Dans le cadre de leur stratégie RSE et dans un contexte de hausse inédite des coûts de l’énergie, les entreprises et les particuliers sont de plus en plus nombreuses à faire le choix de l’autoconsommation et à installer en particulier des panneaux solaires sur leurs toits ou leurs terrains pour leur propre alimentation électrique ou pour en faire bénéficier des entreprises ou des particuliers situés à proximité. Comme le révèle la 5e édition de l’Observatoire international des transitions énergétiques de De Gaulle Fleurance Avocats Notaires, le phénomène est mondial et est souvent favorisé par des réglementations encourageant le développement des énergies renouvelables et de l’autoconsommation. Tour d’horizon de cette tendance de marché en Allemagne, au Brésil, en Colombie, en France, en Grèce, en Inde, au Royaume-Uni, au Togo et en Turquie, avec les contributeurs de l’Observatoire : Aquereburu & Partners, AZB & Partners, Becker Büttner Held, Bpifrance, Brigard Urrutia, KiloWattsol, KMU Law Office, Rokas, SerenySun, Shakespeare Martineau et SiqueiraCastro.
Chiffres clés
+ 85 %. C’est la croissance du solaire en Allemagne en 2023.
684 000 nouveaux systèmes d’autoconsommation installés au Brésil pour un total de 8,3 GW en 2023.
5 729 de petits auto-consommateurs (<1MW) installés en Colombie en 2023.
200 000 nouveaux projets d’autoconsommation en France sur la seule année 2023 (+77 % vs 2022).
421 MW. C’est ce que représente l’autoconsommation des ménages, des entreprises, des municipalités et des communautés énergétiques en Grèce en 2023 (soit + 100 % par rapport à 2022).
9 711 nouvelles entreprises en Inde ont mis en place leur propre centrale électrique pour répondre à leurs besoins sur la seule année 2022.
92 946 installations d’autoconsommation en mars 2023 au Royaume-Uni (soit un quasi-triplement en l’espace d’un an).
75 %. C’est la part des énergies renouvelables visée par le Togo à l’horizon 2030.
6 548 MW de puissance installée en autoconsommation individuelle en Turquie à la fin 2020, 1 an seulement après l’entrée en vigueur de la réglementation de ce dispositif.
L’autoconsommation peut être individuelle ou collective. Individuelle, elle désigne une entité (particulier ou entreprise) qui installe une centrale électrique (la plupart du temps photovoltaïque) sur sa propriété et consomme directement l’énergie ainsi produite. Collective, elle réunit plusieurs acteurs sur un même territoire qui consomment directement l’électricité (la plupart du temps solaire) qu’ils produisent eux-mêmes.
L’essor de cette pratique est lié en particulier au coût de l’énergie solaire qui, dès 2027, devrait être la moins chère dans la quasi-totalité des pays du monde. Résultat : sa part dans l’énergie mondiale devrait atteindre 60 % à l’horizon 2060 (versus 5 % aujourd’hui). « La crise actuelle de l’énergie a agi comme un électrochoc sur les particuliers comme sur les entreprises », analyse Xavier Daval, PDG de KiloWattsol. « Et l’énergie solaire, tout comme l’autoconsommation, sont passées de concept attractif à réalité impérative pour se protéger contre l’explosion des prix du marché. »
La tendance s’observe en France qui, avec la réforme de l’ARENH, devrait, selon Xavier Daval, voir le prix de l’électricité traditionnelle se stabiliser à 70 euros le MWh en 2026 (vs 42 euros hier). Face à cette évolution, l’industrie estime qu’il faudra ainsi équiper en centrale photovoltaïque 4 millions de foyers d’ici 2035.
Autre facteur déterminant : le développement de la réglementation RSE dont l’un des objectifs est de diminuer les émissions de gaz à effet de serre afin d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, conformément aux Accords de Paris. Dans cette perspective, les entreprises sont encouragées à décarboner leurs activités. Soit via des mesures incitatives : régime fiscal avantageux, prime, possibilité de revendre le surplus d’électricité non consommé à un tarif garanti… Soit via de nouvelles obligations : la France impose ainsi progressivement aux propriétaires de bâtiments ou de parkings de plus de 500 m2 d’installer des panneaux photovoltaïques sur une partie de leur surface.
« De plus en plus, les propriétaires et exploitants d’immeubles ou de bâtiments industriels/surfaces tertiaires vont choisir la solution de l’autoconsommation pour répondre aux obligations réglementaires », note Julien Lupion, responsable du département financements structurés à Bpifrance. « Nous observons déjà un réel engouement pour ces projets. »
Allemagne – Yola Traum, avocate chez Becker Büttner Held
L’Allemagne a été précurseur dans le développement de l’autoconsommation qu’elle a depuis longtemps encouragée. Au printemps 2024, la réglementation encadrant l’autoconsommation collective a été assouplie, avec l’adoption du paquet législatif pour l’énergie solaire (Solarpaket I). Jusqu’alors strictement réservé à une utilisation entre des propriétaires et leurs locataires, le dispositif est étendu aux bâtiments commerciaux et aux installations annexes telles que les garages.
Brésil – Humberto Negrão, associé chez SiqueiraCastro
Le Brésil dispose de deux principaux dispositifs d’autoconsommation. Le 1er concerne les projets inférieurs à 5 MW pour lesquels les producteurs d’électricité renouvelable doivent toujours passer par une société de distribution pour consommer l’électricité mais à un tarif réduit. Selon un système analogue à la méthode “Value of Solar” fréquemment utilisée aux États-Unis, ces auto-consommateurs pourront également bientôt bénéficier d’un bonus tenant compte des externalités positives de leur installation. Le 2nd dispositif d’autoconsommation concerne les acteurs ayant une consommation mensuelle supérieure à 500 kW et qui utilisent l’énergie produite par la centrale d’un producteur d’électricité indépendant qu’il possède. Ces derniers bénéficient de certaines réductions de redevances sectorielles qu’ils perdent lorsqu’ils veulent revendre leur surplus d’électricité.
