mar. Déc 3rd, 2024

Pour Christophe Bonno, directeur général de Maïsadour:

 Dans quelques jours seulement, la ratification de l’accord Mercosur pourrait être entérinée, menaçant gravement l’agriculture française et européenne, ainsi que nos engagements pour l’environnement. Cet accord, négocié depuis 1999 sans véritables contraintes en matière de protection environnementale, de respect social ou sanitaire, ouvre la porte à des importations massives de produits agricoles, dont le maïs et le soja, avec des droits de douane nuls ou réduits. Mais à quel prix ? Un modèle agricole aux antipodes de nos standards.

Alors que les agriculteurs européens, et notamment français, se plient à des exigences environnementales et sanitaires de plus en plus strictes, les produits importés des pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) sont cultivés dans des conditions très éloignées des normes que nous défendons. En Europe, les agriculteurs respectent des réglementations sévères visant à limiter l’usage de pesticides, à garantir la qualité des produits, et à préserver l’environnement. Cet accord avec le Mercosur ouvrirait à présent nos frontières à des produits agricoles cultivés dans des conditions contrevenant directement à nos engagements environnementaux et de santé publique.

Des substances dangereuses et interdites en Europe

Prenons le seul exemple du maïs : dans les pays du Mercosur, cette culture est souvent traitée à l’atrazine, un herbicide interdit en Europe depuis 2003 en raison de ses dangers pour la santé humaine et de sa persistance dans les nappes phréatiques. En autorisant l’importation de tels produits, cet accord met en péril non seulement la santé des consommateurs européens, mais également la durabilité de nos filières agricoles locales.

Déforestation et réchauffement climatique

Cet accord favorise également une agriculture contribuant activement à la déforestation de l’Amazonie. La conversion des forêts en terres agricoles entraîne une perte de biodiversité irrémédiable et accroît le réchauffement climatique en libérant d’importantes quantités de CO₂ dans l’atmosphère. En autorisant l’entrée de produits issus de cette déforestation, l’Europe irait donc à l’encontre de ses propres engagements pour la préservation du climat et de la biodiversité, et enverrait un signal contradictoire sur la scène internationale.

Une concurrence déloyale pour nos agricultrices et agriculteurs

Enfin, cet accord créerait une concurrence profondément injuste pour les agricultrices et agriculteurs européens, qui doivent respecter des normes de production de plus en plus strictes pour garantir des produits de qualité, sains et respectueux de l’environnement. En ouvrant nos marchés à des produits à bas coût, issus de pratiques contraires à nos valeurs et engagements climatiques, nous risquons de :

  • Remettre en question notre souveraineté alimentaire
  • Pénaliser les producteurs qui s’engagent dans des démarches durables
  • Porter un coup sévère à l’avenir de nos filières locales

Soutenir une agriculture durable et responsable

Au sein du Groupe Coopératif Maïsadour, nous sommes convaincus qu’une agriculture respectueuse de l’environnement, des personnes et des animaux, est la clé de l’avenir. Chaque jour, nous travaillons aux côtés de nos adhérents pour développer cette agriculture régénératrice, qui préserve les ressources naturelles, protège les écosystèmes, et garantit des produits sains, locaux, et de grande qualité. Défendre ces valeurs est plus que jamais essentiel et nous en appelons aux responsables politiques pour qu’ils bloquent cet accord et protègent notre souveraineté alimentaire, notre environnement, et les générations futures. Il est encore temps de faire entendre raison et de refuser cet accord qui menace directement notre agriculture, notre environnement, et l’avenir de nos exploitations.    

