jeu. Mai 29th, 2025

LES PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS DE L’ENQUÊTE

I – DE PART ET D’AUTRE DE L’ATLANTIQUE, LES CITOYENS APPRÉHENDENT LES EFFETS DE LA HAUSSE DES DROITS DE DOUANE SUR LEURS ÉCONOMIES RESPECTIVES…

Cette étude révèle d’abord une inquiétude partagée des citoyens français et américains quant aux conséquences économiques potentiellement négatives de la politique tarifaire de l’administration Trump.

1 – Une majorité de citoyens des deux pays anticipe des effets économiques négatifs

Plus de la moitié des Américains (54%) estiment que les tarifs douaniers imposés par leur propre administration auront un effet négatif sur l’économie américaine, soit une hausse de 2 points depuis mars 2025[1]. Cette perception négative est partagée par une part encore plus importante de la population française : 71% des Français pensent que ces mesures nuiront à l’économie de leur pays.

L’analyse du profil des Américains sceptiques face à ces mesures révèle un gender gap significatif (58% chez les femmes contre 50% chez les hommes), ainsi qu’une fracture générationnelle (61% chez les 18-24 ans contre 47% chez les plus de 65 ans). Cette inquiétude est également très marquée chez les personnes diplômées de l’enseignement supérieur (54%), qui sont généralement plus conscientes de l’interconnexion des économies mondiales.

 

2 – La crainte de représailles commerciales domine les préoccupations américaines

Une forte majorité d’Américains (71%) se dit inquiète à l’idée que les pays touchés par les hausses de taxes imposent en retour des droits de douane similaires sur les produits américains. Cette inquiétude transcende en partie les clivages politiques, mais atteint des sommets chez les électeurs de Kamala Harris (87%) et les démocrates (88%).

Cette préoccupation est particulièrement prononcée chez les diplômés de l’enseignement supérieur (82% pour les titulaires d’un 2ème ou 3ème cycle), les cadres supérieurs (80%) et les foyers à revenus élevés (75% pour les revenus supérieurs à 100 000$), c’est-à-dire des catégories qui sont généralement plus conscientes de l’importance des marchés d’exportation pour l’économie américaine.

3 – L’ombre du boycott plane sur les produits américains

L’appréhension concernant d’éventuels mouvements de boycott des produits américains est également significative : 64% des Américains redoutent que les hausses de taxes suscitent des boycotts à l’étranger. Cette inquiétude est particulièrement marquée chez les démocrates (79%) et chez les personnes non-patriotes (66%), qui tendent à être plus sensibles à l’image internationale des États-Unis.

Ce niveau d’inquiétude élevé s’explique notamment par la médiatisation croissante des mouvements de boycott anti-américains qui ont émergé dans plusieurs pays depuis la hausse des tarifs douaniers, comme en témoigne le mouvement #BoycottUSA en France.

Les Américains semblent lucides quant au fait que leur position dominante dans le commerce mondial ne les protège pas nécessairement contre les effets d’une guerre commerciale.

II – LA HAUSSE DES DROITS DE DOUANE SUSCITE UNE DÉSAPPROBATION MASSIVE EN FRANCE MAIS DIVISE L’OPINION AMÉRICAINE…

Le deuxième enseignement majeur de cette étude est le contraste saisissant entre la réaction française, majoritairement hostile aux mesures protectionnistes, et la position américaine beaucoup plus nuancée, reflétant les profondes divisions de la société américaine.

4 – Un fossé transatlantique dans l’approbation des tarifs douaniers

L’écart est spectaculaire entre les deux pays concernant l’approbation de ces mesures : 72% des Français désapprouvent la hausse des droits de douane sur les marchandises entrant aux États-Unis, contre seulement 49% des Américains, révélant un décalage de 23 points. À l’inverse, seuls 18% des Français approuvent ces mesures, soit trois fois moins que les Américains (45%).

Cette différence s’explique en partie par les enjeux économiques directs pour les deux pays : la France, en tant qu’économie plus dépendante des exportations est potentiellement plus vulnérable aux mesures protectionnistes américaines. Par ailleurs, l’absence d’enjeu politique partisan pour les Français facilite un rejet plus unanime.

