Pour la première fois en quinze mois, la Réserve Fédérale (Fed) n’a pas augmenté son taux directeur. C’était attendu. La surprise est venue d’ailleurs : la Fed a sans ambiguïté signalé que le processus de durcissement monétaire va continuer, prévoyant au moins deux hausses de taux supplémentaires qui porteraient le taux principal de 5-5,25 % actuellement à 5,50-5,75 %. On peut en déduire qu’il ne fait déjà plus de doutes sur l’intention de la Fed d’augmenter ses taux de nouveau en juillet prochain. Les marchés vont devoir s’habituer à ce que les taux élevés soient la norme pendant longtemps.
À court terme, cela devrait entretenir la poussée des taux d’emprunt et soutenir le Dollar Index. Un tel positionnement hawkish (en faveur de taux élevés) était certainement nécessaire pour que le marché cesse d’anticiper l’imminence d’un cycle de baisse des taux dès cette année. C’était l’un des objectifs de la réunion d’aujourd’hui.
Toutefois, reconnaissons que l’horizon économique est inhabituellement incertain, en particulier en ce qui concerne la trajectoire de la croissance. Les statistiques, à l’exception de celles portant sur l’emploi, confirment que le risque de récession est élevé. Est-ce que la Fed pourrait continuer d’augmenter ses taux alors que l’économie américaine pourrait chuter en récession au deuxième semestre ? Ce serait inhabituel mais plausible.
Le risque principal au niveau monétaire est que la banque centrale fasse trop pour lutter contre l’inflation élevée, donc qu’elle augmente trop le loyer de l’argent. Si le scénario d’un durcissement monétaire en pleine récession se produit, il est probable que le marché connaisse des mouvements très erratiques car ce serait une situation complètement inédite.
Stratégie de change : Les attentes de hausses de taux devraient temporairement soutenir le dollar américain, mais nous nous attendons à ce qu’un cycle baissier se matérialise à partir du troisième trimestre, en particulier si la récession intervient. Nous continuons donc d’être positifs sur l’EUR/USD.
Dans le contexte de marché actuel, nous avons une préférence pour les devises à rendement élevé (en particulier les devises d’Amérique latine et quelques monnaies d’Asie comme le won coréen). L’année 2023 marque le grand retour du carry trade. En Europe, nous sommes toujours enclins à être positionnés à l’achat sur le GBP du fait de la poursuite du cycle de durcissement monétaire outre-Manche. Être long (acheteur) sur la paire GBP/USD a certainement été l’un des meilleurs trades ces derniers mois. Cela devrait continuer.
Enfin, nous nous attendons à une poursuite de la hausse modeste des devises d’Europe Centrale et Orientale mais le potentiel de hausse est limité car les cycles de baisse des taux se rapprochent dans la région.
Par iBanFirst
Relever les taux ou faire une pause?
La semaine des banques centrales s’annonce chargée avec les réunions de la Réserve fédérale américaine (Fed) et de la Banque centrale européenne (BCE), qui annonceront respectivement leurs décisions de politique monétaire mercredi et jeudi. La Fed examinera mardi l’évolution récente des prix à la consommation aux Etats-Unis, qui devraient refléter un ralentissement en mai. La Banque du Canada et la Banque centrale d’Australie ont toutes deux relevé leurs taux la semaine dernière, rappelant que la priorité des banques centrales restait la lutte contre l’inflation plutôt que le soutien à la croissance. Plusieurs gouverneurs et le président de la Fed, Jerome Powell, souhaitent cependant faire une pause en juin pour mieux évaluer l’impact des hausses de taux déjà adoptées et des récentes tensions au sein du secteur bancaire. Si les marchés estiment à 30% la probabilité que la Fed relève ses taux de 25 pb, nous anticipons une pause associée à des commentaires agressifs, laissant la porte ouverte à une éventuelle hausse en juillet.
Le plafond de la dette ayant été suspendu, le gouvernement prévoit d’augmenter l’émission de bons du Trésor afin de continuer à financer ses activités et de reconstituer progressivement son solde de trésorerie. Les émissions nettes de bons du Trésor américain devraient dès lors dépasser les 1000 milliards de dollars en 2023. Les négociations concernant la dette étant terminées, l’indice de volatilité VIX a atteint un plancher de trois ans et les géants de la technologie ont reperdu un peu de terrain par rapport aux valeurs cycliques et aux petites capitalisations. Au second semestre, nous privilégierons les stratégies de gestion active.
L’économie de la zone euro est entrée en récession technique au cours de l’hiver, les chiffres révisés du PIB indiquant une baisse de 0,1% au quatrième trimestre 2022 et au premier trimestre 2023. La consommation et les dépenses publiques ont particulièrement pesé. Les créations d’emplois ont progressé de 0,6% au premier trimestre, contre 0,3% au quatrième trimestre, dépassant la croissance du PIB pour le deuxième trimestre consécutif. La BCE devrait relever ses taux de 25 pb à 3,5% cette semaine et confirmer qu’elle cessera dès juillet de réinvestir le produit des obligations arrivant à échéance achetées dans le cadre de son programme d’achat d’actifs (APP). Au Royaume-Uni, les prix immobiliers ont reculé, pour la première fois depuis 2012.
La semaine dernière a été marquée par un contraste saisissant entre la Chine et les autres économies asiatiques. La chute des exportations chinoises – notamment vers l’ASEAN – a nettement dépassé les attentes en atteignant 7,5% en mai par rapport à l’année passée. Les prix à la production en Chine ont reculé de 4,6% en glissement annuel en mai, ce qui indique une certaine surcapacité dans les secteurs industriels. En revanche, la croissance du PIB japonais au premier trimestre a été relevée à 2,7% en rythme annuel, grâce à la hausse des dépenses d’investissement. Le PIB indien du premier trimestre a augmenté de 6,1% en rythme annuel, grâce à la hausse des dépenses d’investissement et des exportations. Nous envisageons toujours une croissance du PIB égale à 7,2% pour l’Inde en 2023.