Les banques centrales mènent toujours la danse
Les investisseurs s’étaient habitués à l’idée d’une normalisation progressive des politiques monétaires des principales banques centrales, en raison d’une baisse de l’inflation et d’un ralentissement macroéconomique, bien plus évident en Europe qu’aux États-Unis, mais aussi grâce à des commentaires plutôt accommodants lors de la réunion de la FED en décembre. Par conséquent, en fin d’année dernière, les investisseurs avaient intégré une baisse des taux directeurs de plus de 200 points de base pour 2024. Mais depuis la publication des excellents chiffres de l’emploi et après un léger rebond de l’inflation en janvier, les anticipations de baisse des taux directeurs se sont normalisées (graphique 1) et sont désormais en ligne avec nos attentes.
Graphique 1. Normalisation des anticipations de baisse des taux aux États-Unis
Anticipations du marché concernant le rythme des réductions de taux de la Fed, en %
À la suite de ces ajustements, les rendements des bons du Trésor américain et ceux des obligations européennes ont augmenté assez rapidement en février. Cette tendance a été observée sur l’ensemble de la courbe des taux. En conséquence, la performance des actifs obligataires a été moins bonne qu’attendue en ce début d’année : les rendements du bon du trésor américain à cinq ans sont en légère baisse (-0.7%), les obligations de bonne qualité affichent une performance inchangée depuis le début de l’année (0.1%).
A quoi faut-il s’attendre maintenant ? Le président de la Réserve fédérale (FED), Jay Powell, lors de son discours au Congrès le 6 mars, a donné une vision optimiste des perspectives américaines et de la capacité à faire baisser l’inflation sans recourir à des efforts intentionnels pour affaiblir la demande. Il a aussi répété qu’il souhaitait attendre que l’inflation se dirige durablement vers 2,0 % avant de baisser les taux.
La prochaine réunion de la banque centrale américaine est le 20 mars. L’institution va jouer encore la patience : les responsables de la FED attendront davantage des données confirmant que l’inflation évolue durablement vers l’objectif de 2%. Pour l’instant la croissance américaine reste bien orientée, le taux de chômage est bas, la banque centrale peut attendre l’été avant de baisser ses taux. Avec une croissance économique autour de 2.5% et des taux réels à 2.0%, la politique monétaire américaine est bien moins restrictive qu’on ne le pense. Nous attendons une première baisse des taux fédéraux en juin, suivie par une baisse en septembre de 25 points de base et puis une en décembre, soit au total 75 points de base pour cette année (graphique 2).
La banque centrale européenne (BCE) fait face à une situation bien plus délicate. L’économie allemande a enregistré une récession en 2023, et la croissance de la zone euro stagne. Bien que la situation macroéconomique soit moins rose qu’aux États-Unis, lors de la réunion de politique monétaire du 7 mars la banque centrale européenne a maintenu ses taux directeurs inchangés. Les nouvelles projections macroéconomiques présentées lors de la conférence de presse comportent une nouvelle révision à la baisse de la croissance et de l’inflation à court terme. Depuis que les projections macroéconomiques de décembre ont été établies, les données indiquent que le niveau d’activité reste atone. Les enquêtes de la Commission européenne plaident également en faveur d’une faiblesse des perspectives économiques à court terme. Les perspectives d’une faible reprise laissent donc la porte ouverte à une première baisse de taux en juin de 25 points de base, suivie par une baisse de la même ampleur en septembre et puis par une baisse de 50 points de base en décembre, soit 100 points de base pour cette année. L’économie européenne nécessite une politique monétaire bien plus accommodante pour envisager une reprise au deuxième semestre.
Graphique 2. Les banques centrales sont prêtes à agir dès cette année
Taux directeurs, nos prévisions, en %
Dans ce contexte et nonobstant un début d’année moins porteur, les marchés obligataires restent donc un investissement intéressant.
Selon nous, les obligations de qualité peuvent encore gagner du terrain en 2024, sous l’effet du reflux de l’inflation, du ralentissement de la croissance et de la baisse des taux. Les anticipations du marché concernant le rythme et l’ampleur des réductions de taux de la Fed et de la BCE ont certes été révisées à la baisse face à la solidité des données économiques américaines et aux commentaires de responsables laissant entendre que l’assouplissement de la politique monétaire n’était pas pour tout de suite, mais nous restons convaincus que les banques centrales sont prêtes à agir dès cette année. Nous restons positifs sur les obligations de haute qualité, en particulier sur la dette souveraine de haute qualité et investment grade. Nous privilégions le segment de duration de 1 à 10 ans, en particulier de 5 ans. Le milieu de la courbe des taux offre, en effet, la combinaison la plus intéressante de rendements élevés, de stabilité et de sensibilité à la baisse des anticipations de taux d’intérêt.