 

5 – Une Amérique profondément divisée sur la question des tarifs douaniers

Aux États-Unis, l’opinion publique reflète la polarisation extrême de la société : l’opposition à cette politique tarifaire suit une ligne de fracture partisane particulièrement nette, avec 76% des démocrates qui désapprouvent ces mesures, contre seulement 17% des républicains. Cette division se retrouve dans le vote à la présidentielle de 2024 : 81% des électeurs de Kamala Harris sont opposés à ces mesures, contre seulement 15% des électeurs de Donald Trump.

L’analyse révèle aussi un clivage idéologique prononcé : 63% des « très progressistes » et 75% des « assez progressistes » désapprouvent les hausses de droits de douane, contre seulement 20% des « assez conservateurs » et 9% des « très conservateurs ».

La résistance aux droits de douane est particulièrement marquée chez les femmes américaines (54%, contre 43% chez les hommes), révélant un gender gap significatif qui se retrouve dans de nombreuses autres questions politiques. De même, les populations minoritaires se montrent plus hostiles à ces mesures : 63% des Noirs, 58% des Asiatiques et 72% des personnes métisses ou d’autres races les désapprouvent, contre 44% des Blancs. Cette disparité reflète en partie les alignements politiques de ces différentes communautés, mais aussi probablement leur sensibilité aux questions de justice économique et d’inégalités.

 

6 – Une désapprobation des tarifs douaniers légèrement différenciée en fonction des pays visés

Suspendues pour 90 jours depuis le 9 avril, les mesures protectionnistes touchant spécifiquement certains pays sont aussi contestées mais pas massivement : la moitié des Américains désapprouvent la hausse de 20% des droits de douane sur les produits européens (50%, contre 37% qui l’approuvent). Mais ils sont moins réprobateurs à l’égard de la hausse de 145% imposés aux produits chinois (49%, contre 40% qui l’approuvent).

 

III – LE PARADOXE AMÉRICAIN : UN SOUTIEN CROISSANT AU LIBRE-ÉCHANGE MALGRÉ LES POLITIQUES PROTECTIONNISTES…

Le troisième enseignement majeur de cette étude est le paradoxe entre l’évolution à long terme des opinions sur le libre-échange et les réactions aux politiques tarifaires actuelles.

7 – Un renversement historique : les Américains désormais plus favorables au libre-échange que les Français

L’évolution des opinions depuis 1993 révèle un changement profond dans la vision du commerce international : alors que seuls 44% des Américains favorisaient le libre-échange il y a trente ans, ils sont désormais 69% à s’y déclarer favorables, soit une progression de 25 points. À l’inverse, les Français ont connu une évolution contraire : alors que 61% d’entre eux soutenaient le libre-échange en 1993, ils ne sont plus que 47% aujourd’hui (-14 points), au profit du protectionnisme qui recueille désormais 41% d’adhésion (contre 34% en 1993).

Ce renversement traduit un paradoxe saisissant : c’est précisément au moment où l’administration américaine met en œuvre des politiques protectionnistes que les citoyens américains semblent les plus convaincus des vertus du libre-échange. Ce paradoxe s’explique en partie par une vision pragmatique du commerce international : pour beaucoup d’Américains, les mesures protectionnistes peuvent être perçues comme des outils tactiques ne remettant pas en cause l’adhésion générale au principe du libre-échange.

 

 

8 – Un soutien au libre-échange qui transcende les clivages politiques aux États-Unis

Cette adhésion aux principes du libre-échange transcende les clivages traditionnels aux États-Unis : 77% des démocrates et 66% des républicains y sont favorables. Cette convergence relative contraste avec la situation française, où les positions sont beaucoup plus politiquement marquées : 76% des électeurs de droite sont favorables au libre-échange contre seulement 49% des électeurs de gauche.

L’analyse des profils sociodémographiques révèle que le soutien au libre-échange aux États-Unis est particulièrement fort chez les diplômés de l’enseignement supérieur (75%), les cadres supérieurs (74%) et les foyers à revenus élevés (76% pour les revenus supérieurs à 100 000$). Ces catégories, qui ont généralement le plus bénéficié de la mondialisation, restent les plus attachées au libre-échange malgré les effets négatifs parfois perçus sur l’emploi industriel.

