mar. Mai 20th, 2025
Face à la dégradation de la situation géopolitique, la France et l’Union européenne doivent accroître leur autonomie stratégique. Des objectifs de dépenses militaires équivalentes à 3,5 % du PIB, voire 5 %, contre 2 % actuellement sont évoqués dans le débat national et européen, dans un contexte de finances publiques déjà fragiles. Dans le prolongement de notre contribution au débat sur le service national, cette nouvelle note flash a pour objectif d’éclairer les enjeux de financement d’un tel effort de réarmement. Elle se projette en 2030 en tenant compte des contraintes et autres priorités qui pèseront sur nos comptes publics dans les cinq prochaines années.
L’Europe sur la voie du réarmement

Depuis 2014, l’Europe a entamé un réarmement, accéléré par la guerre en Ukraine. D’abord à l’Est, plusieurs pays ont déjà fortement augmenté leurs budgets militaires. Si la France a vu ses dépenses stagner autour de 2 % du PIB ces 25 dernières années, la dernière loi de programmation militaire (LPM) a engagé une forte hausse jusqu’à 2030 ; aller au-delà nécessitera un effort supplémentaire historique.

Financer le réarmement : quatre leviers possibles, plusieurs instruments nécessaires

Quatre leviers existent théoriquement pour financer cet effort :

  1. La maîtrise des dépenses publiques, qui impliquerait des réductions inédites dans d’autres domaines (prestations sociales, fonction publique…).
  2. Une hausse majeure des prélèvements obligatoires, qui aurait des effets néfastes sur l’activité.
  3. Une croissance du taux d’emploi, ambitieuse et difficile à court terme.
  4. Le recours à un financement européen, en particulier via un endettement commun, qui soulèverait des défis politiques et juridiques, mais permettrait de mutualiser en partie l’effort avec nos partenaires.

Opter pour un levier unique semble irréaliste au vu de l’ampleur de l’effort requis. Pour un tel financement, mobiliser plusieurs instruments serait donc nécessaire – notamment des réformes et des mesures d’économies. Le juste équilibre entre ces leviers devra faire l’objet d’un débat démocratique.

« Pour être crédible, durable et acceptable, cet effort devra s’articuler avec les autres priorités de notre société, le respect du modèle social, la transition écologique ou les investissements dans l’éducation et la connaissance, ainsi que, pour la France en particulier, le rétablissement de nos comptes publics, également gage de souveraineté », souligne Clément BEAUNE, Haut-commissaire au Plan et Commissaire général de France Stratégie.

La nécessité d’une mobilisation massive et d’une coopération européenne

Au-delà des enjeux budgétaires, ce réarmement pourrait aussi se heurter à plusieurs obstacles : un recrutement complexe, des chaînes de production tendues, notamment sur la main d’œuvre ou sur les matériaux critiques, impliquant une mobilisation collective pour réaliser une telle ambition.

Par ailleurs, l’efficacité du réarmement dépendra de la coopération européenne. Pour sa bonne organisation, des revues stratégiques coordonnées et un document de programmation militaire européen, une dépense financée partiellement par de la dette commune, et une cible de dépenses collective – visant par exemple à l’achat d’équipements produits en Europe (« 1 % européen ») -, pourraient être mis en œuvre afin d’accroître notre autonomie stratégique.

« De la prescription à la production, c’est un nouveau modèle européen, politique et industriel, qu’il faut inventer pour réussir un effort de défense coordonné, inédit par son ampleur et son rythme », conclut Clément BEAUNE.

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