jeu. Oct 3rd, 2024

Les fluctuations du bitcoin à la hausse ou à la baisse sapent sa crédibilité en tant que  monnaie. La stabilité est indispensable pour qu’une monnaie soit utilisée, l’envolée récente du  bitcoin réduit donc la probabilité de le voir utilisé à la place de l’euro. L’intérêt du bitcoin, qui  ne permet pas de simplifier le fonctionnement de l’économie, réside avant tout dans les gains  spéculatifs qu’il permet d’espérer. L’adoption du bitcoin comme monnaie à la place des 

monnaies utilisée actuellement est peu probable car cela paralyserait la politique économique. 

1) Volatilité : un obstacle à l’utilisation  

quotidienne du bitcoin 

La hausse récente du bitcoin, loin de marquer son utilité comme monnaie, est le reflet du  caractère hautement spéculatif de cet actif. Depuis la fin de l’été 2023, le cours du bitcoin  (exprimé en dollars) a gagné plus de 60 % pour des raisons qu’il est difficile d’objectiver au vu  du caractère spéculatif de ce marché (la possibilité de voir des ETF1basés sur le bitcoin  approuvés par le régulateur américain a vraisemblablement soutenu le cours2). Ce rebond des  cours ne signifie pas que le bitcoin va être plus utilisé comme monnaie puisqu’il renforce la  volatilité de cet actif. 

– Le bitcoin est caractérisé par une volatilité élevée. La volatilité du bitcoin est environ quatre  fois plus élevée que celle des actions ou de l’or3. Les fortes variations de cours ne sont pas  surprenantes puisque le prix du bitcoin ne repose sur aucune réalité économique concrète, à  la différence d’une action par exemple dont le cours reflète les profits actualisés futurs. Le  bitcoin offre moins de stabilité que la plupart des monnaies, à l’exception des pays souffrant  d’une inflation forte et (ou) d’une violente dépréciation de leur monnaie (Venezuela,  Zimbabwe par exemple). 

– Une monnaie doit offrir de la stabilité et de la prévisibilité. Une monnaie se définit par ses  trois fonctions : échanger, compter (exprimer les prix) et épargner. Remplir ces fonctions  nécessite, pour une monnaie, d’offrir à ceux qui l’utilisent une valeur stable dans le temps.  Ainsi, les mouvements brusques du bitcoin, qu’ils soient à la hausse ou à la baisse, réduisent  son intérêt en tant que monnaie tout en renforçant son attrait spéculatif (un actif volatil offre  des opportunités de gains spéculatifs plus importants). Ainsi, le récent rebond du bitcoin  n’incite pas à utiliser cet actif comme monnaie mais le rend plus attractif comme support de  spéculation. 

Innovation : son objectif est de permettre aux  agents économiques de simplifier leur quotidien 

Une innovation vise à simplifier l’activité des agents économiques, ce qui n’est pas le cas  du bitcoin. L’automobile a été une innovation utile et adoptée par les utilisateurs car elle offrait  une rapidité et un confort grandement supérieur à la calèche. Dans le domaine monétaire, la  carte de paiement a supplanté le chèque et les espèces du fait de sa simplicité et de sa sécurité  d’utilisation. Au quotidien, le bitcoin ne facilite pas les transactions réalisées par les ménages  ou les entreprises qui disposent déjà de moyens de paiement faciles d’utilisation et sécurisés (à  l’exception des pays où le système monétaire est défaillant). En plus de sa forte volatilité, son  utilisation nécessiterait, pour un ménage ou une PME par exemple, de jongler avec un compte en euro et un autre en bitcoin. Ainsi, l’utilisation du bitcoin complexifierait le quotidien des  agents économiques, il ne représente donc pas une innovation utile. 