Colombie – Claudia Navarro Acevedo, associée chez Brigard Urrutia
Le gouvernement colombien encourage les projets visant à promouvoir l’autoconsommation d’électricité, via des avantages fiscaux, la possibilité de vendre l’énergie excédentaire et des financements publics. Les projets reposant sur les énergies renouvelables sont davantage soutenus. Seule l’autoconsommation individuelle existe aujourd’hui. Mais une réglementation sur l’autoconsommation collective, sous la forme de communauté énergétique, devrait voir le jour en 2024.
France – Sylvie Perrin, Frédéric Paquet, associés, Claire Haas, Alexandra Nowak, avocates, Béatrice Boisnier, juriste, chez De Gaulle Fleurance
En France, même si différents dispositifs ont été mis en place pour faciliter le développement de l’autoconsommation et de l’énergie solaire, des freins persistent. En particulier, l’autoconsommation collective ne bénéficie pas des mêmes avantages fiscaux que l’autoconsommation individuelle. Et ces projets peuvent avoir davantage de difficultés à trouver des financements. « Pendant des années, les banques ont financé des projets assortis d’obligations d’achat sur 20 ans, à un tarif garanti », explique Donald François, Fondateur de SerenySun. « Aujourd’hui, elles doivent appréhender ce nouveau modèle que constituent les projets d’autoconsommation collective. Il s’agit d’aller chercher des auto-consommateurs qui pourront entrer et sortir du projet quand ils le souhaitent, avec un prix qui n’est pas fixe sur 20 ans mais obéit à la loi de l’offre et de la demande. »
Grèce – Mira Todorovic Symeonides, associée et Panagiota Maragkozoglou, avocate chez Rokas
En Grèce, les aides à l’autoconsommation sont généreuses. Avec un budget de 238 millions d’euros, les subventions pour l’installation (jusqu’à 10,8 kW) s’élèvent à 65 % pour les ménages et à 40 % pour les agriculteurs, tandis que les subventions pour les batteries de stockage (jusqu’à 50 kWh) vont de 90 % à 100 %. Avec un autre budget de 30 millions d’euros, les agriculteurs reçoivent une subvention de 30 % du coût de l’installation (jusqu’à 50 kWh). Par ailleurs, les petites et moyennes entreprises ou les travailleurs indépendants qui s’équipent sont autorisés à déduire de leur revenu brut le double du coût de leur investissement.
Inde – Bahram N. Vakil – co-fondateur et associé principal, Anuja Tiwari – associée principale, Siddhanth Mitra – avocat chez AZB & Partners
En Inde, l’autoconsommation s’est aussi beaucoup développée avec des sources d’énergie très variées (hydro, vapeur, diesel, gaz, éolienne, solaire…). Les industries à forte consommation d’énergie telles que l’aluminium, le ciment, les produits chimiques, etc. ont mis en place leurs propres centrales électriques, soit pour compléter l’électricité achetée auprès des services publics, soit pour une utilisation d’urgence afin de se protéger contre le manque de fiabilité du réseau électrique local, par exemple en cas de restriction, de panne ou de coupure d’électricité. La loi de 2003 et les règlements établis ont facilité l’adoption de l’autoconsommation à partir de sources d’énergie renouvelable en Inde.
Royaume-Uni – Isaac Murdy, avocat, Sushma Maharaj, consultante, Peter Mayhew, avocat, Daniel Clarke, directeur juridique, chez Shakespeare Martineau
Au Royaume-Uni, l’adoption en 2020 du Smart Export Guarantee Scheme qui permet aux auto-consommateurs de revendre l’électricité qu’ils ne consomment pas, a largement contribué à développer le marché de l’autoconsommation dont le nombre de projets, en 2023, a été multiplié par quasiment 3 en l’espace d’un an. Au-delà de cette évolution réglementaire, l’innovation technologique a joué un rôle important, avec l’émergence de plateformes d’échange d’énergie de pair à pair, s’appuyant sur l’intelligence artificielle (IA) et la blockchain. En 2018, à Hackney, des habitants ont ainsi pu échanger automatiquement entre eux l’énergie solaire produite sur leur territoire. Des compteurs intelligents avec IA prédisent la demande de consommation, tandis que la blockchain permet de programmer et compenser les échanges.
Togo – Moamar Tidjani, avocat chez Aquereburu & Partners
Le Togo vise un taux d’électrification de 100 % d’ici 2030, avec une part de 75 % d’énergies renouvelables. Depuis 2018, toute personne physique ou morale peut produire de l’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables pour sa propre consommation et a le droit de revendre le surplus.
Turquie – Mert Mustecaplioglu, associé ; Özge Kaplan, avocate ; et Zeynep Nisa Aydın, stagiaire, au cabinet KMU Law Office
Depuis 2019, l’autoconsommation individuelle est encadrée par la réglementation et désigne des installations de production d’électricité renouvelable sans licence. Les auto-consommateurs ont le droit de vendre l’électricité excédentaire à l’opérateur public, avec des tarifs garantis. S’ils utilisent 55 % de composants turcs dans leurs installations, ils bénéficient d’aides supplémentaires. Au-delà de 5 MW, l’installation doit être agréée par l’autorité turque de régulation du marché de l’énergie.
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