Par Charles Sannat:
Jamais l’intensité diplomatique n’a été aussi forte et je vais y revenir. Cette intensité matérialise le niveau de gravité jamais atteint dans notre histoire depuis la Seconde Guerre mondiale. Rien de moins. Mais avant, comprendre ce sujet nécessite beaucoup de connaissances et autant de pondération et de tempérance.
Les Gazaouis ne voulaient pas plus de la guerre que du Hamas.
Selon le dernier sondage du Washington Institute, réalisé en juillet 2023, il n’y a que quelques semaines (source ici), la décision du Hamas de rompre le cessez-le-feu n’a pas été une décision populaire. Alors que la majorité des Gazaouis (65 %) pensent qu’il est probable qu’il y ait « un vaste conflit militaire entre Israël et le Hamas à Gaza » cette année, un pourcentage similaire (62 %) soutient le maintien d’un cessez-le-feu entre le Hamas et Israël. De plus, la moitié (50 %) sont d’accord avec la proposition suivante : « Le Hamas devrait cesser d’appeler à la destruction d’Israël et accepter plutôt une solution permanente à deux États basée sur les frontières de 1967. » De plus, dans toute la région, le Hamas a perdu en popularité au fil du temps auprès de nombreux publics arabes. Cette baisse de popularité a peut-être été l’un des facteurs motivant la décision du groupe d’attaquer.
En fait, la frustration des Gazaouis à l’égard de la gouvernance du Hamas est claire ; la plupart des Gazaouis ont exprimé une préférence pour l’administration de l’AP et les responsables de la sécurité plutôt que pour le Hamas – la majorité des Gazaouis (70 %) ont soutenu une proposition selon laquelle l’AP enverrait « des responsables et des agents de sécurité à Gaza pour y prendre la direction de l’administration, le Hamas renonçant à des unités armées distinctes ». », dont 47 % tout à fait d’accord. Il ne s’agit pas non plus d’un point de vue nouveau : cette proposition a bénéficié d’un soutien majoritaire à Gaza depuis le premier sondage réalisé par le Washington Institute en 2014.
Les Gazaouis sont donc loin, très loin de soutenir tous le Hamas. Les choses, comme vous pouvez le voir sont nettement plus nuancées et la population palestinienne souffre de la présence du Hamas de sa violence quotidienne aussi sur les populations civiles.
Israël en réalité hésite à faire ce qu’ils veulent faire…
Les Israéliens veulent punir les terroristes du Hamas ce qui est aussi légitime que compréhensible, mais une fois que l’on a dit cela, d’un point de vue analytique, politique et militaire rien n’a été dit.
Quelles sont les options pour les Israéliens ?
1/ La destruction totale du Hamas sans intervention massive au sol avec incursions et opérations commando.
2/ Guerre totale à Gaza, au Hamas et effets collatéraux aux Gazaouis.
3/ Une solution avant tout politique la solution 1 avec l’installation de l’Autorité Palestinienne sur Gaza modérée et qui accepte la solution à deux Etats.
4/ La solution du déplacement de la population de Gaza en totalité avec réinstallation en Egypte ou en Jordanie ou un peu des deux, peu importe, mais avec les attaques aussi mortelles, beaucoup pensent là-bas que les Gazaouis ont perdu le droit de vivre à proximité des Israéliens.
Cette hypothèse la numéro 4 est à mon sens celle qui est privilégiée par l’administration Netanyahu. C’est d’ailleurs tout le sens de la ligne rouge tracée par le Roi de Jordanie.
Le Roi Abdallah II de Jordanie a fixé ses lignes rouges: « pas de réfugiés » palestiniens en Jordanie, « ni en Egypte ». Ni la Jordanie ni l’Egypte ne veulent servir de réceptacle pour les Palestiniens dont certains dirigeants israéliens ne veulent plus. Voilà ce qui se joue actuellement. Le déplacement de 2 millions de personnes et la suppression de la bande de Gaza. Il y a évidemment de quoi émouvoir le monde musulman au sens large et la mise en œuvre de cette stratégie du déplacement ne peut pas se mettre en place sur un coup de tête.
Chacun compte ses soutiens. Chacun se prépare et fourbit ses armes. C’est ce moment-là que nous vivons. Alors vous avez tous les chefs d’Etats qui se rencontrent. Poutine a rencontré plusieurs chefs d’Etats d’Asie. Du Vietnam, au Laos à la Chine où il est arrivé à Pékin. L’Iran rencontre aussi bien les dirigeants d’Asie Centrale que… de Biélorussie, à quelques centaines de kilomètres de Paris et alliée des Russes. Là aussi les propos de Loukachenko le président Biélorusse sont clairs tenus lors d’une réunion avec le vice-président iranien Mohammad Mokhber :
« La crise du Moyen-Orient contribue au fait que des pays qui nous sont hostiles – les États-Unis et l’Occident – dirigent constamment le fer de lance de ce conflit contre l’Iran. Vous le sentez mieux. Notre réponse est une : nous devons travailler davantage étroitement les uns avec les autres, coopérer ensemble pour contrer ces attaques. » Vous avez sans doute vu le Chancelier Allemand en Israël, mais aussi l’arrivée de Joe Biden le président américain qui a toujours autant de mal à marcher. Anthony Blinken le ministre des affaires étrangères américains tourne de capitale du Moyen-Orient en capitale du Proche-Orient. Tout le monde s’agite. Tout le monde déploie aussi ses armes. La question au centre de toutes ces discussions ?
Le déplacement de Gaza.
Inacceptable pour les uns. Indispensable pour les autres pour expier les horreurs des attaques sur des civils. Le monde est donc, au bord de la guerre. Si le sujet israélo-palestinien peut se résumer par cette formule si lapidaire « Beaucoup trop d’histoire, bien trop peu de géographie », cette phrase prend une dimension encore plus cruelle et complexe quand on évoque Gaza.
La bande de Gaza a si peu de géographie qu’il y est presque impossible d’organiser une zone démilitarisée suffisamment importante qui garantirait la sécurité d’Israël en laissant un espace géographique a minima aux Palestiniens.
Alors que faire ?
Détruire le Hamas bien évidemment. Remettre le Fatah et l’Autorité Palestinienne au pouvoir à Gaza ce que les Gazaouis ne verraient pas d’un mauvais œil d’après les enquêtes d’opinions. Désarmer Gaza bien évidemment et organiser la prise en charge par l’ONU et assurer le développement économique de cette zone pour en faire une ville « riche ».
Pour cela ou une solution de ce type, il faut que l’ensemble des parties fassent preuve d’une grande sagesse. D’une grande conscience de l’histoire. Que tous, pèsent et soupèsent les risques.
Nous sommes dans cette phase.
« Les appels à l’embargo sur le pétrole commencent »
Cela ne fait pas 15 jours que l’attaque du Hamas a eu lieu que le sujet de l’embargo sur l’énergie a été posé. Pour le moment par l’Iran. Pour le moment sans que les autres pays n’embrayent derrière. Pour le moment. Et pour le moment quand on voit la rapidité et la violence de cette crise géopolitique il faut bien avoir conscience des risques.
Insolentiae.com est le site sur lequel Charles Sannat s’exprime quotidiennement