3) Le bitcoin comme monnaie mondiale : un  scénario irréaliste 

La perspective de voir le bitcoin remplacer les monnaies actuelles ou devenir la monnaie  de référence mondiale n’est pas souhaitable. À l’échelle d’un pays, la « bitcoinisation »  impliquerait de se priver de la possibilité de mener une politique monétaire autonome. À  l’échelle mondiale, la perspective de voir le bitcoin remplacer l’ensemble des monnaies est  illusoire car il n’existe ni gouvernement ni fiscalité planétaire. 

– Remplacer sa monnaie par le bitcoin serait une mauvaise stratégie pour un pays. Le  bitcoin est assez semblable à l’étalon or, en ce sens qu’il n’est pas possible pour un pays de  modifier la quantité de bitcoin (ou d’or) en circulation sur une simple décision de politique  monétaire. Ainsi, un pays qui utiliserait exclusivement le bitcoin reviendrait dans un système  équivalent à l’étalon-or. Autrement dit, le bitcoin est basé sur une technologie de pointe qui  permettrait de ramener le système monétaire deux siècles en arrière… Un pays « bitcoinisé »  ne pourrait plus faire varier la quantité de monnaie en fonction des aléas de la conjoncture, il  

s’interdirait donc de mener une politique monétaire autonome et se priverait d’un outil  essentiel de politique économique en cas de crise (par exemple si une récession nécessitait  une politique monétaire expansionniste). Le cas du Salvador (où le bitcoin est désormais une  monnaie officielle avec le dollar) est spécifique car ce pays, qui était dollarisé, ne pouvait de  toute façon pas mener de politique monétaire propre. 

– Le bitcoin ne peut pas devenir l’unique monnaie mondiale. L’hypothèse de voir le bitcoin  remplacer l’ensemble des monnaies mondiales est irréaliste. En effet, il n’existe pas de  gouvernement et de fiscalité mondiale. Si le bitcoin devenait l’unique monnaie mondiale,  lorsqu’une crise frapperait un ou plusieurs pays, ceux-ci ne pourraient pas dévaluer leur  monnaie pour relancer leurs exportations ou abaisser leur taux d’intérêt. Ils ne recevraient pas  non-plus d’aide budgétaire du reste du monde puisqu’il n’existe pas de fiscalité ni de  gouvernement mondial. Ainsi, les pays en crise auraient tout intérêt à créer leur propre  monnaie pour la laisser se déprécier ou mener une politique monétaire expansionniste. Dans  le fond, un monde totalement « bitcoinisé » souffrirait des mêmes problèmes que la zone euro,  mais en pire car il existe certains mécanismes de transferts entre pays de la zone euro ainsi  qu’une relative ressemblance dans leurs structures économiques. 

L’aperçu de l’ETF au comptant

Bien que nous ne sachions pas avec certitude si la SEC va approuver un ETF bitcoin spot, cela semble de plus en plus probable compte tenu de l’activité des candidats, avec de nombreux amendements au formulaire d’enregistrement initial concernant les frais, les candidats cherchant à se faire concurrence pour attirer les investisseurs. 

Il est difficile de dire ce qu’il adviendra du prix. Nous pourrions avoir une situation de “vente de la nouvelle” et le prix pourrait chuter, mais je pense que ce ne serait qu’à court terme. Ou bien nous pourrions assister à une vague d’achats, les commerçants de détail essayant de devancer les futures entrées d’investisseurs institutionnels par le biais de cet ETF agréé.

Néanmoins, nous devons nous rappeler que si l’approbation d’un ETF spot par la SEC serait un événement historique, ce n’est pas le seul catalyseur potentiel qui pourrait déclencher le prochain marché haussier des crypto-monnaies. La prochaine réduction de moitié de la récompense du bloc (au moment de la rédaction) n’est que dans 105 jours, et nous avons vu par le passé comment cela a été le marqueur du début des marchés haussiers qui ont suivi.

En outre, avec le ralentissement de l’inflation dans les principales économies, les banques centrales respectives pourraient commencer à assouplir les conditions financières, ce qui, historiquement, est le moment où les prix des actifs (marchés des actions et des crypto-monnaies) se sont bien comportés.

 

Par Asterès et Simon Peters, analyste de marchés chez eToro

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