La perspective de plusieurs années ou décennies de prix de l’énergie très élevés n’est pas certaine. Au vu du prix actuellement élevé de l’énergie et de la pression inflationniste qui en résulte, il est craint que cette tendance soit durable plutôt que structurelle. La prévision des prix futurs de l’énergie est cependant délicate, tant une multitude de facteurs peuvent entrer en compte. Les expériences historiques indiquent que les flambées des prix de l’énergie ne sont pas nécessairement durables. Par exemple, les chocs pétroliers des années 1970 ont été suivis par le « contre-chocs pétrolier » des années 1980. De la même façon, la flambée des prix du pétrole au début des années 2000 s’est brutalement retournée à l’automne 2014. La baisse récente du prix du gaz renforce la possibilité d’un « contre-choc » énergétique.
Des évolutions qui pourraient conduire à une baisse du prix de l’énergie
La possibilité d’une baisse sensible des prix de l’énergie est un scénario qui, sans être certain, ne peut pas être exclu et qui pourrait être rendu possible par plusieurs évolutions.
– Des changements géopolitiques. L’envolée actuelle des prix du gaz est la répercussion de la guerre en Ukraine et du tarissement des livraisons russes. L’évolution de la guerre est incertaine, tout comme les relations commerciales futures entre la Russie et l’Occident qui, si elles retrouvaient une certaine normalité, permettraient une baisse des prix du gaz. La hausse des prix de l’énergie pourrait conduire à des changements d’alliance. Par exemple, les Occidentaux pourraient se rapprocher du Vénézuela, pays disposant des plus importantes réserves de pétrole avec l’Arabie Saoudite, générant une forte hausse de l’offre1. Une baisse des tensions avec l’Iran (peu probable à court terme au vu de l’utilisation par l’armée russe de drônes iraniens en Ukraine2) pourrait conduire à une baisse des prix du pétrole, comme cela avait été le cas suite à la signature d’un accord sur le nucléaire iranien en 2015.
– Une baisse de la demande. Une baisse de la demande d’énergie conduirait à un tassement des prix. Celle-ci pourrait venir des mesures d’économies prises, notamment en Europe, dans le but d’éliminer les gaspillages. Un krach de l’immobilier en Chine provoquerait également une baisse notable de la demande d’énergie et de matières premières. Pour soutenir le rythme très élevé des constructions, la Chine produit et consomme environ 60 % du ciment3et plus de 50 % de l’acier4dans le monde, deux industries particulièrement énergivores. Si la baisse des mises en chantier déjà amorcée en Chine5 venait à se poursuivre, il en résulterait une baisse sensible de la demande d’énergie. Un prolongement de la politique « zéro covid » est aussi de nature à limiter la demande d’énergie et donc à peser sur les prix.
– Des évolutions technologiques. La découverte et le déploiement de nouvelles technologies sont incertains, mais pourrait freiner à terme la hausse des prix de l’énergie. Dans les années 1970, les prix élevés du pétrole avaient poussé au développement de technologies alternatives ou économes, par exemple le train à grande vitesse, le nucléaire ou des moteurs moins énergivores (comme le succès de la Honda Civic aux Etats-Unis). Aujourd’hui, l’invention, le perfectionnement ou le déploiement de nouvelles technologies pourrait être accélérés par la crise énergétique de façon à produire plus d’énergie ou à en consommer moins. Ces technologies pourraient par exemple concerner l’éolien, le solaire, le stockage de l’énergie ou la motorisation des voitures, bateaux ou avion (hydrogène par exemple). Enfin, des évolutions dans l’extraction du pétrole ou du gaz pourraient en faire chuter le prix, comme cela a été le cas il y a une dizaine d’années avec l’extraction du gaz et du pétrole de schiste.
Le prix du gaz en forte baisse
La baisse récente du prix du gaz indique que des retournement rapides du prix de l’énergie sont possibles. Après avoir flamblé à l’été 2022, le prix du gaz s’est nettement détendu à l’automne du fait de la douceur du climat et du haut niveau de remplissage des stocks en Europe. A fin octobre, le prix est toujours trois fois plus cher que sa moyenne de la décennie écoulée, mais également trois fois moins élevé par rapport au pic de la fin du mois d’août.
Par Sylvain BERSINGER, économiste chez Asterès
1 https://www.usip.org/publications/2022/03/russias-invasion-ukraine-shakes-venezuelas-geopolitical-status-quo
2 https://www.lemonde.fr/international/live/2022/10/20/guerre-en-ukraine-en-direct-berlin-estime-que-plafonner le-prix-ne-peut-fonctionner-que-si-l-ue-rallie-d-autres-pays_6146580_3210.html
3 https://www.flsmidth.com/en-gb/discover/cement-2020/cement-in-china-steering-towards-sustainability
4 https://worldsteel.org/steel-topics/statistics/world-steel-in-figures-2022/
5 https://tradingeconomics.com/china/housing-index