Par Rudy Casbi

Alors que la France et l’Europe se trouvent à un moment stratégique dans leurs relations avec la Chine, la tentation de la prudence ou du refus de coopération est forte, alimentée par la crainte de perdre le contrôle de technologies clés. Pourtant, l’inaction pourrait coûter bien plus cher. C’est dans ce contexte qu’un Fonds Franco-Chinois d’Investissement et d’Innovation pourrait jouer un rôle déterminant, en transformant une inquiétude géopolitique en un levier de croissance économique et numérique.
Ce fonds vise une approche ambitieuse et structurante. Contrairement aux fonds MidCap précédents, comme le Sino French MidCap Fund II de 2018 qui avait injecté 1,2 milliard d’euros dans des entreprises de taille moyenne à fort potentiel, ce nouveau fonds prévoit une capitalisation comprise entre 500 et 600 milliards d’euros. Il combinerait le développement d’infrastructures numériques stratégiques, l’intelligence artificielle, les data centers et un impact territorial direct en Europe et en Chine, tout en intégrant un volet africain inédit. Là où les fonds précédents ciblaient principalement des entreprises existantes, ce fonds se positionne comme un catalyseur global de souveraineté technologique et d’écosystème numérique partagé entre trois continents.
Gouvernance harmonisée
La gouvernance du fonds repose sur un équilibre clair entre l’Europe et la Chine. En Europe, la majorité reste européenne, avec une participation chinoise de 35 %, et la supervision est assurée depuis Station F à Paris. En Chine, la majorité est chinoise, avec une participation européenne de 35 %, pilotée depuis Shenzhen. Cette organisation garantit que chaque bloc conserve le contrôle de ses projets locaux tout en participant à la gouvernance globale, créant un cadre de confiance et d’efficacité opérationnelle.
Impact économique tangible
Les retombées sur l’emploi sont significatives et immédiates. En France, la modernisation et le renforcement des data centers, notamment celui de Valence dans la Drôme, ainsi que le projet d’IA et de data center en Seine-et-Marne, pourraient générer jusqu’à 8 000 emplois directs. Les hubs d’intelligence artificielle, les startups et les laboratoires basés à Station F, Lyon ou Grenoble contribueraient à la création de 10 000 à 12 000 emplois supplémentaires.
Au total, entre 20 000 et 30 000 emplois directs seraient créés, incluant la formation de nouvelles compétences et le soutien aux filières technologiques.
En Chine, le fonds pourrait générer entre 40 000 et 50 000 emplois, en particulier dans la construction de data centers, le développement logiciel, l’intelligence artificielle industrielle et les infrastructures cloud. Cette coopération bilatérale offrirait des synergies industrielles et technologiques, renforçant la compétitivité des entreprises des deux pays sur les marchés internationaux.
En Afrique, grâce à la participation d’Afreximbank, le fonds pourrait financer des datacenters régionaux et des infrastructures cloud souveraines, tout en soutenant des plateformes éducatives et entrepreneuriales basées sur l’intelligence artificielle. Ces projets permettraient de créer des milliers d’emplois indirects et de stimuler le développement technologique et économique sur le continent, en favorisant l’innovation locale et la formation de compétences stratégiques.
Réseaux d’affaires et clubs internationaux
Au-delà des infrastructures et des emplois, le fonds jouerait un rôle clé dans la création et le renforcement des réseaux d’affaires internationaux. Les clubs business et plateformes professionnelles permettraient aux entreprises et aux investisseurs de partager compétences, expériences et opportunités. Ces réseaux favoriseraient le transfert de technologies, accéléreraient le développement de projets innovants et consolideraient la souveraineté économique de chaque région impliquée. Ainsi, le fonds ne se limite pas à un instrument financier : il devient un écosystème de coopération et d’innovation durable, capable de générer un impact stratégique à long terme.
Le Fonds Franco-Chinois transforme l’inquiétude en puissance économique et numérique. Il crée un écosystème autonome et vivant, combinant innovation, emplois, infrastructures et réseaux d’affaires internationaux. Grâce à cette initiative, la France, l’Europe, la Chine et l’Afrique peuvent collaborer de manière stratégique, renforcer leur compétitivité et bâtir un développement durable et indépendant.