dim. Nov 17th, 2024

Après une année 2022 particulièrement mouvementée, les experts d’Ostrum Asset Management (Ostrum AM), un affilié de Natixis Investment Managers, anticipent une récession modérée en 2023. Toutefois, les investisseurs pourraient profiter d’opportunités d’investissement et de points d’entrée intéressants sur les différents marchés, notamment de taux et crédit. La crise énergétique se poursuivant en Europe, la plus grande prudence sera de mise dans la sélection des titres. Philippe Waechter, directeur de la recherche économique, Stéphane Déo, directeur stratégie marchés, Alexandre Caminade, directeur gestion taux core et alternatifs liquides, Philippe Berthelot, directeur gestion monétaire et crédit, ainsi que Frédéric Leguay, directeur gestion actions, présentent leurs vues sur l’économie, les marchés et les stratégies d’investissement à privilégier pour trouver de la valeur en 2023.

 

Économie : de fortes probabilités de récession, mais de faible ampleur

 

Selon Philippe Waechter, directeur de la recherche économique, le cycle est moins dynamique. Il y a eu un choc inflationniste majeur qui a grevé le pouvoir d’achat et un durcissement de la politique monétaire. Cette combinaison a un effet récessionniste sur l’activité économique qui doit se caler sur un cadre un peu différent de ce qu’il était. 2023 aura trois dimensions. La première est celle de la source de la demande. Ostrum AM estime que les trois grands moteurs de la croissance que sont les USA, la Chine et la zone euro ne verront pas leur demande intérieure s’accélérer brutalement. Cela tient au risque immobilier que l’on identifie dans les trois régions. Les transactions ralentissent fortement aux États-Unis, la construction se contracte en Chine et le marché est moins liquide en Europe. Dans le même temps, les prix commencent à s’infléchir dans l’ouest américain et dans les villes de premier rang en Chine. Ce n’est pas encore le cas dans la zone euro. Un effet de richesse négatif est à craindre en 2023, ce qui pénalisera la consommation. Le deuxième aspect tient à la politique monétaire qui devra rester contraignante tout au long de 2023 pour éviter une résurgence de l’inflation. Cela implique un fort risque de récession en 2023, avant un retour à une situation plus normale en 2024. La dernière dimension concerne la spécificité de la zone euro sur la crise énergétique. Elle reflète une hausse du coût des approvisionnements, une insuffisance de production nucléaire en France et des importations de gaz à prix élevés. Le premier point est un prélèvement sur l’économie européenne (2,7 points de PIB à la fin du deuxième trimestre), avec l’aspect récessif associé, le deuxième porte sur la capacité de la France à produire davantage d’électricité et le troisième est de disposer de contrats long terme sur l’approvisionnement en gaz pour réduire la volatilité de son prix. C’est cette équation qui devra être résolue en 2023 pour permettre à l’économie de repartir.

 

 

 

Allocation d’actifs : prudence et diversification 

 

D’après Stéphane Déo, directeur stratégie marchés, l’année 2023 devrait se caractériser par une plus grande stabilité des taux d’intérêt de part et d’autre de l’Atlantique : après un resserrement monétaire global extrêmement rapide, les Banques centrales sont en train de ralentir le rythme de leurs hausses de taux. La Fed et la BCE devraient ainsi augmenter les leurs de 50 points de base lors de leurs comités de décembre 2022, jusqu’à atteindre 4,75 % pour les Fed funds et 3 % pour les dépôts de la BCE. Au cours des trois premiers trimestres 2022, tous les actifs ont pâti de performances décevantes, réduisant les opportunités de diversification pour les investisseurs. Une corrélation encore à l’œuvre lors du rebond de fin septembre après que l’Euro Stoxx ait atteint un plus bas. Cette situation, courante en période d’inflation élevée, devrait perdurer, contraignant les investisseurs à se montrer prudents dans leurs allocations d’actifs et chercher d’autres sources de diversification. Pour Ostrum AM, 2023 sera l’année des taux et du crédit en raison d’une baisse de la volatilité attendue, avec des Banques centrales qui atteignent la vitesse de croisière, une rentabilité restaurée après une longue période de taux négatifs et des spreads crédit qui reviennent sur des niveaux plus raisonnables après les excès de pessimisme de 2022.

 

Taux : des points d’entrée intéressants en 2023

 

Pour Alexandre Caminade, directeur gestions taux core et alternatifs liquides, 2022 a été la pire année depuis plus de 20 ans sur les marchés obligataires. En 2023, les investisseurs pourraient bénéficier de points d’entrée intéressants pour s’exposer sur les taux d’intérêt, probablement au deuxième trimestre, une fois la majorité des volumes d’émissions records placés sur les marchés et le cycle de hausse de taux de la Fed et la BCE achevé. S’agissant des courbes de taux, et après un fort mouvement d’aplatissement en 2022, Ostrum AM envisage une repentification d’ici la fin 2023. Des baisses de taux de la Fed et la BCE en 2024 devraient être anticipées par le marché, ce qui pousserait les taux courts à la baisse alors que les volumes d’émissions devraient peser sur la partie plus longue des courbes.