 

9 – Une préoccupation pour le pouvoir d’achat qui touche toutes les catégories de la population

Malgré ces divisions, une préoccupation commune émerge concernant l’impact des droits de douane sur le pouvoir d’achat : 51% des Américains et 48% des Français estiment qu’augmenter les droits de douane est « plutôt une mauvaise chose » car cela va rendre les produits plus chers et diminuer le pouvoir d’achat des consommateurs.

Cette inquiétude est particulièrement marquée chez les classes moyennes américaines : 53% des foyers gagnant entre 50 000 et 100 000$ par an désapprouvent ces mesures, tout comme 54% des foyers les plus modestes (moins de 25 000$). Ces catégories, plus sensibles aux variations de prix à la consommation, craignent que les hausses tarifaires ne se traduisent par une inflation

10 – La complexité de l’opinion publique face aux enjeux commerciaux internationaux

Cette étude met finalement en lumière la complexité des attitudes du public face aux questions commerciales. Pour une part significative des Américains, l’adhésion aux principes généraux du libre-échange n’est pas incompatible avec un soutien à des mesures protectionnistes ciblées dans certains secteurs ou contre certains pays.

e paradoxe apparent peut s’expliquer par plusieurs facteurs : une vision pragmatique du commerce international, une distinction entre principes généraux et applications spécifiques, mais aussi une évolution des préoccupations vers une logique de « commerce équitable » plutôt que de « libre-échange » absolu. Pour de nombreux Américains, la hausse des droits de douane peut être perçue comme un rééquilibrage des relations commerciales et non comme une remise en cause du système commercial globalisé.

https://nyc.eu/press/tarifs-douaniers/

 

Le point de vue de François Kraus de l’Ifop, Directeur du Pôle Politique & Actualités

Cette étude témoigne d’une réelle inquiétude concernant les effets économiques des hausses tarifaires décidées par l’administration Trump, tant aux États-Unis qu’en France, mais révèle aussi un paysage d’opinions traversé de paradoxes. Si ces mesures protectionnistes suscitent des craintes légitimes concernant l’inflation et les risques de représailles commerciales, elles s’inscrivent dans un contexte où les Américains ont, paradoxalement, développé un attachement croissant aux principes du libre-échange. À l’inverse, les Français manifestent un attrait croissant pour le protectionnisme. Cette dissonance s’explique largement par les systèmes politiques nationaux : aux USA, l’adhésion au libre-échange est devenue bipartisane, portée par les élites des deux camps, tandis qu’en France, elle est davantage soutenue par les catégories privilégiées et contestée par les classes populaires. Ce décalage entre politiques mises en œuvre et préférences citoyennes illustre la complexité du débat sur la mondialisation au XXIe siècle, où l’opposition binaire entre libre-échange et protectionnisme cède progressivement la place à une recherche de régulation plus nuancée des échanges internationaux….

« Étude Ifop pour NYC.eu réalisée par questionnaire auto-administré en ligne auprès d’un échantillon national représentatif de 1 225 Américains âgés de 18 ans et plus (8-10 avril 2025), et d’un échantillon national représentatif de 1 000 Français âgés de 18 ans et plus (9-10 avril 2025). À des fins de comparaison, un échantillon probabiliste de cette taille aurait une marge d’erreur d’au plus ±3% (19 fois sur 20) ».

[1] Etude Léger pour Québecor réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 7 au 10 mars 2025 auprès d’un échantillon de 2 134 personnes, représentatif de la population canadienne âgée de 18 ans et plus. Les données ont été pondérées en fonction du genre, de l’âge, de la langue maternelle, de la province, du niveau de scolarité et de la présence d’enfants dans le ménage.

« Étude Ifop pour NYC.eu réalisée par questionnaire auto-administré en ligne auprès d’un échantillon national représentatif de 1 225 Américains âgés de 18 ans et plus (8-10 avril 2025), et d’un échantillon national représentatif de 1 000 Français âgés de 18 ans et plus (9-10 avril 2025). À des fins de comparaison, un échantillon probabiliste de cette taille aurait une marge d’erreur d’au plus ±3% (19 fois sur 20) ».

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