Il est encore trop tôt pour savoir quels seront les changements de politique de l’Europe suite à l’évolution du Parlement européen. Va-t-on vers une atténuation du Green Deal ? La politisation de ce sujet ces dernières années et la baisse de la représentation du groupe écologiste laissent courir cette éventualité.
En revanche, la France se trouve plongée dans une incertitude plus grande encore. Si l’on en croit Standard & Poors, qui a dégradé il y a peu la note long terme de la France, le regain de croissance à attendre des réformes ne suffira pas à réduire les déficits. Après avoir récemment coupé 10 milliards dans les dépenses, le gouvernement était à la recherche de 20 milliards pour 2025. L’absence de majorité à l’Assemblée ne simplifiait pas la tâche. C’est donc sur une corde raide économico-financière et politique que la France se voit rappeler brusquement et sans prévenir devant les urnes.
Si toute élection réserve un potentiel de surprises, trois scénarios émergent aujourd’hui à nos yeux :
∙ La reconduction peu ou prou de la même majorité relative, renvoyant la France à la situation actuelle, laissant le pays plus ou moins gouvernable. Il pourrait cependant y avoir des recherches de coalitions plus larges avec d’autres partis mais aucune n’a abouti jusqu’ici.
∙ Une majorité relative pour le RN, laissant la France encore moins gouvernable étant donné que les oppositions auraient moins de mal à s’unir au regard de la polarisation que peut engendrer ce parti. Au point qu’elle pourrait aboutir à la nomination comme Premier ministre d’une personnalité extérieure ou d’un autre parti, soutenue par le RN, à la recherche d’un consensus plus large.
∙ Une majorité absolue pour le RN.
Le programme économique que le RN présentera d’ici trois semaines n’est pas encore connu. Le dernier programme complet affiché lors de la dernière élection présidentielle de 2022 faisait l’objet de chiffrages 1 correspondant à une nette détérioration des finances publiques, inquiétante vu la situation actuelle de la France. On pourra toujours objecter qu’en 2022, le programme de Giorgia Meloni également très « volontariste » suscitait de vives craintes quant à une crise de la dette qui n’est finalement jamais venue. A contrario, Liz Truss au Royaume-Uni, dans le même contexte, n’y a pas échappé. Le déficit public italien, à 7.2% du PIB en 2023, reste considérable et sous haute surveillance des agences de notation et des investisseurs. Et on peut très bien imaginer que ce que les investisseurs internationaux sont prêts aujourd’hui à accepter pour l’Italie ne le sera plus pour l’Italie et la France, si cette dernière devait repartir dans une politique de creusement des déficits.
Il est donc difficile de spéculer sur la dynamique française et européenne des prochaines semaines. La réaction des marchés à l’heure où nous écrivons est mesurée, avec un écartement de spread de 6 points de base entre l’OAT et le Bund, une remontée du Franc suisse et du Dollar de 0,5% face à l’euro. Nous ne serions pas surpris de voir une prime de risque européenne se reconstituer le temps d’y voir plus clair et analysons actuellement notre allocation d’actifs.
Achevé de rédiger le 10/06/2024
1 https://www.institutmontaigne.org/expressions/les-quatre-points-retenir-du-programme de-marine-le-pen
GLOSSAIRE
- Le spread désigne l’écart entre le taux de rentabilité actuariel d’une obligation et celui d’un emprunt sans risque de même maturité.
- European Green Deal — le pacte vert pour l’Europe — en français, est un ensemble d’initiatives politiques proposées par la Commission européenne dans le but primordial de rendre l’Europe climatiquement neutre en 2050
- OAT – Obligation assimilable du Trésor – sont des emprunts d’État français, émis pour une durée de 2 ans minimum et 50 ans maximum. Leur crédit est celui de l’État. Il s’agit donc de titres de dette de l’État.
- Le Bund est l’obligation d’État allemande (équivalent de l’OAT française) qui sert parfois de référence pour le calcul de la marge actuarielle (spread) des obligations de la zone euro.