dim. Déc 22nd, 2024

Par Sylvain BERSINGER, chef économiste chez Asterès

 

Une situation globalement comparable aux autres pays développés

 

Les finances publiques françaises sont dégradées, mais pas à un point qui fait craindre une crise imminente de la dette publique. Les principaux indicateurs de la solidité des finances publiques (niveau de la dette, du déficit, des taux d’intérêt, caractéristiques de la dette et potentiel de croissance) indiquent que la France est dans une situation globalement comparable à celle de la moyenne des pays développés. Certains pays sont certes dans une situation plus favorable (notamment l’Allemagne) mais d’autres présentent de nombreux indicateurs plus dégradés (Italie, Japon, Etats-Unis à certains égards).

 

1) Montant de la dette publique : un niveau similaire à celui des autres pays développés

La dette publique française est élevée, mais pas plus que la moyenne des autres pays développés. En 2023, la dette publique française atteignait 110 % du PIB (chiffres WEO dans toute cette partie). Ce montant est élevé par rapport à l’Allemagne (66 % du PIB) mais faible comparé au Japon (255 % du PIB) et comparable à celui de l’Italie, des Etats-Unis ou du Royaume-Uni.

L’analyse de la dette nette ne change pas sensiblement la comparaison du niveau de la dette publique française par rapport aux autres pays. La dette publique est généralement présentée en chiffre brut, c’est-à-dire simplement le montant de dette. Cependant, il peut être intéressant de prendre en compte les actifs financiers détenus par les Etats pour obtenir une dette nette. La dette publique nette française en 2023 se montait à 100 % du PIB. La comparaison des dettes publiques nettes ne change pas significativement la position de la France par rapport aux autres pays. Dans le cas du Japon en revanche, la dette publique est nettement moins élevée lorsqu’est considéré le montant net.

 

2) Déficit public : un niveau plutôt élevé

Le déficit public français est légèrement supérieur à celui des autres pays développés. Le déficit public français en 2023 a été revu à la hausse à –5,5 % du PIB (une révision qui n’a pas encore été prise en compte dans les données du WEO). Cela place la France à égalité avec le Japon en termes de déficit, seuls les Etats-Unis présentent un déficit plus élevé, à -8,2 % du PIB (cette stimulation budgétaire expliquant pour partie la forte croissance américaine).
Le déficit public primaire français est conséquent. Le déficit public primaire ne prend pas en compte les charges d’intérêt sur la dette publique, il permet donc d’appréhender la part du déficit qui est lié ou non au poids de la dette. Dans le cas français, le déficit primaire, à -3,3 % du PIB en 2023 est supérieur à celui des pays comparables, à l’exception du Japon et des Etats-Unis.

 

3) Taux : Les investisseurs gardent confiance dans la dette française

Les taux payés sur la dette publique sont le meilleur indicateur de la confiance des prêteurs envers un pays. Les notes des agences de notation, quoique abondamment commentées dans la presse, n’ont d’impact que si elles se traduisent par une évolution du taux effectivement payé par les Etats sur leur dette. Tant que les investisseurs sont disposés à prêter à des taux faibles à un pays, cela signifie qu’ils ne perçoivent pas de risque de défaut élevé. De plus, des taux faibles limitent les charges d’intérêt et donc réduisent le risque d’effet « boule de neige » dans lequel la dette augmente sous l’effet d’une hausse des charges d’intérêt. Le taux français sur la dette publique à échéance 10 ans, à 2,8 %, est légèrement supérieur à celui de l’Allemagne (2,3 %) mais nettement inférieur à celui de l’Italie (3,7 %).

 

4) Caractéristiques de la dette publique française : pas de risque notable

La dette publique française est d’une maturité longue, ce qui est un facteur de résilience.
La dette publique française a une maturité moyenne supérieure à 8 ans1, ce qui signifie que, en moyenne, les titres de dette publique doivent être remboursés au bout de 8 ans (généralement en renouvelant les prêts). Cette maturité élevée est un facteur de stabilité puisqu’elle donne du temps à l’Etat pour gérer sa dette publique.
La France s’endette dans sa monnaie, évitant ainsi le risque de change. La France s’endette en euros, elle n’est donc pas vulnérable à une fluctuation des taux de change. De nombreux pays en développement, endettés en dollar, voient le poids de leur dette s’envoler en cas de dépréciation de leur monnaie. L’endettement en monnaie étrangère a été une cause importante de la crise de l’Argentine de 2000-2001, ou de la crise asiatique de 1997.
Environ la moitié de la dette publique est détenue par des non-résidents, ce qui ne pose pas de problème notable. 53,2 % de la dette publique française est détenue par des épargnants non résidents2. Cela peut être perçu comme une faiblesse en ce sens que les créanciers étrangers pourraient être plus prompts à vendre leur dette publique française si une crise menaçait.
Cependant, il semble plus pertinent d’analyser le besoin de financement externe global du pays, car des résidents français peuvent tout aussi bien détenir des dettes publiques étrangères. Pour ce faire, l’indicateur le plus utile est le solde du compte courant (solde commercial de biens et services, plus transferts de revenus). La France présente un déficit de son solde courant très limité (-1,2 % du PIB en 2023) et parfois même un excédent (comme en 2021ou en février 2024). La France n’est donc pas dans la situation de la Grèce ou du Portugal avant 2010, deux pays qui présentaient un déficit courant très élevé et qui étaient donc contraints d’attirer des capitaux étrangers élevés pour se financer.

 

5) Croissance potentielle : l’atout de la démographie

La soutenabilité des dettes publiques est fortement dépendante de la capacité d’un pays à dégager de la croissance dans le futur. La croissance potentielle d’un pays dépend de deux paramètres : ses gains de productivité et la variation de sa population en âge de travailler. En termes de gains de productivité, les derniers chiffres ont été décevants en France et en Europe, avec un recul de la productivité du travail. Cette baisse est cependant largement due à des facteurs conjoncturels (perturbations dues à la crise sanitaire, hausse de l’apprentissage, hausse de l’emploi avec l’arrivée sur le marché du travail de personnes moins qualifiées) et ne devrait pas se poursuivre. Concernant la démographie, la France bénéficie d’un des taux de natalité les plus élevé des pays développés. Ainsi, la croissance potentielle française pour les décennies à venir pourrait être supérieure à celle des pays comparables si la France parvenait à redresser sa productivité (formation, investissements en R&D notamment).

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *