Par Antoine Fraysse-Soulier, responsable de l’analyse de marchés chez eToro
Sept jours après avoir déballé son “tableau” des droits de douane envers plus d’une cinquantaine de pays provoquant une des plus grosses chutes des marchés de ces cinq dernières années, Donald Trump vient de faire marche arrière, annonçant la suspension pendant 90 jours de nombreux droits de douane récemment entrés en vigueur.
Après avoir démarré la séance en baisse, l’indice S&P 500 a grimpé de près de 10,8 % marquant la 4e plus forte hausse journalière depuis 1982 , tandis que l’indice Nasdaq 100 a enregistré sa plus forte hausse journalière depuis 2001. Les bons du Trésor à court terme ont chuté, annulant leurs gains antérieurs, les investisseurs réduisant leurs paris sur une baisse des taux d’intérêt et le dollar s’appréciant face à des devises refuges comme le yen japonais et le franc suisse.
Les marchés ont connu une volatilité sans précédent, avec des fluctuations extrêmes et historiques. L’indice VIX, qui mesure la peur à Wall Street, a chuté de façon spectaculaire, tandis que les bons du Trésor ont enregistré des variations de rendement exceptionnelles, dépassant 0,3% pour les maturités à 2 et 30 ans. Ces mouvements simultanés, d’une ampleur inégalée depuis 1998, témoignent d’une volatilité extrême sur les marchés.
Ces mouvements – puis le retournement brutal de mercredi – sont du type de ceux que l’on observe habituellement lors de crises comme le début de la pandémie en 2020 ou lors de la faillite de la 4e plus grosse banque américaine, Lehman Brothers, lors de la grande crise financière de 2008.
Dans ce cas particulier, la confiance des investisseurs a été ébranlée par les actions imprévisibles d’un président américain qui a tenté de modifier unilatéralement les règles du commerce international. Cette incertitude a fait craindre que les progrès économiques fragiles ne soient rapidement anéantis par un simple message sur les réseaux sociaux.
Les turbulences sur le marché obligataire lui ont fait changer de décision
Le président et les responsables de l’administration ont d’abord ignoré la réaction des marchés boursiers après la chute des cours la semaine dernière, déstabilisant les investisseurs qui misaient sur ce que l’on a appelé le put de Trump : la conviction que des pertes de cette ampleur le pousseraient à changer de cap. Tout lui convenait car les taux d’intérêts baissaient.
Mais cette semaine, alors que les pertes s’accumulaient sur les marchés boursiers mondiaux, un nouveau choc est arrivé sur le marché obligataire; les investisseurs se sont débarrassés des obligations d’État, provoquant la plus forte hausse des rendements américains à 30 ans depuis le début de la pandémie.
La rapidité et l’ampleur de la liquidation obligataire ont alimenté les spéculations selon lesquelles des investisseurs étrangers clés, comme la Chine, pourraient vendre des bons du Trésor en représailles. C’est à ce moment-là que la Maison Blanche a annoncé “la bonne nouvelle” pour les marchés actions.
Il s’agit pour l’instant que d’un rebond technique, mais la vigueur de ce rebond rappelle qu’ils sont du type de ceux que l’on observe habituellement lors de crises. Il sera nécessaire de trouver une porte de sortie avec la Chine pour offrir un nouveau catalyseur haussier aux marchés financiers.