jeu. Nov 21st, 2024

La « Greenflation » désigne l’inflation créée lorsque les prix augmentent en raison d’une demande accrue ou d’une offre réduite des matières premières nécessaires à la transition énergétique et écologique. Cette dernière devient plus coûteuse à mesure qu’elle se généralise. Plusieurs signaux laissent croire que cette tendance va s’inscrire dans la durée, ce qui pose la question de la place de la transition énergétique dans le débat politique international.

Depuis l’adoption de l’Accord de Paris en 2015, le système énergétique mondial est en pleine transition vers des énergies plus propres. L’enjeu est de taille : c’est au cours de la décennie actuelle que les émissions de gaz à effet de serre doivent être réduites de moitié pour atteindre l’objectif de zéro émission nette d’ici 2050.

Plans de décarbonation ambitieux sur la scène internationale

Le contexte géopolitique récent a servi de catalyseur à la transition vers une économie décarbonée au niveau mondial. Les mesures politiques les plus importantes ont été prises en Europe, avec le plan REPowerEU qui vise à réduire la dépendance aux combustibles fossiles et à stimuler les gains d’efficacité énergétique en investissant 210 Mds€ sur une période de 5 ans. Les États-Unis ont également accentué leurs efforts pour l’efficacité énergétique et le changement climatique avec une enveloppe de 369 Mds$ prévus par l’Inflation Reduction Act.

En Asie, le nouveau plan quinquennal de la Chine pour les énergies renouvelables fixe des objectifs ambitieux avec l’éolien et le solaire au centre du plan. En Corée du Sud, le gouvernement a l’intention d’augmenter la part de l’énergie nucléaire jusqu’en 2030. L’Australie a élaboré un plan plus ambitieux de réduction des émissions après que le gouvernement a présenté un NDC (Nationally Determined Contribution) révisé.

Ressources limitées pour atteindre la neutralité carbone

La transition énergétique s’applique à tous les secteurs et elle implique une forte dépendance aux minéraux, dont les ressources sont limitées. La hausse importante de la demande en minéraux essentiels devrait maintenir la « Greenflation » dans le temps.

Plus de 20 métaux différents sont critiques pour la transition énergétique. Par exemple, une voiture électrique typique nécessite six fois plus de minéraux qu’une voiture classique, tandis qu’une centrale éolienne offshore requiert neuf fois plus de ressources minérales qu’une centrale au gaz. Au cours des 30 prochaines années, la demande cumulée de cuivre devra plus que doubler et celle de nickel quadrupler pour atteindre l’Accord de Paris.

Or les plans d’investissement actuels pour de nombreux matériaux sont bien inférieurs à ce qui est nécessaire pour soutenir le déploiement des véhicules électriques, des panneaux solaires et des éoliennes offshore et terrestres. Selon l’AIE, les investissements annuels dans le secteur de l’énergie devront passer de 2000Mds$ aujourd’hui (2.5% du PIB mondial) à environ 5000Mds$ pour la période 2021-2050 (4.5% du PIB en 2030, pour tomber à 2.5% du PIB en 2050). On peut s’attendre à un supercycle des matières premières pour permettre cette transition verte, qui entraînera une hausse de l’inflation (Greenflation).

L’approvisionnement en matières premières essentielles à l’énergie verte fortement concentré dans une poignée de pays

Compte tenu de la domination de la Chine sur certaines matières premières (graphique ci-dessous), la sécurité géopolitique est une condition sine qua non pour la sécurité des matériaux. Par ailleurs, 70% du cobalt mondial est produit en République Démocratique du Congo (RDC), un pays souvent pointé du doigt dans le cadre du respect des droits de l’Homme, tandis que 75% des réserves mondiales de lithium se trouvent en Australie.


Le phénomène de Greenflation devrait donc s’inscrire dans la durée, jusqu’à la fin de la décennie voire au-delà. En effet, des réglementations qui limitent les investissements dans les projets d’exploitation et d’extraction minière, très polluant, vient limiter l’offre de matières premières et accentuer la hausse des prix. Du point de vue de la gestion d’actifs, si les thèmes classiques tels que la transition énergétique ou l’économie bas carbone sont traditionnellement mis en avant, on pourrait s’attendre à l’émergence de cette nouvelle thématique verte. Certaines sociétés cotées (que l’on retrouve notamment dans la gestion Value) sont d’ores et déjà favorablement exposés aux matières premières nécessaires à la transition énergétique. Elles font cependant souvent l’objet de controverses en matière d’ESG, des risques qui doivent être identifiés et adressés par le dialogue et l’engagement actionnarial.

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