Depuis 1936, Maïsadour est une coopérative engagée du Sud-Ouest, labellisée Engagé RSE, qui place l’Homme et le Vivant au centre de ses préoccupations, pour une agriculture, une alimentation et une société durables. Maïsadour développe des filières d’excellence répondant aux attentes des consommateurs pour valoriser, en France et dans 50 pays, les productions de ses agriculteurs. « Chez Maïsadour, nous travaillons ensemble au succès de nos adhérents et construisons l’avenir de nos territoires ». Le Groupe, structuré autour des pôles d’activités agricoles, semences et alimentaires, commercialise des produits gastronomiques sous les marques Delpeyrat et Comtesse du Barry et des volailles Label Rouge sous les marques St SEVER et Marie Hot. www.maisadour.com

 

Pour Terre de Liens: “Nous sommes les grand oubliés de cette crise”

Baisse des rendements importants, aides au maintien supprimées, retard des paiements PAC, encouragement à la confusion des labels, Mercosur… Si la crise touche l’ensemble du monde agricole, elle est particulièrement violente pour les agriculteurs et les agricultrices qui ont fait le choix du bio. Alors que les déconversions se multiplient, Terre de Liens appelle le gouvernement à un sursaut. Par leurs pratiques, les agriculteurs bio rendent de nombreux services à la société et à l’environnement. Ils sont pourtant délaissés faute de volonté politique pour défendre la pérennité de leurs fermes.

 

“Je produis du lait bio mais pour vivre, je le vends en conventionnel. On marche sur la tête. Dans ces manifestations, il n’y a rien eu pour le bio alors qu’on s’est mobilisés. Beaucoup d’agriculteurs bio font marche arrière.” résume Étienne Christoffel, éleveur de vaches laitières et producteur de céréales à Boofzheim (Bas-Rhin).

Voilà à quoi en sont réduits les agriculteurs·trices qui ont fait le choix du bio, non seulement par opportunité mais par conviction : vendre en conventionnel, une production qui répond à l’exigence du cahier des charges de la bio pour espérer des prix rémunérateurs. Parce qu’à un moment il faut vivre, malgré les aléas et l’absence de soutien politique affirmé.
En 2023 et 2024, la filière bio a connu une crise sans précédent. Les acteurs du bio ont chiffré les pertes à 550 millions d’euros. Rien qu’en 2024, en céréales, les agriculteurs·trices ont connu des pertes de 54% en blé bio. Pour tenir, les déconversions se multiplient. A tel point qu’en 2023, la surface agricole utile en bio a perdu 54 000 hectares, passant de 10,5 à 10,4% des surfaces agricoles françaises.

Baisse des rendements et crise de la demande, une absence de vision

Si la crise de la demande est avérée, Terre de Liens dénonce aujourd’hui l’absence de soutien structurel des pouvoirs publics pour traverser la crise.

“Il y a un manque de soutien évident de la part des pouvoirs publics, qui se refusent à développer des aides au maintien ou à faire respecter les objectifs de la loi Egalim, comme celui de 20% de bio dans les cantines. Ajoutez à cela, la stratégie de mise en concurrence avec de nouveaux labels nettement moins exigeants et parfois à la limite du green-washing, tels « HVE » (Haute Valeur Environnementale) ou “Sans pesticides de la fleur à l’assiette », c’est le mode d’emploi parfait pour condamner la filière bio” explique Astrid Bouchedor, responsable de plaidoyer de Terre de Liens.

Sans vision, les agriculteurs bio sont livrés aux aléas du marché.

“S’il y avait un suivi des lois Egalim, nous ne serions pas en surproduction de 20 % en lait bio ! Avec les déconversions, il est possible que dans deux, trois ans il y ait un manque de lait bio” déplore Samuel Servel, éleveur de vaches laitières à Kergrist dans le Morbihan.

 

Suppression des aides au maintien, une condamnation de la filière bio

Alors que la filière traverse une crise sans précédent, l’absurdité a atteint son paroxysme en 2023 avec la suppression des aides au maintien  au profit d’un renforcement des aides à la conversion.

“Pour faire face à la multiplication des déconversions et aider ceux qui tiennent, les aides au maintien sont essentielles et permettent aux agriculteurs de se projeter contrairement aux fonds d’urgence au coup par coup. Les supprimer en 2023 alors que la filière connaissait déjà des difficultés a été une erreur fondamentale”, affirme Astrid Bouchedor.

“On ne se sent pas beaucoup soutenu. Les aides au maintien en bio ont été supprimées et remplacées par des aides bien moins importantes. Et le reste des aides s’arrêtent au bout de cinq ans après une installation. Sans soutien massif, je ne sais pas si l’agriculture biologique va survivre” résume Samuel Servel.

