À l’approche du Salon des maires, Terre de Liens publie une cartographie exclusive de la disparition des fermes en France et lance un appel aux maires français. 40 000 fermes de petite taille ont disparu en seulement 3 ans et avec elles, la capacité de nos villes et villages à produire une alimentation locale et de qualité. Les maires, en première ligne, ont le pouvoir d’agir.
40 000 petites fermes en moins, c’est l’accélération d’un mouvement délétère de concentration
L’enquête sur la structure des exploitations agricoles menée tous les trois ans par le ministère de l’agriculture est formelle : les petites fermes disparaissent dans les communes françaises, majoritairement absorbées par d’autres exploitations.
Ce mouvement de concentration bénéficie à des exploitations de plus en plus grosses, contraintes de se spécialiser pour survivre dans la quête de productivité. Cette spécialisation accroît leur dépendance aux intrants et à des machines de plus en plus technologiques, au détriment de l’emploi agricole et de l’environnement. Si rien n’est fait, ce phénomène pourrait s’accentuer alors que d’ici à 2030, un quart des agriculteurs partiront à la retraite..
« On assiste à un véritable plan social à bas bruit qui va de pair avec une concentration et une financiarisation inédite des fermes en France. L’image d’Épinal de la petite ferme française à taille humaine s’érode chaque jour un peu plus. Il est temps de dire la vérité aux Français·es. La politique agricole que nos gouvernements mènent depuis des décennies creuse la tombe de cette agriculture que la majorité des Français réclame« analyse Coline Sovran, chargée de plaidoyer de Terre de Liens.
En Bretagne ou dans le nord de la France, trois quarts des fermes ont disparu depuis 1988
En Bretagne ou dans le nord de la France par exemple, presque trois quarts des fermes ont disparu, cédant la place à la spécialisation du territoire en élevage intensif. Au global 90% des départements ont perdu plus de la moitié de leurs fermes entre 1988 et 2020.
« Dans ma commune, le nombre de petites fermes ne cesse décroître au profit d’une agriculture productiviste qui ne contribue en rien à l’alimentation locale. En tant que maire, je cherche à agir pour donner la priorité à une agriculture vivante, qui n’épuise pas les ressources et bénéficie aux habitants et habitantes : je me bats pour préserver les terres agricoles et développer les installations pour une alimentation locale de qualité, face à de très grandes exploitations que menacent nos petits agriculteurs« déplore Syvain Oxoby, maire d’Ohain, dans le Nord.
La cartographie que publie Terre de liens en partenariat avec TerritoiresFertiles.fr, offre un état des lieux commune par commune de cette disparition ces 30 dernières années. Alors même que citoyen·nes et agriculteur·ices appellent à une agriculture locale et de qualité, le sort que connaissent les petites fermes menace la diversification de la production agricole et l’accès à des produits locaux variés.
Un phénomène contre lequel les maires peuvent agir
Les élus locaux en première ligne peuvent agir concrètement pour enrayer ce mouvement. À quelques mois des élections municipales, Terre de liens sera présent au Salon des maires pour s’adresser aux candidat·es. Cinq mesures seront présentées pour inverser la tendance :
- Rendre les terrains agricoles accessibles (mise à disposition, mise en relation avec les propriétaires, expérimentations) pour faciliter l’installation de paysans et paysannes. Le parc naturel régional du Haut-Languedoc (Hérault, Tarn) a mis en place le dispositif Élus Sentinelles. Ce réseau d’élus référents permet de sauvegarder l’activité et de résister à l’abandon des terres agricoles du parc ;
- Recenser et valoriser les terres agricoles pour mieux les préserver. Près de Bordeaux, dans la vallée des Jalles (Gironde), six communes se mobilisent pour résister à la spéculation foncière en créant un périmètre de protection et de valorisation des espaces agricoles et naturels périurbains ;
- Créer des conditions d’exploitation protégeant la ressource en eau (priorité au bio, zones humides, pâturages). À Wingles (Pas-de-Calais), la collectivité acquiert les terres pour les mettre à disposition d’agriculteur·ices en bio et préserver la ressource en eau de l’agglomération de Lens-Liévin ;
- Encourager la distribution de produits bio et locaux (approvisionnement des cantines, soutien à la création de magasins de producteurs, etc.). À Chambray-Lès-Tours (Indre-et-Loire), la ferme bio municipale fournit la cuisine centrale qui prépare 1000 repas par jour ;
- Rendre accessible à toutes et tous une alimentation locale et de qualité (prix adaptés, sécurité sociale de l’alimentation) pour garantir l’accès à une alimentation saine, durable et au juste prix. La communauté de communes d’Audruicq (Pas-de-Calais) crée en 2010 l’Écopôle alimentaire. L’association distribue aujourd’hui 500 paniers par semaine avec des prix différenciés pour faciliter l’accès à des produits bio et de qualité pour toutes et tous.