Seymour Hersh
BIBI VA À RAFAH
Alors que la guerre à Gaza entre dans ce qui pourrait être sa phase finale, Joe Biden a été incapable ou n’a pas voulu retenir son allié israélien
Des femmes et des enfants palestiniens fuient Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, avec quelques affaires le 15 mai. Des dizaines de milliers de civils ont fui les violents combats à Rafah, alors que les Palestiniens commémoraient le 76e anniversaire de leur déplacement massif lors de la création d’Israël en 1948, qu’ils appellent la “Nakba” ou “catastrophe”. / Photo par AFP via Getty Images.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a répondu à l’attaque du 7 octobre par le Hamas par des mois de punition collective dévastatrice pour Gaza. Il m’attriste de rapporter qu’il s’est révélé être un leader bien plus redoutable que le président Joe Biden, qui, après des mois d’indécision, a finalement ordonné un retard de la livraison de bombes américaines à Israël. Ce retard n’a pas encore eu lieu et n’aura aucun impact sur les phases finales de la chasse de l’armée israélienne aux dirigeants du Hamas à Rafah.
Bibi a habilement transformé la froideur publique de Biden en cri de ralliement, disant à l’audience lors d’une cérémonie télévisée de Memorial Day la semaine dernière : “Si nous devons rester seuls, alors nous resterons seuls… si nécessaire, nous nous battrons avec nos ongles. Mais nous avons bien plus que nos ongles” – Israël est connu pour avoir un arsenal nucléaire significatif – “et avec cette même force d’esprit, avec l’aide de Dieu, ensemble, nous gagnerons.”
La dernière phase de la guerre israélienne – ce n’est maintenant guère plus qu’une chasse à l’homme – est en cours dans le labyrinthe de tunnels sous Rafah. On m’a dit que cinq des douze tunnels ont été inondés et quelques bataillons israéliens aguerris, dont les rangs incluent de nombreux ingénieurs de combat spécialisés dans la démolition, progressent dans les tunnels sombres et piégés en direction de Yahya Sinwar, le chef du Hamas qui est la cible ultime de Netanyahu. Une journée de combat, m’a-t-on dit, a produit douze victimes du Hamas. L’armée israélienne n’a jusqu’à présent publié aucune information sur ses pertes au combat.
Netanyahu a fait peu de déclarations publiques depuis le début de l’attaque souterraine, mais il a promis, m’a dit un responsable américain informé, que “tous” dans les tunnels “vont mourir”. Le responsable, qui a suivi de près les événements en Israël et à Washington depuis le 7 octobre, a ajouté cette évaluation brutale : “Vous n’aimez peut-être pas Bibi mais vous n’avez pas de vote. Les citoyens israéliens font la loi et ils veulent et ont un leader et en ce moment leur priorité est la sécurité. Les analystes peuvent considérer que sa stratégie intransigeante contre les Palestiniens, tant en Cisjordanie qu’à Gaza, est contre-productive à long terme mais c’est maintenant et la menace du Hamas était réelle et a frappé le cœur et la confiance de chaque Israélien. Ils voulaient et ont obtenu quelqu’un qui non seulement disait ce qu’ils voulaient entendre, mais faisait ce qu’ils voulaient faire.”