 

Inflation, Mercosur, retard des aides PAC, les bio aussi en payent le prix fort

“Avant un tracteur on le payait 70 000 euros, aujourd’hui ils sont à plus de 100 000 euros. Les heures des techniciens de maintenance ont considérablement augmenté, on ne peut plus réparer seuls les tracteurs.” indique Etienne Christoffel

Si les agriculteurs bio développent des stratégies pour limiter leurs intrants et leur dépendance aux marchés, ils n’en restent pas moins touchés par l’inflation qui frappe les exploitations depuis 2 ans.  Pour faire face, tous attendent comme leurs collègues en conventionnel les aides PAC censées apporter une respiration dans des bilans comptables plombés. Mais là encore, les bios ont souffert d’un régime de défaveur avéré. Derniers servis des aides de la PAC l’été dernier, ils sont aussi les victimes d’un système qui a réduit à néant la conditionnalité environnementale de la PAC. Autrement dit, alors qu’ils rendent des services environnementaux nettement supérieurs, ils n’en tirent aucun bénéfice.

Aujourd’hui, avec la perspective du Mercosur, les éleveurs particulièrement en difficulté redoutent une nouvelle casse vers les prix bas, très peu favorables à la compétitivité du bio.  En début d’été, les partis qui forment aujourd’hui le gouvernement Barnier ont appuyé, avec le blanc-seing de la FNSEA, l’accord avec la Nouvelle-Zélande qui impacte les producteurs laitiers. Rien ne laisse alors présager que les accords de libre-échange vont être véritablement stoppés.

 

Dans les fermes bio, l’atmosphère est amère face aux nouvelles manifestations qui s’annoncent :

“Les syndicats attaquent les normes environnementales alors que cela n’a rien à voir avec nos revenus. J’ai été écœuré en début d’année”, conclut Samuel Servel.

“On ne manifestera pas, on n’est pas la FNSEA” ajoutent Isabelle et David Ledig, éleveurs et producteurs de céréales à Francheville (Meurthe et Moselle).

Terre de Liens appelle le gouvernement Barnier a prendre la mesure du ras-le-bol qui s’exprime dans les fermes, bien au-delà des tractations pré-élections professionnelles des Chambres d’agriculture en janvier 2025.

Il n’y a pas une agriculture française face au reste du monde. Il y a des agricultures qui réclament une reconnaissance et une vision pour continuer à nourrir les Francais·e·s.

 

Le Département de l’Indre en soutien à l’agriculture

Après de multiples actions en début d’année, après un cri d’alarme il y a un mois, une nouvelle mobilisation des agriculteurs s’est déroulée un peu partout en France pour dire « stop » à la signature par l’Union Européenne de l’accord de libre-échange avec le Mercosur.

Réunissant les Jeunes Agriculteurs de l’Indre et la FDSEA, treize feux de la colère ont été allumés dans notre département lundi 18 novembre, symboles de contestation mais aussi d’un grand désarroi face aux difficultés successives que rencontrent les agriculteurs.

« C’est un tunnel dont nos agriculteurs ne voient plus le bout… »

Entre des démarches administratives complexes, de mauvaises récoltes successives, des pertes d’animaux liées à des maladies émergentes et cette perspective d’une signature par l’Union européenne d’un accord commercial avec le Brésil, l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay, nos agriculteurs cumulent les difficultés.

Les aléas climatiques sont une chose, les décisions prises en sont une autre !

« Les circuits courts et de proximité, la préservation de l’environnement, la santé, le savoir-faire, les conditions animales… sont fortement remis en cause avec ce projet d’accord de libre-échange méprisant pour nos filières agricoles.

Nous faisons confiance à nos agriculteurs qui travaillent dans des conditions difficiles tout en maintenant un savoir-faire reconnu pour nous nourrir avec des aliments de qualité.

Nous ne pouvons tolérer que nos agriculteurs soient confrontés à cette nouvelle aberration.
Nous ne pouvons tolérer que l’avenir de l’agriculture française soit mis en péril à ce point.

Aux côtés de nos agriculteurs, plus que jamais solidaires, nous les soutenons :

– dans leur action d’opposition à ce projet de signature de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur,
– dans leur combat permanent pour assurer la pérennité de leur profession ».

 

 

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