui réduirait sa compétitivité sur l’ensemble des marchés. Elle stimulerait également l’inflation en  Europe, du fait d’une hausse du prix des importations et d’une hausse du prix des produits qui se  substitueraient aux importations américaines (les produits américaines étaient moins chers puisqu’ils  étaient importés sans les droits de douane). Le but du commerce international étant d’acheter au meilleur  prix ce que les autres fabriquent avec un meilleur rapport qualité-prix (chaque pays se spécialisant dans  la production pour laquelle il est relativement le meilleur), les droits de douane réduisent cette  spécialisation et érodent l’efficacité globale de l’économie.  

Sylvain BERSINGER, chef économiste chez Asterès

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