dim. Nov 24th, 2024

L’attaque contre Israël et le nouveau conflit avec le Hamas augmentent les risques d’un conflit plus  large dans le Golfe, en particulier à un moment où les relations entre l’Arabie Saoudite et Israël se  normalisent. Les marchés semblent jusqu’à présent relativement modérés, le pétrole gagnant 4 %  lundi, les actions étant légèrement en baisse en Europe mais en hausse aux États-Unis, à la suite de  commentaires prudents de certains responsables de la FED sur les prochains mouvements de taux. 

Pourquoi cette violence se produit-elle ?  

Voici un aperçu rapide de ce qui s’est passé jusqu’à présent, avec l’avertissement qu’il est presque  impossible de résumer en quelques lignes la situation dans la région, compte tenu de sa complexité  et de ses racines historiques. Les risques géopolitiques sont toujours difficiles à prévoir, les risques  d’escalade sont importants et de multiples scénarios complexes peuvent se présenter.

L’Iran tente d’entraver la normalisation des relations entre l’Arabie saoudite et Israël.

  •  Normalisation arabo-israélienne : les accords d’Abraham signés en 2020 entre Israël et les  Émirats arabes unis ont marqué le début de la normalisation entre certains pays arabes et  Israël. L’Arabie saoudite aurait été en pourparlers pour rejoindre les accords également cette  année.  
  • Une normalisation israélo-saoudienne pourrait constituer une menace importante pour  l’Iran. Cette normalisation aurait pu s’étendre à des accords de sécurité régionaux incluant  les États-Unis, ce qui aurait laissé l’Iran isolé.  
  • L’Iran exerce une influence considérable sur les groupes militants radicaux qui entourent  Israël et l’attaque du Hamas aurait été soutenue par l’Iran, dans le but ultime de rendre plus  difficile un rapprochement entre l’Arabie saoudite et Israël et de rappeler aux Saoudiens le  pouvoir que l’Iran exerce dans la région.

Le Hamas renforce sa légitimité militante compte tenu de l’affaiblissement de sa position  politique interne. 

  • En tant qu’organisation militante peu intéressée par la paix avec Israël, le Hamas a  également intérêt à empêcher toute normalisation entre l’Arabie saoudite et Israël, dans  laquelle les Saoudiens auraient accepté un « flou » comme solution à la question  palestinienne.

Le système israélien de surveillance et de réaction, habituellement sophistiqué, n’a pas  fonctionné. 

  • Cela est très probablement dû aux divisions internes résultant de la réforme judiciaire de  Benjamin Netanyahou, qui a vu émerger des divisions croissantes entre le gouvernement  et les services de sécurité. 

Quelles sont les implications géopolitiques ? 

  • L’attaque du Hamas augmente le risque d’une attaque israélienne contre l’Iran.  • Il est également probable qu’elle entraîne une détérioration des relations entre les États Unis et l’Iran, annulant ainsi les améliorations récentes.  
  • Le conflit et la réponse musclée attendue d’Israël compliqueront le rapprochement de  l’Arabie saoudite et d’Israël (et par ailleurs d’Israël et de la Turquie).  
  • Le discours en interne d’Israël se déplacera davantage vers la droite, ce qui rendra encore  plus difficile la recherche d’une solution à la question palestinienne.  
  • Ces événements compromettent également les espoirs de Joe Biden de bénéficier de  nouvelles de presse positives à l’approche des élections américaines ; ils pourraient  également nuire à l’amélioration des relations entre l’Arabie saoudite et les États-Unis. 
  • Toutefois, cela ne signifie pas que le rapprochement entre l’Arabie saoudite et Israël est  désormais sans espoir ou que les relations entre les États-Unis et l’Arabie saoudite vont se  détériorer ; elles sont désormais confrontées à des risques nouveaux et importants.  
  • L’ampleur de la menace sécuritaire dans la région pourrait menacer davantage le soutien  de l’Occident à l’Ukraine, simplement en déplaçant l’attention et en rappelant à l’Occident  qu’il peut y avoir d’autres conflits nécessitant un soutien militaire et financier. La mort de  citoyens américains en Israël et les allégations selon lesquelles certains otages sont des  citoyens américains amèneront les États-Unis à penser qu’il existe peut-être des problèmes  plus imminents que l’Ukraine pour la sécurité des États-Unis. 

Comment les marchés financiers réagissent-ils ? 

