L’euphorie engendrée par la sortie de la crise sanitaire a vécu. La crise a fait son retour en Europe. « L’onde de choc provoquée par l’invasion de l’Ukraine, le 24 février, a entraîné un dérapage des anticipations inflationnistes, poussant en forte hausse les taux d’emprunts souverains à long terme (3% en France et 4% aux Etats-Unis). Même les obligations souveraines émises par la Suisse ont connu une volatilité inédite depuis le début de l’année. L’ère des obligations à rendement négatif touche à sa fin » relève Marc Brütsch, chef économiste de Swiss Life Asset Managers. Si la Fed a relevé plus rapidement ses taux pour tenter d’enrayer la spirale inflationniste, le mouvement n’est pas achevé, en particulier en Europe. Cette normalisation des politiques monétaires, qui contraste avec l’interventionnisme des politiques budgétaires, a une incidence déjà bien visible sur l’économie réelle, en particulier sur le secteur immobilier outre-Atlantique.
« Le taux d’intérêt sur les hypothèques à 30 ans aux Etats-Unis atteint désormais 7,4% contre 3,1% au début de l’année alors qu’en Europe, les indices des directeurs d’achat manufacturier baissent sous les 50 points, prélude à l’entrée en récession que nous prévoyons modérée au cours des trimestres à venir » précise Marc Brütsch. Selon les prévisions des économistes de Swiss Life Asset Managers, l’Allemagne devrait en particulier voir son PIB reculer de 0,6% en 2023 alors que la France pourrait enregistrer une croissance positive de 0,3% l’an prochain (+0,4% pour la zone euro et les Etats-Unis). Quant au taux d’inflation anticipé pour 2023, il devrait s’établir à 3,9% aux Etats-Unis et à 5,0% en zone euro.
Les banquiers centraux à nouveau sommés de jouer un rôle politique
En attendant 2023, l’année 2022 est celle de tous les dangers. Le conflit en Ukraine et ses répercussions économiques marque un tournant inédit, faisant plonger à la fois les marchés actions et les indices obligataires suite à la remontée brutale de taux nominaux. Les marchés des obligations d’entreprises ont été impactés durement, que ce soit sur les segments Investment Grade ou High Yield.
« Cette crise met à nouveau les banquiers centraux face à leur responsabilité alors qu’ils ont déjà fait preuve de beaucoup d’inventivité au cours des dernières années, en particulier en zone euro par des achats de titres et des prêts aux systèmes bancaires (mécanisme du TLTRO). Face au regain inflationniste, les banques centrales se retrouvent désormais face à un dilemme : lutter contre l’inflation au risque de provoquer une récession, au moment où des plans de relance budgétaires sont mis en place pour soutenir une économie européenne en difficulté. Elles doivent plus que jamais endosser un rôle politique subtil pour mener à bien leur politique de resserrement monétaire tout en préservant la stabilité financière » explique Corynne Roux-Buisson, responsable gestion Taux & Crédit Investment Grade chez Swiss Life Asset Managers France.
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Ainsi, ce resserrement monétaire, qui confirme la fin de l’ère des taux bas, est toujours en cours. La BCE va poursuivre l’augmentation de ses taux de facilité de dépôt jusqu’à 2-2,25%. Une hausse de 75 points de base est attendue lors de la prochaine réunion du 27 octobre. Le taux pivot de la Fed pourrait atteindre de son côté 4,75% (prochaine réunion le 2 novembre) alors que le pic d’inflation a certainement déjà été atteint en juin outre-Atlantique, ce qui n’est probablement pas encore le cas en zone euro. Quant à la Bank of England (BoE), elle devrait augmenter ses taux de 100 points de base le 3 novembre prochain mais le resserrement monétaire pourrait être encore plus important alors que Liz Truss a provoqué la défiance des marchés lors de la présentation d’un budget de relance controversé.
La gestion de la volatilité des taux : principal focus des portefeuilles monétaires en 2023
Conséquence de ce relèvement des taux directeurs, la hausse des maturités courtes est spectaculaire et permet d’offrir aux investisseurs positionnés sur des produits monétaires des rendements positifs après une longue période de taux négatifs. Les primes de rendement offertes par certaines obligations du secteur financier redeviennent attractives. De nouvelles conditions de marchés amenées à durer ? « A plus long terme, il est peu probable que l’inflation retrouve ses niveaux antérieurs. Le financement de la transition écologique va occasionner beaucoup d’investissements et contribuer à un régime d’inflation plus élevé que celui observé au cours des dernières années » estime Corynne Roux-Buisson.
Avec le retour de l’inflation, la gestion de la volatilité des taux est devenue le principal risque à prendre en compte dans les portefeuilles monétaires et de crédit à court terme en 2022, alors que l’ensemble des instruments se situe dorénavant à taux positif. « La gestion de ce risque implique notamment une poche de liquidité importante et l’utilisation d’instruments à taux variables ou de maturité courte. Les évolutions de la communication des banques centrales concernant le relèvement des taux directeurs ont rendu indispensable la couverture du risque de taux par la mise en place de swaps » explique Julien Russo, gérant de portefeuille chez Swiss Life Asset Managers France.
Ainsi, le marché du crédit à court terme offre à nouveau aux investisseurs de nouvelles chances selon les secteurs, les pays et les émetteurs.
« Avec ce mouvement général de hausse des taux, les opportunités de rendement existent mais les primes offertes diffèrent toutefois selon les émetteurs et le mouvement de hausse n’a pas été homogène selon les secteurs. Les sociétés du secteur industriel arrivent par exemple à se financer en offrant une prime inférieure à la moyenne du marché. En termes de volumes, les émetteurs financiers représentent deux tiers des possibilités d’investissement sur le très court terme » assure Maxime Mura, gérant de portefeuille chez Swiss Life Asset Managers France. En gestion monétaire, 420 émetteurs sont autorisés en portefeuille, dont 300 environ avec une note au moins égale à BBB+. Parmi les paris de conviction, Swiss Life Asset Managers est notamment positionné sur le secteur de l’énergie et des services collectifs. « Les émetteurs du secteur ont préféré anticiper, dès le printemps 2022, leurs besoins de financement dans un contexte de craintes sur l’approvisionnement et de hausse des prix. Nous privilégions les valeurs les plus responsables, en regardant en particulier le niveau de leurs émissions carbone » conclut Maxime Mura, alors que le label ISR amène de nouvelles opportunités de gestion pour les fonds de trésorerie.
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