Par Antoine Fraysse-Soulier, analyste de marché pour eToro
La perte par Engie du gigantesque contrat de chauffage urbain de Paris, un marché estimé à près de 15 milliards d’euros sur 25 ans, marque la fin d’une ère et ouvre un nouveau chapitre pour le groupe. Historiquement exploitant du réseau parisien depuis 1927 via la CPCU, Engie voit un actif emblématique lui échapper au profit d’un consortium mené par Dalkia (EDF), Eiffage et la RATP. Il s’agit d’un un revers symbolique, industriel et financier. Mais derrière le choc immédiat se cache une lecture plus nuancée. Cette défaite illustre autant les fragilités du modèle historique d’Engie que les opportunités qui s’ouvrent à lui dans une industrie en pleine transition.
Sur le plan négatif, l’impact est d’abord réputationnel. Être évincé d’un contrat centenaire renvoie l’image d’un acteur historique qui perd du terrain sur son propre terrain de jeu. Pour une entreprise qui revendique son rôle au cœur des infrastructures urbaines, la symbolique est lourde. À cela, s’ajoute une perte de revenus récurrents, même si l’impact annuel sur l’EBIT se situerait autour de 30 millions d’euros, l’enjeu dépasse la seule ligne de compte de résultat. Engie perd un actif long terme offrant une visibilité sur 25 ans, un luxe dans un secteur soumis à la volatilité des prix de l’énergie et aux aléas réglementaires.
Cette perte de contrat pose aussi la question de la compétitivité technologique d’Engie face à des offres plus « vertes » et plus alignées avec les exigences climatiques des collectivités. Le consortium retenu mise fortement sur la chaleur renouvelable, la biomasse, ou la géothermie, autant de leviers que les villes souhaitent désormais maximiser.
Pour autant, les implications positives existent et méritent d’être soulignées. D’abord, la perte du contrat libère Engie d’un programme massif d’investissements. Moderniser le réseau parisien pour atteindre les objectifs climatiques aurait nécessité des dépenses très lourdes, en plus d’un engagement long et contraignant. Dans un contexte où le groupe restructure son portefeuille autour des renouvelables et des activités internationales, cette sortie peut être vue comme un allègement financier et organisationnel.
Ensuite, Engie peut désormais réorienter ses ressources vers des segments à plus forte croissance comme le solaire, l’éolien, les infrastructures de stockage et l’hydrogène renouvelable. D’ailleurs, les investisseurs n’ont pas accueilli cette annonce comme une mauvaise nouvelle, car le titre est resté flat le jour de l’annonce. Pour rappel, l’action Engie gagne 41% depuis le début de l’année, une des meilleures performances de l’indice Cac 40.