  • Le pétrole à la hausse : en amont des attaques, les prix du pétrole avaient baissé de plus de  10 % par rapport au pic de septembre. Ils ont bondi de plus de 4 % lundi, les investisseurs  craignant que l’attaque 
  • contre Israël n’entraîne une nouvelle escalade entre l’Arabie saoudite et l’Iran. Compte tenu  du nombre d’otages israéliens, il est peu probable que les tensions s’apaisent à court terme  dans la région, ce qui pourrait faire baisser les prix du pétrole. L’assouplissement en cours  des sanctions américaines sur les ventes de pétrole iranien deviendra beaucoup plus  difficile. Il est désormais plus probable qu’Israël décide, dans les mois à venir, une fois le  conflit immédiat maîtrisé, que le moment est venu d’attaquer les capacités nucléaires de  l’Iran, avec la possibilité d’un conflit régional plus important.  
  • Des marchés actions en demi-teinte : ailleurs, l’impact sur le marché a été plus discret. Les  contrats à terme sur actions ont baissé de moins de 1 % dans le monde entier, à l’exception  d’Israël et des bourses du MoyenOrient. Il convient toutefois de noter que lundi était un  jour férié aux États-Unis, ce qui limite souvent la liquidité, et que l’impact sur le marché  pourrait donc s’étaler sur plusieurs jours. La volatilité des actions a augmenté pour refléter  les tensions géopolitiques actuelles, mais l’indice VIX reste inférieur à 20, bien en deçà du  niveau de plus de 80 qu’il a connu en mars 2019 au début de la crise du Covid-19. Le S&P  500 a en fait terminé en hausse lundi, après que certains responsables la FED se sont  montrés prudents quant aux prochains mouvements de taux.  
  • Les valeurs refuges sont recherchées : les taux de rendement obligataires en Europe ont  baissé de plus de 10 points de base, reflétant la demande d’actifs plus sûrs ; lors de la  réouverture du marché obligataire américain, les rendements ont baissé de 15 points de  base au moment de la rédaction. Les prix de l’or ont également été soutenus, remontant à  1850 dollars américains et devraient également bénéficier d’un plancher tant que les  tensions se maintiendront. 

Que pourrait-il se passer si la situation s’aggravait ? 

  • Le pétrole : le pétrole est toujours la classe d’actifs la plus touchée lorsque des tensions  apparaissent dans le Moyen-Orient et la crise israélienne actuelle ne devrait pas faire  exception. Les États-Unis ont déjà envoyé un porte-avions américain dans la région et les  tensions entre les États-Unis et l’Iran pourraient faire grimper les prix du pétrole au-dessus  de 100 dollars. Comme le montre le tableau 1, les événements géopolitiques passés ont  généralement entraîné une hausse des prix du pétrole, en particulier lorsque ces  événements étaient liés au Moyen-Orient.

TABLEAU 1 : IMPACT DES ÉVÉNEMENTS GÉOPOLITIQUES PASSÉS SUR LE PÉTROLE BRUT BRENT (À  PARTIR DE 1990), % 

 

GRAPHIQUE 1 : PÉTROLE BRUT (BRENT) – ÉVÈNEMENTS GÉOPOLITIQUES DEPUIS 1990

  • Croissance du PIB : la hausse des prix du pétrole est négative pour les grands importateurs de  pétrole tels que l’Europe, l’Inde ou la Chine. Des prix du pétrole plus élevés pendant plus  longtemps pourraient avoir un impact similaire à celui des années 1970. Plusieurs études  universitaires indiquent cependant un affaiblissement de la relation entre la croissance du PIB  et les prix du pétrole. Cela peut s’expliquer par le fait que les économies sont davantage axées  sur les services et que la part du pétrole dans la production est plus faible, entre autres  facteurs. Toutefois, si les prix du pétrole devaient rester au-dessus de 100 dollars pendant une  période prolongée, nous pourrions revoir nos prévisions de croissance du PIB pour 2024 dans  le monde entier. 
  • Inflation : une hausse des prix du pétrole entraînerait mécaniquement une augmentation de  l’inflation totale. Toutefois, l’inflation sous-jacente pourrait ne pas être très affectée par la  hausse des prix du pétrole, car l’impact négatif sur l’activité économique pourrait être plus  important que l’impact de la hausse des prix du pétrole elle-même.  
  • Banques centrales : si les prix du pétrole et d’autres matières premières devaient augmenter  et rester à un niveau élevé pendant une période prolongée, cela pourrait pousser les banques  centrales à lutter contre les menaces d’inflation et à relever davantage les taux. Mais les  chances que cela se produise sont faibles selon nous, car les conditions financières se sont  considérablement resserrées et les banques centrales pourraient prendre du recul et voir  d’abord l’impact de l’économie. Si, au contraire, l’économie mondiale devait entrer en  récession, les banques centrales pourraient plutôt assouplir leur politique monétaire et  abaisser leurs taux de référence/objectifs respectifs.  
  • Actions : les événements géopolitiques majeurs précédents ont conduit “en moyenne” à des  rendements négatifs dans les premiers jours, plus discrets dans les mois suivant l’événement,  comme le montre le tableau 2, mais l’impact a fortement varié d’un événement à l’autre. Les  marchés ont tendance à se remettre de la douleur de court terme, mais la volatilité devrait  rester plus élevée pendant la phase initiale du conflit, car il y a peu de visibilité et les scénarios  multiples sont difficiles à prévoir. 

TABLEAU 2 : IMPACT DES ÉVÉNEMENTS GÉOPOLITIQUES PASSÉS SUR S&P 500 (DEPUIS 1967), %

GRAPHIQUE 2 : S&P 500 – ÉVÈNEMENTS GÉOPOLITIQUES DEPUIS 1967 

Que pourrait-il se passer si la situation s’aggravait ? 

Les investisseurs ont récemment envisagé un scénario “Boucle d’or” caractérisé par une croissance  économique résistante combinée à une inflation plus faible. Ce scénario pourrait être remis en question  par un certain nombre de facteurs et l’escalade des tensions au Moyen-Orient est certainement l’un  d’entre eux. Cependant, il est beaucoup trop tôt pour considérer que l’attaque contre Israël est  l’événement qui fera dérailler la croissance économique mondiale. Pour l’instant, les marchés  financiers tendent à considérer que l’impact sera limité, les actions ayant été jusqu’à présent modérées. 

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