mar. Juin 17th, 2025

Jusque dans les années 1990, l’obtention du permis de conduire à 18 ans était un rituel incontournable. L’objectif était de l’avoir le jour même de ses 18 ans. Ce dernier était synonyme d’émancipation. Les employeurs exigeaient de leurs salariés la possession du permis avant de les embaucher. Une voiture, même vieille, était un gage de liberté. Aujourd’hui, dans une société plus urbaine et pour des raisons financières, de plus en plus de Français se détournent de la voiture et du permis.

 

Selon une étude du Crédoc de 2025, 20 % des Français affichant un désintérêt pour la voiture sont mineurs et donc hors d’âge pour passer le permis, 9 % des adultes n’ont pas de permis reconnu en France et au moins 4 % sont durablement inaptes à la conduite pour raisons médicales ou cognitives.

 

Ce tiers de la population constitue ce que l’étude nomme les éconduits structurels : individus pour lesquels l’accès au volant est, par nature, impossible. Au total, plus de 22 millions de personnes dépendent d’autres individus ou de services de transports collectifs pour leur mobilité.

 

Si 67 % des Français disposent d’un permis de conduire, seuls 18 % de ces titulaires déclarent n’être jamais empêchés de conduire. En d’autres termes, 82 % des automobilistes potentiels renoncent, à des degrés divers, à l’usage de leur véhicule.

 

23 % renoncent quasiment systématiquement dans certaines situations, 21 % fréquemment (au moins une fois par mois) et 38 % occasionnellement (moins d’une fois par mois).

 

Plusieurs facteurs expliquent cette proportion élevée de personnes qui renoncent partiellement ou totalement à conduire. Le coût des déplacements (essence, péage) conduit 13 % des détenteurs du permis à ne pas conduire chaque mois, soit plus de 6 millions de personnes. L’indisponibilité du véhicule (utilisé par autrui ou en panne) concerne 35 % des usagers, et jusqu’à 54 % des jeunes usagers. Les problèmes administratifs constituent également un facteur de renoncement important : le défaut d’assurance explique 10 % des cas, la suspension du permis, 9 %, l’absence de contrôle technique pour la voiture, 15 % sur l’année.

 

La crainte de la somnolence incite 28 % des détenteurs de permis à renoncer à conduire. 43 % des conducteurs sont réticents à conduire la nuit. 7 % préfèrent s’abstenir complètement de conduire la nuit. 10 % des titulaires du permis évitent de conduire dans les villes. 10 % également refusent les parcours en montagne. Par ailleurs, près d’un conducteur sur deux, ne prend pas la route face à des conditions climatiques défavorables (pluie, neige, etc.).

 

 

 

Les femmes sont plus souvent que les hommes amenées à renoncer à conduire. 50 % des femmes refusent de conduire la nuit, contre 36 % des hommes. 55 % évitent les mauvaises conditions météo, contre 45 % des hommes. Ces derniers renoncent plus souvent pour des raisons administratives ou matérielles : défaut d’assurance (13 % contre 6 %), suspension de permis (12 % contre 4 %), absence de contrôle technique (17 % contre 9 %). Les jeunes conducteurs de 18 à 24 ans sont nombreux à renoncer à la conduite faute de voiture. Le coût d’utilisation de la voiture explique en grande partie ce renoncement, qui concernerait 97 % des 19-24 ans.

 

Dans les grandes agglomérations, le renoncement à la conduite est imputable à l’offre de transports publics et aux difficultés rencontrées par les automobilistes pour circuler et se garer. 35 % des Parisiens évitent la conduite urbaine, contre 29 % en moyenne. 51 % renoncent à cause du stationnement (contre 36 % en moyenne). Par ailleurs, les Parisiens n’aiment guère sortir de leur région : 36 % des habitants de Paris ne se rendent pas en zone rurale.

 

L’incapacité à se déplacer en motorisé n’est pas sans conséquence. 32 % des titulaires du permis renoncent à voir leurs proches, 22 % à consulter un médecin et 21 % à effectuer des démarches administratives. En milieu rural, et même dans les grandes agglomérations, les alternatives à la voiture ne sont pas toujours évidentes. Le renoncement à la conduite est donc un facteur important d’exclusion sociale.

 

Longtemps symbole d’autonomie et d’intégration sociale, le permis de conduire n’a plus le même pouvoir d’attraction ni la même utilité dans la société française contemporaine. La montée des contraintes économiques, la densification urbaine, les enjeux écologiques, mais aussi les obstacles matériels et psychologiques ont profondément reconfiguré le rapport des Français à la conduite automobile. Ce phénomène n’est pas marginal : il touche toutes les générations, toutes les catégories sociales, et révèle une fracture silencieuse dans l’accès à la mobilité. Or, l’incapacité à se déplacer librement demeure un puissant vecteur d’exclusion. Dans un pays où la voiture reste souvent indispensable, notamment hors des centres urbains, le renoncement à la conduite appelle une réflexion d’ensemble sur l’aménagement du territoire, l’accessibilité des services, et l’invention de nouvelles formes de mobilité plus inclusives.

 

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