jeu. Déc 5th, 2024

Ce 27 novembre, le taux d’intérêt sur les obligations d’État grec à 10 ans est passé endeçà de celui de la France. Une telle situation était impensable avant les élections européennes de juin dernier. À l’époque, il atteignait 50 points de base, voire plus. La crise politique qui a suivi les élections européennes en France, ainsi que les révélations sur le dérapage du déficit public, se sont traduites par une augmentation du taux des emprunts français, au point que ce dernier dépasse ceux de plusieurs pays surnommés les « PIIGS ». Cet acronyme désignait, dans les années 2010, les pays de l’Europe du Sud confrontés à la crise des dettes souveraines, tels que le Portugal, l’Italie, la Grèce et l’Espagne. La Grèce, alors au bord de la banqueroute, avait vu ses taux dépasser 10 %. Aujourd’hui, pour les obligations à échéance de 5 ans, ce pays emprunte à un taux inférieur à celui de la France.

 

Comme l’Espagne et le Portugal, la Grèce a réussi à assainir ses finances publiques grâce à un plan de rigueur sans précédent. En 2025, elle remboursera par anticipation 5 milliards d’euros d’obligations arrivant à échéance entre 2033 et 2042, preuve de la bonne santé financière du pays. Néanmoins, la qualité de la signature française demeure supérieure à celle de la Grèce. Le taux des CDS, ces produits dérivés permettant de se couvrir contre le risque de défaut d’un emprunteur, est deux fois plus élevé pour la Grèce que pour la France : respectivement 5 % et 2,6 %. Par ailleurs, le ratio dette publique sur PIB grec dépasse 152 %.

 

La dégradation de la qualité des obligations françaises par rapport à celles des pays d’Europe du Sud s’explique en partie par les volumes de dettes disponibles. La rareté des obligations espagnoles, portugaises ou grecques entraîne une diminution de leurs taux et une augmentation de leur valeur. Les pays du cœur de l’Europe, comme la France ou l’Allemagne, traversent actuellement une crise politique, ce qui joue en faveur des pays d’Europe du Sud. Les discussions en Allemagne concernant l’abandon du « frein à l’endettement public » contribuent également à la moindre attractivité de la dette allemande. Il n’en demeure pas moins que l’écart entre le taux des obligations françaises et allemandes s’est également accru ces derniers mois, passant de 50 à 80 points de base. En cas de crise budgétaire en France, cet écart pourrait atteindre 100 points de base.

 

Par Philippe Crevel

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