mer. Avr 24th, 2024

Par Laurent Delautre, directeur de la stratégie d’investissement commerce chez Mata Capital

Délaissé par de nombreux investisseurs, l’immobilier de commerce constitue pourtant aujourd’hui une opportunité d’investissement très intéressante. Un atout majeur quand le marché des bureaux et de la logistique devient fortement spéculatif et que le marché résidentiel atteint des sommets. A la condition d’être attentif aux mutations du secteur commercial, il est donc possible de tirer profit des meilleures opportunités, avec à la clé des rendements réguliers sur le long terme et plus élevés que sur les autres classes d’actifs.

 

Développement du e-commerce, évolution des modes d’achat, nouvelles priorités budgétaires des ménages… La profonde mutation que traverse le secteur du commerce de détail déroute nombre d’investisseurs professionnels, qui manifestent un certain attentisme, voire un rejet à l’égard des murs commerciaux. Et pourtant, les commerces physiques représentent encore la majorité de la distribution avec 90%[1] du chiffre d’affaires du commerce de détail. De plus, il ne faut plus opposer commerce physique et e-commerce devenus complémentaires depuis que les enseignes investissent massivement dans une distribution « multicanal ».

Des locataires fidèles sur le long terme

Le rendement des murs de commerce est, en effet, aujourd’hui supérieur à celui des bureaux. Il est aussi bien plus constant sur le long terme. De fait, un commerçant bien situé, tirant bénéfice d’une activité résiliente et soumis à un loyer cohérent avec son chiffre d’affaires, n’a aucune raison de changer d’adresse. A l’inverse, les bureaux, qui s’analysent davantage comme des centres de coûts, constituent des variables d’ajustement, les sociétés étant promptes à déménager pour des surfaces moindres en phase de récession ou à se déplacer vers des locaux plus spacieux pour accompagner leur développement. La récurrence des revenus tirés des murs commerciaux tient donc à la moindre rotation des locataires, bon nombre d’enseignes restant de nombreuses années dans les mêmes locaux.

 

Des charges non-récupérables limitées pour un rendement préservé

Cette résilience tient également à une moindre vacance, les meilleurs emplacements se relouant sans délai. Autre effet bénéfique sur le rendement : la traditionnelle franchise de plusieurs mois de loyers négocié par le locataire à la signature d’un bail de bureaux n’a lieu que de manière très limitée dans le commerce. Enfin, un changement de locataire n’engage aucun des coûts supplémentaires subis par les bailleurs de bureaux, les frais de réaménagement et/ou de remise aux normes étant toujours prise en charge par le nouveau commerçant locataire pour y aménager son propre concept.

 

Savoir sélectionner les bonnes opportunités

Reste que la récurrence du revenu n’est assurée qu’au prix d’une sélectivité sévère des opportunités d’investissement de commerce dont le modèle économique résistera sur la durée. Sélectivité basée sur 4 piliers que sont l’emplacement, le niveau de loyer, l’activité de l’enseigne et, enfin, le format de l’actif.

 

L’emplacement, qui reste un critère primordial, doit offrir une bonne visibilité à l’enseigne sur un passage prioritaire de consommateurs. L’accessibilité des lieux est ainsi essentielle tant dans les zones urbaines périphériques que pour les centres-villes. C’est même la condition sine qua non pour que l’enseigne soit en phase avec une évolution structurelle des comportements d’achat, les clients délaissant les hypermarchés mastodontes sur lesquels ils concentraient leurs achats et préfèrent aujourd’hui multiplier leurs lieux d’approvisionnement auprès d’enseignes spécialisées. Ces dernières investissent massivement pour répondre aux nouvelles attentes des consommateurs (magasin « phygital », distribution omnicanal, « click-and-collect ») et améliorer l’expérience d’achat. Côté consommateurs, 72% des Français redoutent un commerce déshumanisé par le numérique et l’intelligence artificielle (Etude Opinion Way Novembre 2017).

 

Au-delà de l’emplacement, le niveau de loyer constitue un autre critère étudié attentivement avant l’acquisition de murs de commerce, lequel ne doit pas menacer la pérennité économique du commerçant. Le loyer doit être cohérent avec le chiffre d’affaires du commerçant et la nature de son activité. Le taux d’effort acceptable peut en effet varier du simple au double selon les secteurs marchands, en adéquation avec le niveau de marge bénéficiaire habituellement dégagé sur chacun de ces secteurs. L’asset manager doit également être capable d’articuler une stratégie de dynamisation commerciale et une gestion qui lui assure la présence des meilleurs locataires eu égard au potentiel du site et au rendement locatif voulu.

 

La nature de l’activité commerciale reste, bien évidemment, un critère tout aussi discriminant. Le commerce de proximité de bouche, situé dans des rues très fréquentées reste, par exemple, une valeur sûre. A l’inverse, les enseignes du textile, fortement concurrencées par le e-commerce, n’offrent pas les perspectives de stabilité à long terme recherchées.

 

Le positionnement d’une stratégie d’investissement sur des locaux de taille intermédiaire permet, de surcroît, d’investir en négociant des tarifs avantageux. Ce créneau, trop étroit pour les fonds institutionnels, est beaucoup moins concurrentiel que celui des grosses opérations. Le succès de la collecte de ces fonds immobiliers leur confère une surface financière devenue encombrante face à la rareté des bonnes opportunités d’investissement sur le marché. Et les obligent à se positionner en priorité sur des infrastructures de grands formats, quitte à en tirer les prix à la hausse malgré les inquiétudes quant à leur avenir économique et leur liquidité.

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