mer. Déc 24th, 2025

Antoine Fraysse-Soulier, analyste de marché pour eToro

En portant plainte contre Nestlé, Coca-Cola, PepsiCo, Kraft Heinz ou encore Kellogg’s, la ville de San Francisco ne se contente pas d’un coup d’éclat politique. Elle ouvre un nouveau chapitre dans la remise en cause du modèle économique de l’agroalimentaire industriel, accusé d’avoir contribué à une véritable crise de santé publique aux États-Unis.

Le cœur de l’attaque est clair, ce sont les aliments ultratransformés (sodas, chips, plats préparés, céréales pour enfants)  représentent aujourd’hui plus de 70 % des produits disponibles dans les supermarchés américains. Conçus en laboratoire, riches en sucres ajoutés, sel, graisses raffinées et additifs, ils sont, selon la plainte, délibérément formulés pour être bon marché et consommés de manière répétitive. Le procureur de San Francisco établit un lien direct entre ces produits et l’explosion des maladies métaboliques, près de 40 % des Américains sont obèses et environ 16 % diabétiques.

La stratégie juridique rappelle celle utilisée autrefois contre l’industrie du tabac ou, plus récemment, contre les laboratoires pharmaceutiques impliqués dans la crise des opioïdes. Il ne s’agit pas seulement de démontrer la nocivité des produits, mais de mettre en cause des pratiques de conception, de marketing et de ciblage, notamment envers les enfants et les populations les plus vulnérables. San Francisco réclame des dommages et intérêts pour compenser les coûts de santé supportés par la collectivité, sans en préciser le montant.

Pour les groupes visés, l’enjeu dépasse largement ce procès. Nestlé, PepsiCo ou General Mills ont bâti une part significative de leur croissance sur ces catégories à forte marge. Une reconnaissance juridique de leur responsabilité pourrait ouvrir la voie à d’autres actions similaires aux États-Unis, voire en Europe, avec à la clé des risques financiers et réglementaires majeurs.

Cette affaire s’inscrit aussi dans une évolution plus large du regard porté sur l’alimentation industrielle. Longtemps protégés par l’argument de la responsabilité individuelle du consommateur, les industriels sont désormais confrontés à une question plus structurelle : peut-on continuer à commercialiser massivement des produits associés à des risques sanitaires avérés, tout en externalisant les coûts sur les systèmes de santé publics ?

Même si l’issue judiciaire reste incertaine, le signal est clair. Les aliments ultratransformés pourraient devenir le prochain grand champ de bataille entre pouvoirs publics et multinationales. Et cette fois, ce n’est pas seulement une industrie qui est visée, mais tout un modèle alimentaire.

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