Les actifs dits « à spread » pourraient tirer leur épingle du jeu en 2023. Ostrum AM anticipe que la volatilité sur les taux, facteur déterminant en 2022 sur l’évolution des spreads, se stabilise, grâce à une meilleure visibilité sur la trajectoire des politiques monétaires. Les obligations durables apparaissent également comme une opportunité intéressante. D’une part, le « greenium » (primes d’émissions) s’est amélioré, offrant de meilleures conditions d’achat aux investisseurs.  D’autre part, Ostrum AM estime que les volumes d’émissions attendues pour l’année prochaine ne devraient pas excéder les niveaux de 2021, soit un peu plus de 830 milliards d’euros d’émissions.

 

Crédit : des opportunités sur l’Investment Grade et le High Yield

 

Selon Philippe Berthelot, directeur gestion crédit et monétaire, 2022 a été une Annus Horribilis pour le marché obligataire, la pire depuis 1994. Cependant, 2023 s’annonce comme une Annus Mirabilis : les taux de défaut anticipés pour 2023 (environ 3,3 %, proches des moyennes historiques) confirment le scénario d’une faible récession. En termes de performance, les taux de rendement sont au plus haut depuis 10 ans sur le crédit Investment Grade et sur le High Yield, en Europe comme aux États-Unis. Plus précisément : il faut être très sélectif sur le crédit Investment Grade, du fait de sa sensibilité aux hausses de taux des Banques centrales ; alors que le crédit High Yield répond à sa propre dynamique. Les deux segments présentent des opportunités d’investissement inédites depuis 10 ans. La tendance à la hausse des taux d’intérêt en Europe, combinée à notre vision d’une réduction des spreads de swap au cours de l’année 2023 devrait profiter au secteur bancaire. En ce qui concerne les entreprises, le risque d’extension généralisé semble exagéré aux yeux d’Ostrum AM pour les hybrides : on peut extraire beaucoup de valeur en étant sélectif. Certaines sociétés d’investissement immobilier cotées (Real Estate Investment Trusts), qui ont beaucoup souffert en 2022, méritent également une certaine attention. Les valeurs télécoms, très résilientes jusqu’à présent, semblent un peu chères aujourd’hui. Enfin, le crédit High Yield, moins sensible aux taux d’intérêt, mériterait une allocation stratégique croissante.

Le crédit est de retour en 2023 : il est intéressant, attrayant et rémunérateur : environ 4 % pour le crédit Investment Grade € et plus de 8 % pour le crédit High Yield € : gérer le risque, c’est être sélectif avec une bonne évaluation des points d’entrée.

 

Actions : la volatilité incitera à la prudence et à la sélectivité

 

Selon Frédéric Leguay, directeur gestion actions, il n’y a plus de potentiel d’appréciation sur les marchés d’actions en Europe : donc la patience est de mise avant d’investir. Les marchés viennent de s’adjuger 17 %, alors qu’un reflux de l’inflation semble se confirmer outre-Atlantique. Pourtant l’économie mondiale va sensiblement ralentir, en réponse aux politiques monétaires restrictives. Et les entreprises, dont les marges ont atteint en 2022 leur plus haut niveau des quarante dernières années, vont devoir les défendre dans un contexte de ralentissement de la demande et de normalisation de l’offre. Ostrum AM s’attend donc à une contraction de 10 % de la base bénéficiaire en Europe qui correspond à son scénario d’un ralentissement de faible ampleur, mais aussi aux attentes des investisseurs. Malheureusement, les valorisations n’offrent que peu de potentiel, surtout si on y intègre le niveau anormalement élevé des profitabilités, les probables hausses de taux à venir et le contexte géopolitique toujours incertain. Depuis 1990, les marchés européens n’ont jamais atteint leur point bas avant que le processus de révision des résultats ne soit entré dans sa dernière phase. Il n’a cette fois pas encore débuté. 2023 sera encore volatile et offrira d’autres occasions de se positionner sur les actifs risqués. En attendant, Ostrum AM privilégie la visibilité, afin d’absorber les conséquences de la baisse des estimations de résultats. Il est également à noter que les écarts de valorisation entre valeur d’un même secteur restent importants et généralisés. Ils peuvent être exploités, afin de bénéficier d’une marge de sécurité en attendant les jours meilleurs qui devraient intervenir dans la deuxième moitié de l’année prochaine. En 2023, Ostrum AM privilégie ainsi le secteur financier, les secteurs visibles telle que la santé, la téléphonie, la consommation courante, les services. Au premier trimestre, Ostrum AM devrait se renforcer sur les secteurs de croissance en fonction des valorisations et au second trimestre revenir sur certaines valeurs plus sensibles au cycle.

 

 

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