Par la Coface
Janet Yellen a récemment averti que les États-Unis pourraient se trouver à court de liquidités dès le 1er juin si le Congrès ne suspend ou ne relève pas le plafond de la dette. Pour rappel, celui-ci est fixé à 31 381 milliards USD, montant qui a été atteint dès janvier 2023. Depuis, l’État fédéral a recours à des « mesures extraordinaires » pour faire face à ses obligations. Mme Yellen a exhorté les législateurs à trouver un accord avec l’administration Biden dès que possible afin d’éviter des turbulences financières et économiques. Mais alors que la Maison Blanche continue de réclamer un relèvement du plafond sans concession, les républicains, qui ont pris le contrôle de la Chambre des représentants suite aux élections de mi-mandat en 2022, insistent sur la nécessité préalable d’une réduction des dépenses. A l’approche de l’échéance et alors qu’un compromis politique reste lointain, l’augmentation de l’aversion pour le risque pourrait peser sur le dollar et faire grimper les taux d’intérêt des bons du Trésor américain. Cela constitue un défi supplémentaire pour l’économie américaine, qui doit déjà faire face à une inflation et des taux d’intérêt élevés et à des turbulences dans le secteur bancaire.
Le relèvement du plafond de la dette, de quasi-formalité à arme politique
Si le plafond de la dette américaine a déjà été régulièrement relevé ou suspendu par le passé, il fait l’objet de débat et de manœuvres politiques accrus, les partis d’opposition l’utilisant comme une arme politique. L’impasse sur ce plafond entre l’administration Obama et les Républicains en 2011 en a été l’exemple le plus frappant. La crise a conduit S&P à abaisser la note de crédit du gouvernement américain à AA+. Bien qu’un défaut de paiement du gouvernement fédéral ait été évité, le dollar s’est affaibli et les rendements des bons du Trésor ont augmenté.
Plus récemment, la limite a été relevée pour la dernière fois en décembre 2021, lorsque le Parti démocrate disposait d’une courte majorité au Congrès. La probabilité de tensions sur le sujet s’est cependant accrue depuis que les Républicains ont repris le contrôle de la Chambre des représentants après les élections de mi-mandat en novembre 2022. Le 19 avril, le président républicain de la Chambre a dévoilé un projet de loi liant un relèvement du plafond de la dette de 1 500 milliards USD à des réductions de dépenses importantes, estimées à 4 500 milliards USD au cours de la prochaine décennie. Ce projet a été immédiatement critiqué par l’administration de Joe Biden et a peu de chances d’être approuvé par le Sénat, contrôlé par les démocrates. A l’approche de l’échéance, les négociations ont repris entre l’administration démocrate et les républicains, mais les positions restent, pour l’heure, très éloignées.
Un défaut de paiement aurait des conséquences en cascade
Un défaut de paiement aurait des conséquences désastreuses pour les marchés financiers, pour l’économie, mais aussi sur le plan politique. Républicains et démocrates sont donc incités à trouver un accord et un compromis de dernière minute reste probable. Nous ne pouvons cependant pas exclure totalement un défaut de paiement accidentel causé par la polarisation accrue du paysage politique américain. Un certain nombre de solutions sont débattues pour contourner l’éventualité d’une telle crise:
- Une pétition pour forcer un vote sur le plafond: si les négociations entre la Maison Blanche et le Congrès échouent, les démocrates de la Chambre des représentants et du Sénat pourraient forcer un vote sur un relèvement du plafond de la dette.
- L’invocation de la section 4 du 14e amendement de la Constitution par Joe Biden. Si l’on s’en tient à une interprétation de cet amendement, le président pourrait passer outre le Congrès et obliger le Trésor à émettre des obligations d’État pour faire face à ses obligations. Cela entrainerait cependant probablement une crise constitutionnelle.
- Une « pièce commémorative »: la loi fédérale autorise le Trésor à frapper une pièce commémorative en platine pour contourner le pouvoir du Congrès. Après avoir déposé la pièce à la Fed, le Trésor pourrait payer ses factures en puisant dans le compte ainsi créé, sans émettre de nouvelle dette. Cette solution semble peu probable car les tribunaux mettraient probablement en question la base juridique d’une telle procédure.
- L’émission de « premium bonds » : le Trésor pourrait profiter du fait que seul le remboursement du principal est pris en compte dans le plafond de la dette et non le paiement des intérêts. Avec de nouvelles émissions d’obligations assorties de taux d’intérêt plus élevés, le trésor pourrait réduire comptablement le montant nominal de l’encours de la dette et contournerait ainsi le plafond de la dette. Cette stratégie serait évidemment coûteuse car elle augmenterait les paiements d’intérêts.
Bien qu’un dépassement du plafond de la dette soit un risque latent, s’il se produit, le gouvernement ne sera pas en mesure de payer l’intégralité de ses obligations, ce qui entraînera de facto un défaut de paiement. Celui-ci porterait atteinte à l’économie américaine, d’une part en rendant indispensable une réduction des dépenses et d’autre part car les États-Unis seraient probablement confrontés à des turbulences sur les marchés financiers, avec un affaiblissement du dollar et une augmentation considérable des rendements des titres du Trésor américain. Les taux d’intérêt augmenteraient pour l’ensemble de l’économie et feraient probablement baisser les cours des actions. Dans ce scénario, un abaissement de la note de crédit souveraine semble inévitable et déclencherait des abaissements de ratings pour l’ensemble des émetteurs de dette américains. Une défaillance se répercuterait aussi sur les marchés internationaux, affectant les titres du Trésor et les autres actifs libellés en dollars américains.
Un défi supplémentaire pour une économie sous pression
L’économie américaine a fait preuve de résilience début 2023, avec une reprise de la consommation et un marché du travail toujours solide. Cependant, les perspectives sont difficiles et incertaines.
L’inflation, qui s’est établie à 4,9 % en avril 2023 reste trop élevée pour que la Fed puisse crier victoire. Nous nous attendons à ce que les taux d’intérêt demeurent à des niveaux restrictifs tout au long de l’année 2023, alors même que les répercussions négatives se font déjà ressentir sur certains secteurs comme l’immobilier et que cela contribue au ralentissement des investissements des entreprises. En outre, deux mois après l’effondrement de la Silicon Valley Bank, la faillite de la First Republic Bank suscite de nouvelles inquiétudes sur le secteur des banques régionales aux États-Unis. Les données préliminaires suggèrent que les banques réagissent à ces turbulences en resserrant davantage le crédit.
Coface prévoit un ralentissement de la croissance du PIB américain à 1,2 % en 2023. Notre scénario de base est donc que l’économie américaine évitera de justesse une récession cette année, mais la succession d’événements défavorables de ces dernières semaines pourrait la faire basculer.
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Avec plus de 75 ans d’expérience et un vaste réseau international, Coface est un leader de l’assurance-
crédit et de la gestion des risques, et un fournisseur reconnu de solutions d’affacturage, de
recouvrement, d’assurance Single Risk, de caution et d’information d’entreprises. Les experts de Coface
opèrent au cœur de l’économie mondiale, aidant ~50 000 clients, dans 100 pays, à construire des
entreprises performantes, dynamiques et en croissance. Coface conseille ces entreprises pour qu’elles
prennent des décisions commerciales éclairées. Les solutions du Groupe renforcent leur capacité à
vendre en leur fournissant des informations fiables sur leurs partenaires et en les protégeant contre les
risques d’impayés sur leurs marchés domestiques et à l’export. En 2022 Coface comptait ~4 720
collaborateurs et a enregistré un chiffre d’affaires de 1,81 €Mds.