dim. Déc 22nd, 2024

Par William Gerlach, VP chez iBanFirst

L’euro est tombé mardi à son niveau le plus bas depuis novembre 2023 face au billet vert, à 1,0596 dollar. Avec -3% en une semaine, la chute de l’EUR/USD correspond presque exactement à la trajectoire baissière de la paire après l’élection de 2016. Les raisons de cette chute sont autant conjoncturelles que structurelles.

 

Cette chute reflète une réaction du marché à la perspective d’une politique budgétaire expansionniste aux États-Unis et un déficit public qui pourrait atteindre en moyenne 7 % du PIB sous le mandat de Trump. La baisse pourrait être encore plus importante si Washington met effectivement en place une hausse importante des taxes douanières (ex : taxe universelle à 10 %).

 

L’EUR/USD pourrait rapidement renouer avec 1,05 voire se rapprocher de la parité. La perspective de tarifs douaniers tend traditionnellement à renforcer la devise du pays qui les met en place – en l’occurrence le dollar. Le mécanisme est bien connu : en mettant en place des tarifs douaniers prohibitifs, cela va provoquer une baisse des importations américaines qui, par ricochet, va induire une diminution de la demande pour les devises étrangères par rapport au dollar.

 

Dans le cas présent, le marché semble aussi sanctionner la faiblesse économique européenne.

 

La France est marquée par une croissance au ralenti :

  • Selon la Banque de France, l’activité économique du pays devrait peu progresser au quatrième trimestre en raison notamment du « contrecoup des JO ».
  • Les fermetures d’usines et l’annonce de plans sociaux se multiplient : Michelin, Auchan… le ministre de l’Industrie a même dit s’attendre à de nouvelles annonces de plans sociaux. En cause : un coût de l’énergie trop élevé, une fiscalité qui s’accroît et une demande mondiale en baisse.

 

L’Allemagne quant à elle – moteur historique de la zone euro – est au bord du gouffre. Le pays n’a tout simplement pas connu de croissance depuis deux ans. En 2025, si les experts s’attendent à une reprise, elle devrait être extrêmement faible : de 0,5 à 1%. Les raisons d’une telle situation :

  • L’industrie, qui était autrefois le fer de lance de l’Allemagne, est à la traîne. En octobre dernier, 41,5% des entreprises allemandes ont fait état d’un manque de commandes – une première depuis la crise financière de 2009. Près de la moitié des entreprises manufacturières sont concernées. C’est tout le modèle économique allemand qui s’affaisse.

Sans compter l’accroissement du risque politique avec la tenue d’élections législatives anticipées l’an prochain qui pourraient aboutir à un score élevé de l’extrême-droite.

Il y a sans conteste un effet Trump dans l’affaissement de l’euro. Mais celui-ci était probablement inéluctable au regard de l’effondrement économique européen. Sur le long terme, le taux de change d’une monnaie reflète toujours l’état de son économie. La victoire de Trump a seulement accéléré le processus de dépréciation. Au passage, il fournit un nouvel angle d’attaque idéal à la future administration Trump pour cibler l’Europe : vous manipulez votre devise qui est sous-évaluée, ce qui explique le fort excédent de votre balance commerciale ! C’est plus compliqué que cela, évidemment. Mais en politique, ce sont les éléments de langage qui comptent…

 

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