ven. Oct 31st, 2025

Antoine Fraysse-Soulier, analyste de marché pour eToro

 

L’Europe s’apprête à franchir une étape majeure dans la consolidation de son industrie spatiale. Airbus, Leonardo et Thales ont signé un protocole d’accord (MoU) visant à regrouper leurs activités spatiales dans une entité commune. Ce futur géant, détenu à 35 % par Airbus et à 32,5 % chacun par Leonardo et Thales, pèserait environ 6,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires et rassemblerait près de 25 000 employés, avec un siège envisagé à Toulouse. L’objectif est de créer un champion européen capable de rivaliser avec les mastodontes américains comme SpaceX, Lockheed Martin ou Amazon Kuiper.

Une ambition industrielle et stratégique

La nouvelle entité regrouperait les divisions Airbus Space Systems, Thales Alenia Space et Telespazio, soit un spectre complet allant de la fabrication de satellites à la fourniture de services d’observation et de connectivité.

Ce projet s’inscrit dans un objectif de souveraineté technologique européenne. L’Union européenne veut éviter que le marché spatial soit dominé par les géants américains, alors que les besoins en connectivité, observation de la Terre et sécurité spatiale explosent.

Cette consolidation vise aussi à réduire les doublons industriels, mutualiser la R&D, accélérer les cadences de production et répondre plus rapidement aux appels d’offres publics. L’Europe souffre de sa fragmentation, chaque pays dispose encore de son propre écosystème spatial. L’unification permettrait d’améliorer la compétitivité et de soutenir les start-up de la “new space economy” européenne.

Les implications financières

Sur le plan financier, cette fusion devrait générer d’importantes synergies industrielles et de coûts. La mutualisation des plateformes de satellites et la rationalisation des sites industriels devraient à terme améliorer les marges d’un secteur jusqu’ici peu rentable.
Cependant, les effets positifs ne seront pas immédiats. La fusion entraînera des coûts de réorganisation et des intégrations complexes sur le plan opérationnel. Les bénéfices économiques concrets ne devraient apparaître qu’à l’horizon 2027–2028.

Les marchés financiers ont accueilli l’annonce avec prudence mais optimisme, les investisseurs saluant la volonté de rationalisation, tout en restant attentifs à la réaction de Bruxelles.

Les défis à surmonter

Les principaux obstacles seront réglementaires et politiques. La Commission européenne devra valider le projet au regard des règles de concurrence, et les États membres devront s’accorder sur la répartition des sites, des compétences et des emplois, des négociations qui s’annoncent délicates.

Cette fusion pourrait marquer la naissance d’un véritable géant spatial européen capable de hisser l’Europe au niveau des puissances américaines et asiatiques. Si elle réussit, elle offrira à l’industrie européenne la taille critique nécessaire pour affronter la nouvelle course au spatial. Mais sa réussite dépendra d’un équilibre subtil entre souveraineté, compétitivité et gouvernance partagée, un véritable défi.

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